24 novembre 2020

NOUS N'IRONS PLUS A LA STE-CATHERINE

 


« Weder a Kàthrina umma », encore une Ste-Catherine de passée, disaient mes grands-parents. Elle n’existe plus, notre Ste-Catherine. Bien sûr, la Ville d’Altkirch me répondra qu’elle est reportée en raison de la Covid-19. Mais depuis quelques années déjà, elle n’était plus pour ce qui me concerne. Après les attentats de 2015, la plus grande manifestation commerciale de l’année dans ma ville a été davantage sécurisée, avec des véhicules positionnés aux entrées, le contrôle des visiteurs (et des passants), un accès élargi aux secours et moins, beaucoup moins d’exposants. Je suis altkirchois depuis toujours, je suis bien placé, géographiquement aussi, pour raconter ce que j’avais qualifié de « Fête nationale » locale, voire sundgauvienne.



La foire Ste-Catherine a plus de cinq cents ans. Quand j’étais enfant, je l’attendais avec impatience. Je me sentais rassuré dans ma chambre la veille, m’endormant avec le bruit extérieur. Les premiers marchands prenaient place dans le froid automnal. Les machines agricoles avaient été installées place Jourdain. Dans mon quartier, les concessionnaires avaient aligné leurs voitures. Je récupérais les documents ensuite, car à mon âge, les garçons s’intéressaient à l’automobile. Nous savions les marques et les modèles.
Il faisait encore nuit le jour venu quand les agents municipaux dirigeaient les exposants.
Altkirch s’éveillait. Je n’ai pas souvenir d’un temps exécrable pour cette manifestation déplaçant la foule dans la haute ville. Je me suis souvent demandé
d’ailleurs comment les pompiers seraient intervenus en cas d’événement majeur. 



La Ste-Catherine, c’était le jour des retrouvailles. Le monde paysan sud-alsacien parmi les citadins ruraux. Autrefois, les bestiaux étaient de sortie aussi, comme le rappelle la fresque humoristique derrière la sous-préfecture. Les agriculteurs avaient enfin un temps pour souffler, échanger autour de leur année, envisager un investissement autour d’un vin chaud.

Au fil des décennies, les tracteurs sont devenus des mastodontes du labour. En ville, on montre aujourd’hui son SUV, ici on pose devant les machines XXL. La foire, c’était un carrefour d’affaires hétéroclite, du camelot au confiseur, du technicien de chambre d’agriculture au syndicaliste, du vendeur de pull à la mode à l’association investie dans la restauration rapide.


C’était, au détour d’une rue, le sourire d’une fille perdue de vue comme la salutation quelconque d’une connaissance. Ma grand-mère, puis mon grand-père, plus récemment mon père étaient dans leurs derniers jours quand revenait la Ste-Catherine. Papa y avait nourri des milliers de convives à la halle au blé. A la maison aussi, il est de tradition de partager la soupe de lentilles à la saucisse de Montbéliard. On allait faire son marché le matin, on rentrait déjeuner, on refaisait le tour.



Quand le jour s’éteignait s’allumaient les guirlandes des stands. Il nous est arrivé de fournir l’électricité à un commerçant ambulant. Le soir, nous savourions les mannala et les têtes de choco (la dénomination du XXIe siècle), heureux et fatigués de cette longue journée de navigation
à vue dans une mer humaine.





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6 novembre 2020

RESILIENCE DE NOEL A MULHOUSE


Dans quelques jours, les cabanons commenceraient à apparaître sur la place de la Réunion. Elle nous paraîtra bien vide, cette place cette fin d'année. La reprise de l'épidémie interdit nos marchés de l'Avent. Mais ne peut rien heureusement contre l'esprit de Noël. Novembre est aussi le mois de présentation des Noëls alsaciens. 
Comme chaque année depuis trois décennies, la Ville de Mulhouse invite la presse à cet effet. Il est loin le temps des conférences de Robert Cahn le père du marché mulhousien, mais c'est toujours un plaisir d'entrer dans cette bulle merveilleuse qui nous éloigne du quotidien tourmenté.

Avec le reconfinement, nous n'avons hélas pas pu nous retrouver physiquement ce matin. C'est depuis une salle de réunion de la mairie que Michèle Lutz a dévoilé
Collection 2020, le nom du programme de Noël de la métropole haut-rhinoise. "Désolée que ce marché n'ait lieu", commença la maire, partie pour célébrer les 30 ans de cette manifestation qui donne à Mulhouse un des plus beaux villages de l'Avent. Michèle Lutz veut toutefois cette ambiance qui fait partie de notre patrimoine alsacien. "Laissez-vous surprendre, l'ambiance va évoluer de jour en jour." 

