30 septembre 2022

L'ECOMUSEE DE JEBSHEIM

Soldats français, tenues américaines et grenade jaune du début de la guerre


 Jebsheim, janvier 1945. Le village clé de la Poche de Colmar. Pendant une semaine, cette commune va subir un feu d'enfer inversement proportionnel à la glace de l'hiver, avec un mercure aux environs de -20°. C'est la Bataille de Jebsheim que deux associations de reconstitueurs, Soldats d'hier et Alsacemilitaria avec le soutien d'autres ont commémorée les 24 et 25 septembre à l'Ecomusée d'Alsace.






Le village alsacien rappelant le début du siècle dernier se prête particulièrement à ce travail de mémoire. Il ne s'agit pas de représenter la guerre mais de chercher à comprendre, expliquent, devant une délégation du 1er RCP et d'autres officiels, les représentants des acteurs du week-end. L'Histoire ne doit pas être le seul champ des historiens, elle doit se partager. Le 1er Chasseurs Parachutistes de Pamiers (Ariège) fondé en 1943 au Maroc est le plus ancien dans sa catégorie. Il a payé le prix fort dans la région du Rhin supérieur. Jebsheim ne l'a jamais oublié. Elle est sa commune marraine et l'associe régulièrement aux commémorations de janvier. Les trois militaires en visite à l'Ecomusée soulignent le lien fort armée - Nation en Alsace et sont ravis de leur voyage mémoriel.



 L'officier tradition en profite pour traquer les fautes d'habillement des soldats. "Un uniforme se porte, on ne se déguise pas." Effectivement, les participants mettent un point d'honneur à la justesse de leurs effets, en évitant les anachronismes. On porte jusqu'aux lunettes réalisées à partir des modèles d'hier. Tout n'est pas d'origine bien sûr, comme la veste de ce sous-officier allemand. Il faudrait débourser plus d'un millier d'euros me confie celui qui la porte, un Munstérien entré dans la vie de son personnage depuis plus d'une décennie. Il campe un chasseur de montagne aguerri au front norvégien.




En parcourant le village, je m'arrête devant une mitrailleuse tenue par un soldat français. Elle date de la Grande Guerre, avec un système de refroidissement à eau. Le métal chauffe vite. Plus loin, une cuisine de campagne, alimentée à l'essence. Les hommes prennent des forces avant d'en découdre.








A Jebsheim cet hiver 45, le village avait changé de mains trois fois. Plus de 900 personnes y laissèrent leur vie, plus de 2000 furent blessés. Pour certains libérateurs, c'était le Verdun alsacien.
Les reconstitueurs reproduisent les pions d'une guerre imposée comme celle d'Ukraine. Leur témoignage œuvre en faveur de la paix. Celle qui se construit par la connaissance de l'autre. Le tourisme de mémoire lui continue de se développer. Alsace Destination Tourisme se rapproche de la Route de la Libération de l'Europe. Le Pays de Colmar ne manque pas de lieux significatifs, comme le Pont des Américains récemment célébré à Horbourg-Wihr.





20 septembre 2022

BiObernai, BiEAUbernai en 2022


Plus de 19.000 visiteurs pour le Salon de l'Agriculture bio, de la Terre et des Hommes.
Entre les gouttes, après la sécheresse, on y a débattu de la "Précieuse eau".



Bernard Fischer, Miss Alsace 2022 Camille Sedira et Maurice Meyer


C'est toujours un plaisir d'aller à Obernai, deuxième ville touristique du Bas-Rhin. 
Cette fin de semaine, aux habituels touristes du pays de Sainte-Odile se mêle le public de BiObernai.
J'en ai régulièrement parlé dans mes narrations journalistiques. J'ai fini par m'y rendre et je ne regrette pas les 111 km qui séparent la ville moyenne de ma capitale du Sundgau. 



Vendredi milieu d'après-midi. Jour 1, les premiers visiteurs ont déjà fait leur tour. Je trouve une place de stationnement pas très réglementaire, mais c'est un contexte de manifestation. J'entre dans le périmètre quand Marie-Isabelle en sort. Une autre Haut-Rhinoise en terre obernoise. Cheffe de projet événementiel à Colmar Expo, elle travaille avec l'association de la foire bio d'Alsace, cette pionnière de presque 40 ans. La jeune femme est venue voir les exposants qu'elle connaît et  trouver ceux qui pourraient rejoindre la grande famille colmarienne. Elle repart séduite par BiObernai. Nous évoquons Rouffach, la foire dans les remparts hier. Une autre époque, une atmosphère nouvelle à ses balbutiements. Ici le salon a pris ses quartiers au voisinage des contreforts. Pour faire tourner une telle organisation, il faut de nombreux bénévoles, présents dès l'accueil. 




Le temps grimace, j'ai pris une averse dans la Vallée noble, mais les visages sont souriants ici. Ce n'est certes pas la foule encore, mais quatre lascars en ciré jaune amusent la galerie. Ils se présentent comme "les marins-pêcheurs de Furdenheim". Il s'agit de comédiens ambulants qui évoluent à palmes en poussant la chansonnette. Premier arrêt au stand Baumstal. 


