AGAPES & AVENTURES Se laisser porter et se laisser surprendre. "Il n'y a pas de hasard, mais des rencontres." Voir aussi LES LETTRES DE PASCAL K leslettresdepascalk.blogspot.com
31 mars 2020
Le journal du confinement semaine 2
Mardi 24 mars 8e jour.
A midi, nous entrons dans la deuxième semaine de confinement en France.
Un contact téléphonique professionnel. Nina, l'attachée de presse de la Ville de Mulhouse qui me met en relation rapidement avec Paul Quin, l'adjoint à la sécurité, à ma demande, pour une interview sur le couvre-feu instauré depuis dimanche. Brunstatt-Didenheim et Zillisheim emboîteront le pas à la ville centre.
Il faut se nourrir. Un saut à la boulangerie Marzin, où n'entre qu'un client à la fois. Fini la queue du samedi matin dans ce petit commerce. Deux vendeuses dont une avec masque, la patronne dans le fournil. Le comptoir protégé par une vitre. Ambiance de guerre. Près de chez moi aussi, le boucher. Des cagettes nous éloignent de la vitrine. Deux vendeuses, une cliente quand j'entre. L'effectif est diminué par la maladie. A cause de cela, ma petite femme met encore plus de distance entre elle et moi désormais. Parfois il vaut mieux se taire. Le corona nous isole tous, il me sépare maintenant de mon amour pour un temps qu'elle déterminera.
Ce jour j'interviewe aussi Jean-Marie Claudepierre, représentant la Fédération des marchés de France dans les Vosges. Dans les restrictions nouvelles, les marchés ouverts et couverts sont fermés sauf dérogation préfectorale. Dans le Haut-Rhin, Michèle Lutz venait de nous dire que le préfet tenait à garder le marché de Mulhouse, car site d'achats de première nécessité. En début d'après-midi, les derniers commerçants plient leurs stands. Le représentant de l'Etat dira non par ailleurs aux sollicitations du maire de Colmar. Une mauvaise nouvelle de plus, pour de petits producteurs sans débouché.
Mercredi 25 mars 9e jour
Emmanuel Macron à l'hôpital de Mulhouse.
On le rabâche,le Haut-Rhin et d'abord Mulhouse dans l’œil du cyclone Corona en France depuis ce rassemblement de Bourtzwiller. Le chef de l'Etat se rend au GHRMSA en fin d'après-midi, précisément à l'EMR sur le parking. Il porte pour la première fois un masque. Jean Rottner s'est fait excuser, souffrant de symptômes suspects. Le président de la République profite du JT de 20H pour faire son allocution. Nos radios n'ont pas été invitées à couvrir ce déplacement et ça se comprend.
Auparavant, j'interroge mon curé largotin sur son quotidien. Le père Justin a célébré sa dernière messe avec des fidèles le 14 mars. Depuis, il n'a vu que des familles en deuil. Les prêtres catholiques sont un peu plus seuls que d'habitude. Et l'Ivoirien n'a jamais connu l'interdiction d'office même dans les heures sombres de la Côte.
Fin d'après-midi avec le réseau RTL2-Fun. Nouvelle visioconférence avec les confinés des musicales du groupe M6.
Jeudi 26 mars 10e jour
Reportage de proximité. Ce matin, je visite la boulangerie Wininger, un des commerces alimentaires artisanaux d'Altkirch. La maison fait aussi épicerie et bureau de tabac. Surtout il s'agit de suivre brièvement François dans sa tournée. Il aura fallu la crise sanitaire pour que je revoie Frantz, à peine plus âgé que moi. Je le retrouve à Aspach. Les gendarmes disposés au rond-point du cimetière ne me contrôlent ni à l'aller ni au retour.
Vers 08H50, un appel inédit du Sud de la France, quelques jours après celui d'Anne et Gérard de Toulon. C'est Blandine ! J'ai reconnu sa voix d'entrée. Elle qui a quitté l'Alsace voilà trente ans...Le moment est mal choisi pour papoter, du reste mon ancienne collègue souhaite partager une information médicale d'un praticien varois, mais celle-ci me paraît trop technique pour être comprise. Blandine s'adresse à moi car elle cherchait "un journaliste alsacien, ses connaissances n'étant plus de ce monde". Elle-même doit au moins être sexagénaire.