La maire s'exprime devant un décor fleuri. C'est le tissu de Noël, la signature mulhousienne, unique en France. Son nom a accompagné cette terrible année, "Résilience". Marie-Jo Gebel, la créatrice  indissociable de l'habillage festif, a travaillé dessus avant que le coronavirus ne drape la ville. Elle a compilé plusieurs documents pour dessiner les motifs inspirés des années 1880, mêlés à des références russes. 12 cylindres, 16 couleurs pour l'impression de ce textile haut de gamme made in Alsace. Béatrice Fauroux prend brièvement la parole pour souligner la grande période de créativité et de faste au temps du Second Empire à Mulhouse...

Philippe Trimaille est catégorique. "Noël aura bien lieu!" Pour l'adjoint, il sera "exceptionnel, innovant, généreux, participatif, surprenant, dans le respect de la tradition". Les illuminations seront poussées jusqu'à la Bourse et dans les quartiers Drouot et Bourtzwiller. Et pour que Mulhouse soit vue, un lettrage géant se dressera devant la Société industrielle, #mulhouse. Les temps étant au virtuel, ainsi viendra le Père Noël, quand l'office de tourisme fera illusion avec son marché. Les commerces seront à l'heure du click and collect. Des artisans occuperont peut-être des cellules commerciales vides...Et les habitants sont invités à décorer leurs fenêtres. 



Michèle Lutz manipule deux bougies. Elles sont proposées cette année aussi parmi les productions locales. Sainte Lucie apporte la lumière en décembre. La maire espère que nous terminerons l'année dans "une envie de fraternité". Bercés par ces musiques de temps heureux qui devraient elles aussi nous surprendre. Faire comme si...





 

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5 novembre 2020

VILLA SYMPHORINE : L'AUTOMNE A WALDIGHOFFEN

 




Elle n'a pu être mise en avant cette année en raison de la pandémie, pourtant elle est bien vivante malgré le reconfinement. La résidence service seniors de Waldighoffen a fini par s'éveiller après des années de péripéties. 

Je me souviens vaguement d'une visite de chantier. Les travaux avaient commencé au printemps 2012 dans la foulée de l'EHPAD. Mais il aura fallu attendre pour voir éclore la Villa Symphorine, qui porte le nom de la robuste plante aux baies blanches. La RS a été ouverte en 2019. Rapidement elle est entrée dans le giron de l'APA, le réseau de référence dans l'aide à la personne, qui gère déjà Wettolsheim (voir "La fin de vie aux Châteaux" septembre 2018), Le Louvre à Guebwiller et le village seniors de Dannemarie.





Juchée rue du Vignoble, la résidence de Waldighoffen a un positionnement idéal, au cœur du Sundgau alsacien, face à la zone artisanale et à la banque mutualiste. L'ensemble comprend un bâtiment principal et ses annexes indépendantes étreignant un parc. 31 appartements de 45 à 63 m2 pour un nouveau chez soi, confortable et rassurant. En semaine, les résidents peuvent compter sur l'animatrice polycompétente de la maison. Le week-end, la télésurveillance prend le relais, même si Mara Radosavljevic n'est jamais aux abonnés absents.


                                                 Fabienne Kaufmann en charge des RSS APA et Mara 

En octobre, une dizaine de logements étaient occupés. Ils sont accessibles aux personnes autonomes à partir de 60 ans, dans un format adapté à leurs besoins, indépendantes sans être isolées. Beaucoup de locataires ne sont pas de la région. Ils ont été installés par leurs enfants que le destin a conduit en Alsace. Ainsi, ils n'en sont pas éloignés. 



S'agissant du coût, le loyer ne serait pas plus élevé que l'entretien d'une maison à l'année, balcon ou terrasse inclus. Avec les résidences seniors, c'est un nouveau parcours résidentiel qu'on a inventé, entre son nid devenue trop grand et la maison de retraite synonyme d'hôtel terminus.


www.reseau-apa.fr


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4 novembre 2020

HOPITAL DE MULHOUSE : LA LONGUE CAMPAGNE D'HIVER CONTRE LA COVID

 


