29 novembre 2018

ZADKIRCH






Jeudi 29 novembre, 14 heures. Douze jours se sont écoulés depuis mon dernier passage au rond-point de Carspach, tenu sans relâche par les Gilets jaunes. Le 17 novembre au matin, ils étaient une centaine et bloquaient. Cet après-midi, ils sont peut-être une vingtaine et échangent avec les automobilistes. En sortant d'Altkirch, une forme dessine une sorte d'avion. Une longue banderole revendicative flotte au-dessus de la chaussée derrière une pyramide de bois surmontée du drapeau tricolore au pied duquel pend un gilet jaune. C'est la "Tour Eiffel" sundgauvienne posée sur une cabane de palettes. Les symboles sont multiples, comme cette "prison", le mannequin sans tête et en costume, la réplique de la guillotine, une croix... En moins de deux semaines, le carrefour sommital a été transformé en ZAD où s'entassent divers matériaux et objets de récupération, chaises, fauteuil, bois, roues...Des panneaux, un Père Noël gonflable, des braseros, les couleurs alsaciennes aussi. 







Je me présente en m'interrogeant sur l'accueil qu'on va me réserver, car les journalistes ne sont pas en odeur de sainteté dans ce peuple en jaune. Un des reporters vient encore de modifier le discours qui lui a été tenu là-haut, m'explique-t-on. Un bonnet rouge m'annonce que tout a été dit. Je ne suis pas de cette presse de sensationnel. Je ne fais pas du journalisme - spectacle. J'ai été missionné pour rapporter des faits le plus justement possible. Je n'ai mandat d'aucun pouvoir, ma démarche est personnelle et professionnelle. Quand j'ai expliqué cela, la confiance est revenue. 

Au gardiennage de la tour pyramidale, deux jeunes hommes. Un ouvrier agricole et un travailleur qui vient d'être licencié à la suite d'un accident. Ils ont l'accent belfortain. Un gars souriant m'envoie une clémentine. Une automobiliste baisse sa vitre et offre des victuailles aux premiers. Les occupants du rond-point du MacDo auraient de nombreux soutiens. Un vendeur du marché hebdomadaire leur a laissé de la marchandise fraîche ce jour. Si la population n'est pas visible, elle donnerait donc.
Arrive Pascal, un artisan qui a plongé l'an dernier et qui se reconstruit difficilement. Il se définit comme un "teigneux". Il me parle de Gérard l'Alsacien, venu distraire le camp.
Et puis Christian, ex-imprimeur de "L'Alsace". Les combats syndicaux, il connaît. Ils sont derrière lui. Désormais, celui qui a été viré deux fois sous le même patron est dans l'action du peuple. Les gilets jaunes auront au moins servi à ouvrir les yeux sur une terrible réalité, beaucoup de nos compatriotes dans la précarité. Les manifestants du jour sont déterminés à tenir le temps qu'il faudra. Pascal sait ce que signifie dormir dans son véhicule. Le bivouac s'est organisé. S'y relaient des gens de tous âges et des deux sexes. A la mi-journée les Gilets jaunes ont eu la visite du maire Nicolas Jander. L'élu local est venu écouter les doléances et demander de ne pas entraver l'activité économique. Altkirch ne sera pas bloquée un troisième samedi consécutif. On attend maintenant le député.

Au passage du rond-point, les routiers klaxonnent. 
Une sono diffuse de la musique. 
Mais j'ignore s'il y a un chef d'orchestre sur cette position. Mes interlocuteurs sont convaincus que leur force réside dans l'agrégation des citoyens. Nul ne sait le nombre, malgré les comptages du ministère au chiffre près. Cet après-midi je n'ai vu aucun gendarme. 
Dans le Sundgau, on sait se tenir. Même si l'ombre de la guillotine de bois se détache sur le talus.   




#GiletsjaunesAltkirch

28 novembre 2018

JOSEPH, PERE DE BETHARRAM



Joseph Domecq en 1997





A l'heure où je pose ces lignes, il s'apprête à être reçu par le Père en sa maison.
Joseph Domecq s'est endormi lundi matin auprès de ses frères à Pau. Cet après-midi, il est accueilli pour la dernière fois dans la chapelle qu'il a longtemps servie, dans son sanctuaire de Notre-Dame de Bétharram, à une quinzaine de kilomètres de Lourdes.

Bétharram, reposante escale au bord du gave émeraude, repos des pèlerins en route pour la cité mariale, havre de paix pour les automobilistes au long cours.
C'est sur le parvis de la chapelle que je fis la connaissance du père Domecq, l'été 1993 il me semble. Mon pèlerinage auprès de Marie m'emmène  inévitablement à Lestelle-Bétharram où mes parents me conduisirent au début des années 1980.