Vendredi 27 mars 11e jour
Dernier jour avant les congés.
Décidément je ne fais rien comme tout le monde. J'avais posé des vacances pour la période précédant Pâques, ayant travaillé sans discontinuer depuis la mi-août. Sauf que le corona a surgi et voilà que le confinement est prolongé jusqu'au 15 avril. Au moins bis. On fera avec. Je me suis levé aux aurores comme d'habitude,j'ai vite acquis la nouvelle feuille de route quotidienne. Un appel, celui du chef comptable. En temps normal, c'est lui que les collègues appellent.
Vers 19H, j'ouvre une nouvelle fenêtre. Je suis, semble-t-il, en vacances pour deux semaines.
Samedi 28 mars 12e jour
Le bureau de poste d'Altkirch est fermé pour deux semaines, la boîte aux lettres relevée trois fois par semaine.
Je fais mes courses alimentaires à Spechbach-le-Bas aux Champs de l'Ill, produits fermiers, adresse rappelée à juste titre par mon confrère Jean-Michel Hell. Le caissier est à l'abri derrière sa vitre, il désinfecte à tour de bras. Cinq clients admis au plus, la moitié porte le masque.
Je me demande d'ailleurs comment toutes ces personnes ont accès à cet équipement quand il est dirigé prioritairement vers les professionnels de santé.
Le reste de mes achats au supermarché, toujours bien approvisionné et sans cohue. Les hôtesses de caisse ont le casque lourd,ce genre de protection utilisée quand on débroussaille.
Le samedi est jour de cuisine.
J'attaque enfin le livre dédié au regretté Jean Schillinger. La crème brûlée.
Dimanche 29 mars 13e jour
Deuxième dimanche sans messe physique. Je rejoins la diffusion Facebook de St-Nicolas-du-Chardonnet. Je pense à Vincent, envoyé dans la vallée de Munster.
Le plat dominical est emprunté à un chef du même territoire. Une sauce champignons - curry. Je dois rectifier trois fois.
Beaucoup sont dans la peine et l'isolement. Heureusement, depuis sa maison, Patrick Wolfer assure le show en live sur Facebook l'après-midi. Ce dimanche, il fait hivernal. Ambiance après-ski.
M6 consacre un reportage à la ville d'Altkirch. Mes confrères ont fait un reportage proche du mien en suivant la police municipale, désormais masquée. Ma ville a une unité Covid-19 d'une cinquantaine de lits.
Lundi 30 mars 14e jour
Je suis officiellement en vacances.
Déconnexion temporaire de l'actualité Covid-19. Un grand chantier m'attend. Remettre en état le réseau de train miniature abandonné là-haut aux araignées et à la poussière. Comme si la guerre était passée par là.
30 mars 2020
PROMESSES EXTRAORDINAIRES
Depuis
que la France et beaucoup d'autres pays sont à l'arrêt, le
téléphone ne sonne quasiment plus. Avant, pas un jour qu'on ne
m'appelle pour me vendre un fournisseur d'énergie, une assurance,
une rénovation. Après deux semaines de confinement, nous devons
nous contenter de ce que nous avons et de ce que nous pouvons encore
trouver dans le commerce autorisé si nous ne passons pas par la
vente en ligne. Le Covid-19 va chambouler le monde et la
mondialisation. Et nos modes de consommation sûrement.
L'automne
dernier, Annie Pastor publiait chez Hugo Desinge
« Merveilles
vendues par correspondance » dans la série « Les
Pubs que vous ne verrez plus jamais », plus de 100.000
exemplaires vendus pour chacun des 4 volumes.
