28 janvier 2021

LES DENTELLIERS DU TEMPLE ST-ETIENNE

 







Dans deux ans, Mulhouse célébrera le cinq centième anniversaire de son rattachement à la Réforme. D’ici à là, le temple St-Etienne au cœur de la ville aura bénéficié d’une longue cure de jouvence. Depuis la pose de la première pierre en 1859 à ce jour, la cathédrale protestante qui dresse sa pointe à près de cent mètres du sol est un chantier perpétuel. En septembre 2019 commençait la restauration de la tourelle sud-ouest, mise en sommeil par le marché de Noël puis le confinement. On en voit le bout avec le remontage actuellement de sa flèche. Début janvier, une imposante grue avait été positionnée devant l’édifice pour hisser des pièces de plusieurs quintaux. La phase la plus spectaculaire des travaux, commentée par Xavier Boulivan, responsable d’unité au service architecture de la Ville.






La flèche du plus haut temple protestant de France avait été démontée entièrement, nombre de ses pierres étant en mauvais état. En septembre dernier, on avait assisté à la pose du socle. En janvier, c’est la partie intermédiaire. Puis le fleuron pour la sortie de l’hiver. Pour nous rendre compte des travaux, nous pouvons monter les quelque 140 marches de l’échafaudage habillé d’un trompe-l’œil. Le temps et les intempéries ont abîmé la structure. Il faut remplacer certains éléments à l’identique. Le travail est confié à l’atelier strasbourgeois de Léon Noël, tandis que le tailleur sur pierre s’occupe des petites pièces sur place, pour le compte de la société troyenne Socra, habilitée monuments historiques. Depuis près de 30 ans, l’édifice de Jean-Baptiste Schacre est inscrit à l’inventaire supplémentaire des MH. Les pigeons aussi ont leur part dans la dégradation. Mais ils risquent gros s’ils croisent les locataires de la tour nord : un couple de faucons pèlerins. Le nichoir des rapaces est remplacé lui aussi. L’architecte municipal explique que les éléments tiennent par l’effet de la gravité, comme un jeu de Kapla° mais une ceinture assure le maintien. Au besoin, un peu de résine pour les fissures, voire des agrafes. Les gargouilles n’ont pas échappé aux rides. Elles ne sont pas oubliées. Pour évacuer l’eau stagnante, les ouvriers ont creusé enfin des glacis. La tourelle se reconstitue peu à peu avec des blocs extraits d’une carrière bas-rhinoise. Les stries tracées dans le grès des Vosges jouent avec la lumière et les volumes. Depuis notre plate-forme, nous considérons la place de la Réunion dans l’humidité hivernale. Et le travail d’orfèvre au plus près des pierres soigneusement ajustées. Les techniques ancestrales se conjuguent avec la technologie actuelle. Il manque encore à ce stade une douzaine de mètres pour restituer la tour. Cependant que l’intérieur du temple est en transformation aussi.

Demain, le cœur historique de Mulhouse aura une scène nouvelle.
















21 janvier 2021

LES MAGES DE L'ECOMUSEE D'ALSACE fiction de Noël






Ils étaient sur la route depuis des heures. Ils étaient éreintés. Ils n’étaient pas attendus.