Dans son bureau, il esquisse un large sourire sur le portrait à l’huile qui lui ressemble. Il est avenant, le Dr Debieuvre qui nous reçoit ce 4 novembre, alors que le paquebot Emile-Muller commence à affronter la houle d’automne de la Covid-19. « On est en retard d’une dizaine de jours par rapport à Strasbourg et à d’autres régions », observe le chef de la pneumologie. « On a pris cher la première vague, on n’a pas vu arriver la deuxième et ça monte progressivement », explique-t-il. Le sursis que le Haut-Rhin connaît encore a permis à l’hôpital de s’organiser. Depuis deux semaines, des unités Covid ont été activées dans les services médecine interne, pneumologie et gériatrie. D’autres suivront. Le praticien s’interroge sur le retard du département dans l’aggravation de la situation. Une population traumatisée qui se protège davantage ? Des personnes âgées qui sortent moins… Les aînés sont les plus exposés, mais dans son service, le Dr Debieuvre compte deux trentenaires et un quadragénaire. En réa, il y a des jeunes. « Des patients à surveiller comme le lait sur le feu ». Comme ses pairs, le médecin a appris du printemps. La prise en charge est différente aujourd’hui, la gestion plus efficace. Moins d’intubations, ce sont aussi moins de complications, mais Didier Debieuvre veut rester humble face à ce virus respiratoire auquel on ne peut toujours opposer aucun traitement véritable. S’il semble serein dans l’entretien, le chef de service n’en craint pas moins de revivre l’épreuve de mars/avril, avec une pénurie de soignants dont beaucoup restent marqués. La fin de semaine s’annonce déterminante, selon lui, avec la bascule dans le programme Covid.
S’agissant des effets du confinement, rien à attendre avant deux à trois semaines.





Accueil toujours chaleureux plus bas, en réanimation, mais l’inquiétude est manifeste chez le Dr Kuteifan, en charge de la réa médicale. L’automne est une période d’activité intense habituellement avec l’humidité, mais voilà par surcroît cette Covid… « Le rouleau compresseur avance, tout doucement. »
Un à deux patients par jour. Ils sont dix dans le service et cinq en réa chirurgicale.Les épidémiologistes avaient vu juste, le pic est à envisager vers le 15 novembre, commente le médecin. On commence à déprogrammer.
Chez lui aussi, les effectifs sont en tension et l’épidémie a provoqué arrêts de travail, démissions et démotivation. Il manque 10 % des personnels et les renforts du premier trimestre ne sont plus là. Khaldoul Kuteifan a surtout besoin d’infirmières de réanimation, un métier qui ne s’apprend que sur le tas mais dans lequel on ne s’éternise pas. Dont le statut demande toujours à être valorisé.




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En avril, le GHRMSA s’était donné une unité de de ressources et de soutien aux personnels épuisés par les ravages de l’épidémie. Soignants et accompagnants quand la mort frappa. 300 m² ont été mis à leur disposition dans l’ancienne pédiatrie, où des soins ont été prodigués par des kinés, psychologues, ostéopathes, réflexologues etc. L’initiative a été primée et soutenue par la Fondation de France. L’unité a été réactivée.


Enfin, le GHRMSA a lancé un appel pour recruter infirmières et aides-soignantes. Les candidatures sont prises sur le site du groupe hospitalier.

1 novembre 2020

TOUSSAINT MASQUEE

 



"Je ne suis jamais resté si tard au cimetière" me glisse le vieil homme, presque un voisin, surpris que la nuit s'empare de la ville si vite. Il est environ 17H30. Le jour a décliné en effet et je me suis retrouvé sans doute seul dans la partie haute voilà quelques minutes. Sur l'ensemble du site, nous ne sommes plus que quelques uns. Une heure auparavant, quelques dizaines.
Ce n'est plus la foule à la Toussaint depuis longtemps, même si les tombes sont fleuries. Pourtant cette atmosphère de crépuscule ne m'est pas déplaisante, dans la paix des sépultures à peine dérangée par le murmure de la cimenterie et quelques véhicules qui passent. Les lumignons scintillent ça et là. Le ciel est très nuageux, mais  la douceur nous étreint.


                                                Stèle altkirchoise 


J'ai eu la grâce de croiser, comme l'an dernier, ma vieille amie Marie-Antoinette, au bras de sa fille. Elle a presque 97 ans. Si sa mobilité décroît, sa  mémoire n'a pas défailli. "Le journaliste" m'a-t-elle lancé. A peine plus loin repose depuis trois ans notre regrettée Eléonore, qui aux côtés de son époux, illumine sa tombe de son sourire. Dans la partie basse du cimetière, j'ai découvert aujourd'hui un monument où dorment des militaires, dont l'officier Pierre Goisset, tombé à Altkirch le 7 août 1914.

Quelques jours après le caporal Peugeot, premier mort français de la Grande Guerre, abattu à Joncherey.

Dans la pénombre, j'ai fini par retrouver enfin la tombe de mon camarade Joël, enlevé en 1986. A cet instant, des oiseaux chantent. Cette année il faut porter le masque aux abords et au cimetière. Un homme fumait la pipe à travers ce cache-visage.




C'est la Toussaint. Je me souviens que nous célébrons tous ceux et celles qui nous ont précédés dans la mort. Les saints sont vivants. Avec nos masques, les  visages désorientés, angoissés, voire désespérés que nous pourrions leur présenter, c'est à se demander où sont les morts.