En
160 pages, l'ancienne rédactrice en chef adjointe de L'Echo des
Savanes nous raconte « l'art et la manière de vendre
n'importe quoi à n'importe qui ». Une compilation
d'annonces publicitaires invraisemblables puisées dans la presse
populaire des Trente Glorieuses. L'auteure pose le contexte. La
Guerre Froide. Les Etats-Unis exportent leurs produits et leur
culture de consommation de masse. C'est le culte d'une société
dominante, prospère, idéale et moderne, à l'inverse du bloc
communiste. L'American Way of Life. « Acheter tout et
n'importe quoi est possible et même un devoir moral pour la
prospérité » d'un pays soumis au capitalisme triomphant.
Annie Pastor s'intéresse ici à « un marché parallèle qui
se développe rapidement, de produits miraculeux et étranges, de
loisirs peu chers ». Ses opérateurs trouvent des espaces
de communication plus accessibles dans les magazines spécialisés et
la bande dessinée. Ils vont les inonder de publications sidérantes
qui aujourd'hui nous feraient rire ou au contraire frissonner.
En
1941, les chewing-gums Bazooka proposent de gagner un Flexy Racer, la
planche à roulettes sur laquelle on se couche. En 1968, sautillez
chaussé de Space Shoes. Ou lancez-vous à plat ventre sur le Slip'n
Slide, tapis à arroser pour glisser sur une dizaine de mètres. Des
activités de plein air qui risquent de mal finir, soit par
traumatisme, soit par brûlure. A
l'intérieur, les enfants peuvent s'improviser chimistes. Une maison
française vend une boîte de résines polyester qui mal mélangées
avec les catalyseurs font encourir un départ de feu...
D'un
très mauvais goût, inspirée de la Révolution française, Chamber
of Horrors de Madame Tussaud, la réplique en plastique d'une
guillotine avec une figurine bientôt décapitée. « Harmless
fun ! » Avant la déferlante Halloween, une société
new-yorkaise vantera ses X-ray glasses, lunettes à rayons X
permettant de voir le squelette d'un vivant.
Dans
ce monde d'après-guerre mondiale, il faut bien présenter, être
beau, fort, cultivé, prospérer. De petites annonces promettent aux
petits gabarits de grandir, de « 8 à 16 cm à tout âge ».
Annie Pastor a trouvé une mine de publicités autour de la
transformation physique, mincir en pétrissant avec le pétrisseur
Sterling par exemple, se forger une gorge de rêve, paraître plus
jeune chaque matin... Pour les hommes, changer de tête avec un
postiche ou faire pousser les cheveux avec un appareil de massage
infrasonique (sic). Le mâle doit rassurer. On lui prodigue le
pouvoir secret du kung-fu chinois, mais la femme aussi peut se
défendre en apprenant la méthode de Yubiwaza, mettre à terre son
agresseur avec un seul doigt...
De nombreux domaines sont abordés dans ce recueil, de l'apprentissage des miracles dans sa vie à l'attirance de l'amour en passant par l'espionnage de son voisinage voire la sorcellerie avec le kit vaudou.
Le plus beau dans cette rétrospective richement illustrée, « c'est COMMENT on vous a vendu » ces merveilles. « La forme est encore plus forte que le fond, qui apparaît aujourd'hui aussi rétro que surréaliste, comme une forme d'art brut et primitif. » « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute », écrivait Jean de La Fontaine.
De nombreux domaines sont abordés dans ce recueil, de l'apprentissage des miracles dans sa vie à l'attirance de l'amour en passant par l'espionnage de son voisinage voire la sorcellerie avec le kit vaudou.
Le plus beau dans cette rétrospective richement illustrée, « c'est COMMENT on vous a vendu » ces merveilles. « La forme est encore plus forte que le fond, qui apparaît aujourd'hui aussi rétro que surréaliste, comme une forme d'art brut et primitif. » « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute », écrivait Jean de La Fontaine.
L'Action Automobile et Touristique printemps 1954 |
Le monde a changé ces dernières décennies. Mais il se trouve toujours une annonce dans la presse pour améliorer notre condition ou promettre le retour d'un être cher.