Youssef décida de faire une pause et quitta la RD 430 pour s’engager dans une petite route, pour ne pas attirer l’attention, à l’écart de la circulation, peu importante cette fin d’après-midi. Il pleuvait et la pluie rendait le voyage pénible. A cette heure-ci, il faisait quasiment nuit. Mariam ne quittait pas des yeux l’enfant aux yeux clos.
Au bout d’un quart d’heure, Youssef, qui s’était dégourdi les jambes, se remit au volant.
La vieille voiture ne démarra pas. Malgré la panique qui s’empara de sa jeune épouse, il tenta de rester calme. Les minutes passaient. Il ne comprenait pas. Il pleuvait sur la petite forêt dévêtue par l’automne. Par surcroît, le seul mobile du couple était désormais déchargé. Se mettre au bord de la départementale et appeler au secours.
Mais c’était laisser Mariam et le bébé seuls quelques dizaines de mètres plus loin, sans avoir un œil sur l’auto. Impensable. Les années ont passé, mais Youssef et Mariam ont toujours peur. Aucun automobiliste ne s’arrêterait sans doute en voyant un individu isolé s’agiter dans l’obscurité… Youssef se ravisa et tenta. Une voiture, puis une deuxième, une troisième. Toutes passèrent leur chemin, un long coup de klaxon en prime pour la dernière. L’homme retourna à sa berline épuisée. L’enfant dormait, la maman avait froid. Ils n’allaient tout de même pas passer la nuit ici. Youssef ne connaissait pas la région, mais avait vu le panneau annonçant « Écomusée d’Alsace ». Il prit son épouse et l’enfant ainsi que leurs maigres bagages et s’enfonça dans la nuit, trahi encore par la lampe qui dormait dans le vide-poches. Elle ne rendait plus de lumière. La pluie finissait de tomber.
Mariam tremblait de froid et de peur. Il fallait marcher. Youssef était convaincu de trouver une porte qui s’ouvrirait. Bientôt leur apparut un site clos. Ou presque. Un portail était entrouvert. La petite famille s’y engouffra. L’homme considéra les lieux. Un village fantôme, d’un autre temps. Pas la peine de toquer ici ou là. Il n’y avait manifestement personne dans les maisons. Soudain, des caquètements. En face, une ferme. Des animaux. Il y avait donc quelqu’un.Or, la partie habitée était dans le noir. Dans la dépendance, un âne et quelques moutons… L’horloge avait tourné, la faim grondait. On attendrait le jour pour repartir. On se contenterait du peu qu’il restait pour s’alimenter. Youssef n’envisageait pas d’entrer dans une maison, de toute façon glacée. Il n’avait pas de quoi allumer un feu non plus. La paille de l’étable et la proximité des ovins étaient un moindre mal. Ne voyant personne se manifester, le père décida d’appuyer sur l’interrupteur et éclaira l’étable.
Les réfugiés de l’Écomusée dormaient tant bien que mal quand des cloches commencèrent à chanter au loin. L’appel à la messe de minuit.
Entre-temps, le ciel s’était déchiré, laissant paraître quelques étoiles. D’autres encore, toujours plus nombreuses.
Youssef sursauta quand les oies se mirent à cacarder. Il serra sa femme très fort. Quelqu’un se tenait à l’entrée de la dépendance avec une lampe torche puissante. Dans son couffin, l’enfant gémit. Les moutons bêlaient. Le visiteur de la nuit bredouilla une interrogation en alsacien. Il était âgé et portait un bonnet. C’était Jeannot, un des agriculteurs chargés de l’entretien du cheptel de l’Écomusée. Il s’était souvenu qu’une entrée n’avait pas été verrouillée et pour échapper plus longuement au dîner familial, il s’était donné le temps d’une ronde d’inspection, ne sait-on jamais. Il s’était dit qu’il avait aussi oublié d’éteindre la lumière de la ferme de Sternenberg.
A la vue du jeune couple et de l’enfant pris comme des squatteurs, il ne trouva pas les mots. Les yeux embués, il se découvrit. Tremblant d’émotion, il prit son portable et appela un voisin pour organiser la prise en charge et le retour des infortunés inconnus.
Le temps de faire connaissance, trois autres individus se présentèrent à l’étable sundgauvienne. Ils portaient chacun une veste de la Croix-Rouge. C’était la maraude de Mulhouse emmenée par un retraité blond aux yeux rieurs, assisté d’un bénévole discret aux tempes grises et d’un autre d’origine africaine au large sourire. L’équipage s’était rendu dans les environs et avait appris la sortie imprévue de Jeannot. Un septuagénaire seul dans ce grand village abandonné n’est pas très prudent, alors on ne va pas lésiner sur un détour. Il restait au fond du véhicule du Samu social des couvertures de survie, des couches et de quoi faire des boissons chaudes. Le directeur de l’Écomusée fut prévenu qui trouva de quoi loger la petite famille pour le reste de la nuit. Voilà quelques années, Youssef et Mariam avaient vu leur maison taguée du n arabe à Mossoul. Ils étaient ces chrétiens d’Irak acculés à un triple choix : se convertir, mourir ou partir.
Sur la ferme de Sternenberg, une croix se dessine sur les tuiles.