Une marque qui fête ses 50 ans pour des produits garantis à vie. Je fais la conversation avec Pascale, responsable commerciale, et son binôme venu en renfort. Les ustensiles de cuisson inox 18/10 font le bonheur des ménagères. A l'origine, Lucien Baumlin, un industriel de Wittisheim, dont les faitouts traversent le temps et sont garantis à vie.

 Au cœur du salon, à proximité de la halle de marché, se prépare le vin d'honneur. Kougelhopfs et viennoiseries sont fournis par la boulangerie Schwartz, bien connue dans la cité de sainte Odile. La maison tient son stand à côté et présente ses succulentes productions. Une avenante vendeuse à l'accent roumain me donne les explications, rejointe par Pauline, l'épouse de Thierry Schwartz. Le chef étoilé (un macaron Michelin et un macaron vert) a appris à faire son pain à Rosheim. Comme pour sa cuisine, il s'approvisionne au plus près. Justement le voici, affairé à sa marchandise. Nous prenons le temps d'échanger rapidement. Le beurre de Heiligenstein, les jersiaises, les légumes oubliés, le manque de main d'œuvre...Je considère le pumpernickel, ce pain d'après-guerre et nordique, mais surtout les bretzels, confectionnés comme autrefois, les seuls labellisés Ecocert et parsemés de fleur de sel. Ma mémoire gustative saura s'en souvenir. 



Un gaillard me salue. C'est Maxime, des chaussettes Labonal. Un arrêt au stand du fabricant de Dambach-la-Ville où je fais la connaissance de Samy, le nouveau responsable de la marque La Frenchie by Labonal.

Il est en discussion avec un binôme de gendarmes. Sous la halle, je capte Gilles, l'éternel gardien de l'espace DKL. D'autres ondes plus loin, Fréquence Verte. Comment ne pas penser à  Radio Verte Fessenheim dans les années 70... 








Entre-temps, la visite inaugurale va finir. J'ai croisé Bernard Fischer, le maire, aux petits soins de l'invitée de marque Camille, fraîchement élue Miss Alsace. Au moment des courtes allocutions, le soleil revenu pose ses rais sur l'assistance, précédée des joyeux comédiens. J'ai l'occasion enfin de rencontrer de vive voix Maurice Meyer, le créateur et directeur de BiObernai. L'an prochain, ce sera la 20e. Pas de thème précis, avance l'agriculteur. Juste la fête pour se retrouver dans cet univers du mieux-être. 










12 septembre 2022

UNE TOURNEE CHEZ GUSTI A HIRSINGUE





Hirsingue, jeudi 1er septembre, vers 19 heures. En quittant mon véhicule près de la poste, je perçois un brouhaha qui s'échappe des fenêtres de l'ancien restaurant "Au Raisin" rue du général de Gaulle. Une bâtisse ancienne aux murs colorés par le temps, pour quelques heures encore the place to be. C'est le dernier jour d'ouverture du bistrot temporaire. "Chez Gusti" indique un écriteau.
-Qui est Gusti (Güschti aurais-je écrit) ?                                                                        -C'est un peu nous tous, répond Georges, qui depuis une semaine court dans tous les sens pour assurer la bonne marche de la maison. 

Toute la famille est réquisitionnée, enfants et petit-enfants. Ils sont peut-être huit à s'affairer le dernier soir dans une salle aussi bruyante qu'un cours sans prof. Le café est plein comme un œuf, il a fallu rajouter quelque vingt chaises pour faire s'asseoir tous les convives. Je reconnais quelques têtes en montant vers la cuisine, où je retrouve une vieille connaissance. Récemment, un jeune homme m'avait reconnu, nous jouions aux échecs dans les années 90. Georges me sert un Spritz, un cocktail d'aujourd'hui. Il me parle des changements de consommation et nous échangeons sur l'école, en ce jour de rentrée, comme il était enseignant dans sa vie active. Le va-et-vient continue dans la cuisine, les verres à laver entrent, les bouteilles sortent. 


Je crois avoir découvert "Chez Gusti" en 2016, lors d'une ouverture temporaire déjà. J'aime les estaminets d'un autre temps comme les cafés qui ont survécu. Le bistrot de Hirsingue s'est tu voilà plus de vingt ans, mais c'est comme s'il n'avait jamais fermé. Parquet, tables, nappes, tapisseries...Rien n'a changé. Les lustres boules rappellent mon école. Les verres sont éclatants dans le vaisselier. Les cendriers ont certes disparu, mais l'atmosphère est celle d'un débit de boissons convivial. 


C'est en 2004 que le débit de boissons a rouvert pour la première fois depuis le décès de la maman de Georges. Parfois pour des événements, désormais pour conserver la précieuse licence. La crise sanitaire a bousculé le calendrier, d'où la réouverture cet été. Elle serait heureuse, la regrettée exploitante, de voir tant de monde ce soir, mais préoccupée aussi de l'accueil. En attendant, dans ce chahut joyeux, chacun a une histoire à partager. La vie de Hirsingue hier ressurgit, les plus âgés se rappellent peut-être que les Allemands occupaient les lieux pendant la guerre. Le café, c'est l'âme du village.
Georges et sa famille vont pouvoir souffler tout à l'heure quand le dernier client sera parti. "Chez Gusti" va entrer dans sa longue somnolence. Mais ses murs fatigués retiennent les souvenirs.