Maintenant, tout n'est pas bidon. Ainsi « ces Tupperware qui vous changeaient la vie » en 1973 sont toujours dans l'air du temps. Et continuent de changer la vie, parfois confortablement. Contrairement aux figurines d'étain; le coulage de soldats proposé aux enfants par Kaster dans les années 30 a fatalement eu du plomb dans l'aile.
Merveilles vendues par correspondance
par Annie Pastor, Ed. Hugo Desinge
27 mars 2020
PARLONS ELSASSICH DKL DREYECKLAND vendredi 27 mars 2020
S'esch
küm z'glàuiwa, s'esch scho weder Fritig. C'est à peine
croyable, nous sommes de nouveau vendredi. Pour le million et demi de
Français au chômage partiel, ça ne change pas grand-chose. Quoi
qu'il en soit, le week-end arrive. S'Wuchanand zaigt si.
Et le
week-end on fait quoi ? On passe de bons moments avec ceux qu'on
aime, ses amis, ses proches. Bon, ça c'était avant. Car depuis le
17 mars, nous sommes confinés.
Jeder bi sech un Gott bi àlla, pourrait-on détourner de l'alsacien.
Jeder bi sech un Gott bi àlla, pourrait-on détourner de l'alsacien.
Or il y a
toujours des apéros entre voisins, bien que ce soit formellement
interdit. En Gironde, les gendarmes ont pris 9 personnes en train de
trinquer sur le trottoir. 135 € la prune pour chacun. En Alsace, on
préfère la prune dans le verre, a Pflümawàsser -mais avec
modération. M'r wann kä Pflüma hà.
Mais ne
soyez pas tristes, car dans le confinement on vit autrement. Et comme
l'apéro collectif est proscrit, on a inventé l'apéro Skype,
l'apéro par visioconférence, d'r Aperitif met Videoverbendung,
on peut aussi dire Apatitàreger pour apéritif.
C'est ainsi que j'ai surpris mon fils confiné dans sa chambre mais visiblement bien entouré.
Il participait à un apéro Skype.
J'aimerais bien trinquer avec vous, mais vous êtes trop nombreux. Promis, le cœur y est,
C'est ainsi que j'ai surpris mon fils confiné dans sa chambre mais visiblement bien entouré.
Il participait à un apéro Skype.
J'aimerais bien trinquer avec vous, mais vous êtes trop nombreux. Promis, le cœur y est,
s'war
garn gschah.
Hopla, màchet's güat un bliewet gsund. Gsundheit !
Hopla, màchet's güat un bliewet gsund. Gsundheit !
26 mars 2020
PARLONS ELSASSICH DKL DREYECKLAND jeudi 26 mars 2020
Photo Thierry Kuba |
C'est le
jour 10 du confinement. Depuis une semaine et demie, beaucoup d'entre
nous travaillent à domicile. M'r schàffa d'Heim. S'heisst, m'r
mian d'Heim schàffa.
Ça vaut aussi pour vos animateurs et journalistes.
Voyez, on peut faire une émission « Debout l'Alsace »en multiplexe, d'r einer esch do, d'r ànder hockt därt. Sauf Mister Music qui garde les murs. Un peu comme le père Fouras du Fort Boyard, salut Thierry !
Ça vaut aussi pour vos animateurs et journalistes.
Voyez, on peut faire une émission « Debout l'Alsace »en multiplexe, d'r einer esch do, d'r ànder hockt därt. Sauf Mister Music qui garde les murs. Un peu comme le père Fouras du Fort Boyard, salut Thierry !
Mais nous
ne sommes pas tous égaux dans / devant le télétravail.
Après moins de deux semaines de confinement, Deskeo, premier opérateur de bureaux flexibles en France, a interrogé plus de 2700 professionnels au sujet de leurs conditions de télétravail forcé. Une enquête qui montre une situation très complexe.
Au moment de l'enquête, 29% des personnes interrogées déclaraient travailler sur leur lieu habituel. Fàscht a drittel im Altaagliga. Pour 71%, c'est le télétravail, essentiellement à domicile, d'Heim wia meer. Pour les autres, c'est dans une maison de campagne, im Làndhüss oder im Wäkendhisla. Pour 1%, c'est ailleurs, peut-être chez la copine, allez savoir.