22 décembre 2020
Ce récit est une fiction de Noël, y compris les personnages.

2 janvier 2021

PRENDRE UN TOUK-TOUK VERT A NEVERS

 



En septembre, il nous a été proposé de nous « ressourcer en Loire bourguignonne ». Un voyage de presse partagé avec six consœurs parisiennes et notre guide Maryline, qui débuta à Nevers. Cinquième ville de Bourgogne par sa population, un peu plus de 30.000 habitants, capitale de ce qu’on appelait le Nivernais jadis. C’est en gare que Maryline et moi, en provenance de Dijon, faisons la connaissance du groupe de Paris. Dans cette ville d’art et d’histoire, les bâtiments ferroviaires sont d’époque récente et rénovés. Mon attention est captée par ce qui fut l’Hôtel Moderne juste en face. 




Mais sur le parvis de la gare, l’animation est assurée par des tuk-tuk blancs. Un gaillard bonhomme à la barbe de Père Noël nous accueille : Fabrice Oger, un Bas-Rhinois établi dans la Nièvre. De sa voix douce, ce dynamique entrepreneur va m’expliquer rapidement comment les tricycles se sont imposés dans la cité de Louis de Gonzague-Nevers.

Fabrice a travaillé quatre années en Thaïlande. Lors de son séjour, il fut amené à emprunter souvent les tuk-tuk, ces véhicules appréciés des farang, plus nombreux et moins coûteux que les taxis. L’Alsacien en rentrant de Bangkok a décidé d’importer le concept en France. Dans la foulée de la COP21, il imagina un tricycle intégralement écologique. En famille, il travaille à VTB, Vélo Taxi Bikes, une SARL installée Avenue de Gaulle à Nevers. Fabrice en est le responsable commercial. 

Si le tuk-tuk du sud-est asiatique pétarade et pollue, le touk-touk nerversois n’émet ni bruit ni CO2.

C’est un vélo à assistance électrique. Souvent pointées du doigt, les batteries des nouveaux véhicules réputés verts. VTB mise sur les panneaux photovoltaïques pour recharger ses vélos-taxis.

Ainsi, ce seront les seuls véhicules du genre sans émission de gaz à effet de serre dans l’Hexagone. A la rentrée, Fabrice disposait d’une flotte de 8 tuk-tuk et d’une trentaine en pièces détachées. Il ambitionne de créer une unité de production dans le département bourguignon avec un objectif de 3000 exemplaires en 5 ans. Dans le pays nantais, c’est un projet de vélo de ville à guidon connecté qui est à l’étude. Car VTB loue aussi des cycles.





Notre prise en charge de la gare vers le Palais ducal ne dure que quelques minutes pour quelques centaines de mètres. Suffisant pour apprécier le service et échanger quelques mots avec le conducteur. L’assistance électrique est la bienvenue quand la rue monte, mais à l’approche plus tard de la Faïencerie Georges, elle sera à la peine sur un véhicule. VTB met ses touk-touk à la disposition des Neversois, coursier de proximité, vélos-taxis, mais aussi promeneur de personnes âgées, transporteur d’écoliers et bien sûr acteur du tourisme local, baladant les touristes entre cathédrale St-Cyr-et-Ste-Julitte et Musée de la Faïence. Toujours dans l’air du temps, les tricycles blancs participent à la redynamisation du centre-ville. Enfin, la large surface arrière de la carrosserie est un support publicitaire idéal sur un véhicule à l’image très positive. Fabrice Oger n’oublie pas de souligner la création d’emploi. Rien qu’à Nevers, la nouvelle activité pourrait générer une douzaine de postes selon l’entrepreneur.





VTB 46 Avenue du Général de Gaulle 58000 Nevers

Email : vtb.taxibikes@gmail.com


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