En tous cas, la plupart des télétravailleurs découvrent cette nouvelle façon de faire, à 70%.
Et surtout, 3 personnes sur 4 déclarent ne pas avoir une pièce pour télétravailler.
Après moins de deux semaines de confinement, Deskeo, premier opérateur de bureaux flexibles en France, a interrogé plus de 2700 professionnels au sujet de leurs conditions de télétravail forcé. Une enquête qui montre une situation très complexe.
Au moment de l'enquête, 29% des personnes interrogées déclaraient travailler sur leur lieu habituel. Fàscht a drittel im Altaagliga. Pour 71%, c'est le télétravail, essentiellement à domicile, d'Heim wia meer. Pour les autres, c'est dans une maison de campagne, im Làndhüss oder im Wäkendhisla. Pour 1%, c'est ailleurs, peut-être chez la copine, allez savoir.
En tous cas, la plupart des télétravailleurs découvrent cette nouvelle façon de faire, à 70%.
Et surtout, 3 personnes sur 4 déclarent ne pas avoir une pièce pour télétravailler.
Voyez
bien, pour « Debout l'Alsace ».
Chez moi,
c'est au salon, s'esch heimlig. Chez Maryline, c'est peut-être
à la cuisine comme elle mange toujours notre Miss Rillettes, chez
Pierrot Maurer c'est à la cave, d'r Pierre gaitscht im Kaller.
L'essentiel,
c'est d'être efficace.
D'Heim schàffa, dàs dian mr scho schàffa. Ça va le faire.
D'Heim schàffa, dàs dian mr scho schàffa. Ça va le faire.
24 mars 2020
Le journal du confinement semaine 1
C'était
dans l'air. Depuis quelques jours, il était impératif qu'on
m'équipât du matériel d'enregistrement à la maison, dans la
perspective d'un confinement. Lundi 16 mars fin de matinée. Mes
collègues disparaissent rapidement, du moins ceux qui restent.
Cependant qu'un autre vient m'installer de quoi télétravailler en
début d'après-midi, je retourne au bureau. Il est quasiment 16H
quand j'ouvre la porte de la radio. Il n'y a plus personne. Célia,
ma stagiaire, n'aura pas fait une semaine complète. On l'a priée de
partir sans qu'elle puisse me saluer. On remettra ça. Je vais
m'atteler à la tâche comme chaque fin d'après-midi, préparant les
journaux du soir avec un ordinateur en moins, délocalisé chez moi.
Je me sens comme seul au monde dans cet immeuble silencieux au
commerce endormi. Je me souviens de mon dernier jour sous les
drapeaux, quand je traînais pour réintégrer mon foyer. Le soleil
se couche, je considère une dernière fois ces locaux vides avant le
saut dans l'inconnu. Je ne sais pas quand je reviendrai. Je ne sais
pas si je vais revenir. Ce maudit fléau qui malmène la planète
frappe sans qu'on ne le voie. J'ai un déchirement au cœur, comme
quand je dois prendre congé de mon épouse à l'aéroport de Zurich.
Mardi 17
mars. Le chef de l'Etat s'est promu chef de guerre hier soir à la
télé. Les Français vont apprendre le confinement. Après la
fermeture des commerces dits « non essentiels » dimanche.
Et l'arrêt brutal de la restauration. Ce matin, je n'ai pas de car à
prendre. La trottinette va pouvoir se reposer sur ses deux roues un
certain temps. Je me lève à 5H de fait, pour prendre mon poste à
5H45. Dans mon salon. J'appréhendais le travail à domicile. Or c'est
comme si j'avais toujours produit depuis chez moi. Il faut dire que
mon espace de travail est dévolu à mes blogs, il est propice à la
création intellectuelle. Michaël m'a posé un traitement de son, un
micro et une petite table de mixage. Les connexions sont établies
avec la radio. Ma première journée de télétravail en 35 ans de
métier se révélera productive et sans accroc. En fin de matinée,
un dernier salut à maman avant le confinement. A 11H59, je suis sur
le point de franchir ma porte d'entrée. Désormais il est interdit
de sortir sans motif dûment justifié.
Jeudi 19
mars. Saint Joseph ne sera pas célébré comme il le faudrait cette
année.
Nouvelle expérience pour moi : comme les locales de RTL2 sont mises en sourdine, je suis appelé comme joker de Cerise FM, une radio musicale haut-rhinoise. J'y avais déjà assuré chroniques et interviews. Un chapelet de bulletins de 6H30 à 12H30. Le travail de reporter reprend ses droits. Je me rends chez Esteban Domitin, boulanger Banette° qui m'attend rayonnant sous le soleil.
Nouvelle expérience pour moi : comme les locales de RTL2 sont mises en sourdine, je suis appelé comme joker de Cerise FM, une radio musicale haut-rhinoise. J'y avais déjà assuré chroniques et interviews. Un chapelet de bulletins de 6H30 à 12H30. Le travail de reporter reprend ses droits. Je me rends chez Esteban Domitin, boulanger Banette° qui m'attend rayonnant sous le soleil.
14H. Je
monte en ville encore. Devant l'hôtel de ville m'attend la police
municipale. C'est à la place du mis en cause que je me fais
véhiculer sur deux points de contrôle, histoire de voir comment les
automobilistes et piétons appliquent les consignes gouvernementales.
Vendredi
20 mars. C'est le printemps. On l'oublierait presque. Ma sortie du
jour se limite à une opération poubelles. L'attestation dérogatoire
de déplacement est nécessaire, même pour quarante pas. Je me
trouve en mouvement sur l'espace public.
Samedi 21
mars. Jour des courses. Retour chez le boulanger. Je croise mon
ancien pompiste, qui ne change pas malgré ses huit décennies au
compteur mais qui ne dira rien de plus que mon nom. Tiens, voilà une
autre vieille connaissance, issue de la banque. Un autre vieux
monsieur qui se masque le visage et diffuse un arôme de laurier. Il
est moins bavard désormais et fuit le corona. Heureusement le
personnel de la boulangerie est souriant malgré la déprime
ambiante. Chez mon boucher de proximité, c'est encore plus calme. Et
le tabac-presse d'en face est fermé depuis mardi.
Dimanche 22 mars. 10H. Les cloches de Notre-Dame sonnent. Je ne sais pas quand a eu lieu la dernière messe dans l'église de mon enfance. Les cultes, on oublie pour le moment. Mais ça fait longtemps que mes contemporains ont oublié Dieu. Le chien de la voisine chiale.
Dimanche 22 mars. 10H. Les cloches de Notre-Dame sonnent. Je ne sais pas quand a eu lieu la dernière messe dans l'église de mon enfance. Les cultes, on oublie pour le moment. Mais ça fait longtemps que mes contemporains ont oublié Dieu. Le chien de la voisine chiale.
Ce 4e
dimanche de Carême est pourtant celui de la réjouissance. Le
printemps réveille la nature, la lumière pascale se lèvera
bientôt. Réjouissons-nous des guérisons, rappelle Mathieu, curé
des paroisses de l'Eau Vive, qui propose un office en Facebook live
depuis son église de Village-Neuf. Encore une expérience pour moi,
privé de messe in situ. Près de 330 vues en moyenne pour cette
première. Mulhouse instaure le couvre-feu à 21H.
Lundi 23
mars. 7E jour de confinement. Je me lève à 4H45. Interview
téléphonique du chef deux étoiles Olivier Nasti qui a fermé son
ensemble de luxe. Il en profite pour réaliser des recettes de CAP.
Mon patron prend des nouvelles.
Ce soir, Edouard Philippe va annoncer que le confinement durera quelques semaines.
Quand « beaucoup de nos concitoyens aimeraient retrouver le temps d'avant ».
Ce soir, Edouard Philippe va annoncer que le confinement durera quelques semaines.
Quand « beaucoup de nos concitoyens aimeraient retrouver le temps d'avant ».
18 mars 2020
LA DERNIÈRE PAGE DE BERNARD FISCHBACH
Bernard à La Brigantine en 2005 |
Quand
tu venais me rendre visite à la radio, tu connaissais le chemin,
passant le filtre de l'accueil. Un pas décidé, la poignée de main
ferme, un sourire complice. Bernard Fischbach. Je ne t'avais pas revu
ces dernières années, toi qui étais entré régulièrement dans ma
vie journalistique.
Mulhouse est mon territoire professionnel depuis la fin des années 1980. C'est à ce moment-là que nous avions fait connaissance. Toi le grand reporter des DNA, moi le débutant promu à Radio Star. Dès lors, je t'ai toujours connu ainsi. Un air de Jacques Lanzmann comme toi écrivain, les cheveux gris un brin rebelles et cette moustache de gaulois. Surtout cet œil vif, clair, inquisiteur et malicieux à la fois. Et l'indispensable foulard noué autour du cou. Je ne t'ai pas connu avec la cravate. Ça n'aurait pas collé. La ponctualité était ton obsession. Toujours rivé sur ta montre, tu ne supportais pas d'attendre. La patience est pourtant nécessaire dans notre métier. Tu étais pressé. Bien plus tard, dans ta retraite de localier, tu fonçais toujours comme si le monde devait s'arrêter demain. Quand tu surgissais à la rédaction, tu ouvrais ta serviette pour en sortir ton dernier livre souvent dédicacé par avance. Si les gens ont oublié B.F., les libraires et les lecteurs d'alsatiques se souviennent de Bernard Fischbach.
Je
peux confesser ici que tu es l'auteur que j'ai le plus lu. C'est que
tu étais prolifique. Sitôt un livre publié, sitôt un autre en
route. Passionné d'Histoire et d'histoires criminelles, tu auras
apporté de précieux éclairages sur des faits et des hommes qui
nous sont liés. Avec Oradour, l'extermination tu as expliqué cette
terrible page qui des décennies durant a terni les relations entre
l'Alsace et le Limousin. Tu as évoqué encore le RAD, malgré eux,
dont les livres d'histoire ne parlent pas. Avec Les révoltés
d'Ottendorf, c'était le roman historique illustré par un autre
Bernard, Latuner. Mulhouse t'a inspiré. Tu nous as ouvert à
Mulhouse d'antan, Au temps du tram et du trolley à Mulhouse (avec
Jacques Kirchmeyer), Mulhouse d'hier à aujourd'hui (avec Micheline
Lang-Reitz)...Avec Waldteufel, autre musique. Un beau livre – CD
dédié au Strauss français, de Strasbourg.
Je
t'aurais imaginé inspecteur de police. Tu as baigné dans le polar.
Banc public, Merlin l'exécuteur, Monsieur Crime Parfait, Jetza...Je
dévorais tes intrigues bien ficelées dans lesquelles tu convoquais
les animaux. Tu as parfois écrit à quatre mains, mais je m'étais
habitué à ta plume et à tes personnages féminins. Tu as collaboré
avec plusieurs maisons, dont Le Bastberg, qui t'avais confié la
collection des Polars régionaux. Avec Le passe-muraille du Mont
Ste-Odile, tu perçais cette incroyable et médiatique affaire de
vols de livres précieux au sanctuaire.
J'ai eu le plaisir de t'accueillir à ma table. Je me souviens d'un déjeuner animé au cours duquel je t'avais proposé la compagnie de vieilles amies qui t'avaient irrité en se souvenant du maréchal Pétain. J'ai eu le bonheur de partager un dîner chez toi, où contre toute attente je retrouvais un officier de ma préparation militaire...
En fermant le bouquin, tu es allé rejoindre ton vieux collègue Daniel Walther parti deux ans avant toi. Quand je passe à Brunstatt, je lorgne souvent sur la colline où tu avais élu domicile. Quand j'y repasserai, je le ferai derechef, un de tes mots – signatures.
Adieu Bernard.
Bernard Fischbach s'est éteint le 17 mars 2020 à 81 ans.
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