Ce jour de 1993 donc, Joseph balayait devant son église. Dès lors il devint notre ami. Chaque passage dans les Pyrénées lui valait un salut de notre part.
Il dut quitter l'établissement quelques années plus tard pour se retrouver dans une petite paroisse entre Oloron et l'Espagne, Sarrance, enserrée par la haute montagne. Il finissait sa vie ecclésiastique dans une presque solitude, loin des flux touristiques de Bétharram. 


A l'heure de la retraite, Joseph fut admis dans une communauté à Pau. Nous l'avons retrouvé à Lourdes en 2013. Le même petit bonhomme travaillé par l'âge, lui qui ne voulait pas vieillir. Il portait le béret béarnais.



Cet après-midi Joseph, le ciel est radieux sur Bétharram. La température printanière. Quand les anges voyagent, il fait beau, dit-on chez moi, qui suis à mille bornes dans la tristesse automnale. La chapelle où tu officias t'offre une voûte toujours étoilée. Je n'ai jamais oublié la douce senteur d'antan, mélange de vieilles pierres, d'encens et d'encaustique. Tu auras une messe digne de ce nom.

Puis on te portera en terre parmi tes prédécesseurs, confrères et frères du monastère. Le chemin de croix proche rappellera combien la vie n'est pas un fleuve tranquille, mais le gave de Pau bercera ton sommeil, dans la maison de saint Michel Garicoïts ton patron.

Dans mes interminables pérégrinations qui me faisaient traverser la France, ton sourire et ta discrète voix étaient déjà une bénédiction. 

Désormais il me reste ton seul souvenir. Et je te promets de te revoir, de me ressourcer à la fontaine de Saint-Roch, qui guérit les blessures et lave mes larmes.

Adiu Joseph !






26 novembre 2018

CHAUSSURES HAAS : FRANCIS GROS, BON PIED BON OEIL




Rue Henriette, dans le plateau piétonnier du Vieux Mulhouse. Une enseigne que j'ai maintes fois vue sans m'y attarder depuis que je travaille dans la métropole haut-rhinoise, depuis 1991 donc. Surtout que pendant sept ans nous étions presque voisins, quelques dizaines de mètres nous séparant. 
Une actualité festive m'y conduit aujourd'hui : Chaussures Haas annonce un jubilé rare dans le commerce. 150 ans.
Je ne connais pas la boutique mais d'emblée je m'y sens bien. Derrière son comptoir qui me rappelle la caisse d'une boucherie des années 1970 dans ce centre-ville, un vieux monsieur sourit. C'est Francis Gros, le propriétaire. La quatrième génération d'une maison née dans ces murs. Particularité des fondations : les colonnes de fonte, toujours présentes. Sur les murs, de nombreux documents anciens égrènent la riche histoire de l'adresse. Et puis la place de la Réunion et ses automobiles, les commerçants d'hier. En noir et blanc, comme ce passé révolu. Les transformations du magasin au fil du temps. Ici on parle alsacien. Francis exhibe un alsatique d'expressions mulhousiennes. Je suis sundgauvien, on se comprend très vite.

J'ai aimé l'accueil. C'est un des fondamentaux de l'entreprise. Francis m'emmène dans les étages pour l'interview du grand anniversaire. Il voulait faire plaisir à son personnel, quatre vendeuses dont une totalise trente-cinq ans de service. Il savoure ce bonheur à 84 printemps. "La retraite n'existe pas chez les Haas", explique le commerçant en montrant ses aïeux. Mais après lui ? Il ne se fait pas trop de souci sur sa succession, concentré sur la satisfaction du client. Rue Henriette, on propose ce qu'il y a de mieux dans des marques qui ont elles aussi traversé les décennies, dans le moyen et haut de gamme. Formé à l'école de chaussure de Romans, Francis  embrassa une carrière de représentant avant de reprendre la maison familiale où il naquit et qu'il habita. 
Son bureau a pris de l'âge aussi. Mais tout semble à l'image des chaussures qu'il commercialise, à l'épreuve du temps.
Internet ? Les grandes surfaces spécialisées ? Francis n'en fait pas un drame non plus. Il en faut pour tous.
En redescendant, le chausseur reconnaît une cliente à l'accent alémanique. Il la salue amicalement. Tout cela, le commerce impersonnel ne pourra l'offrir. Et cette atmosphère vintage est délicieusement moderne.

24 novembre 2018

LA MAT EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE




La route de Saint-Morand, je l'ai trop souvent prise, notamment en 1985, 1986 et 2014, années qui ont vu partir à cet endroit ma grand-mère, mon grand-père et papa. C'était chaque fois en fin d'année. J'appréhende cette période qui envoie un vent d'hiver sur les arbres, ce souffle de mort. Pourtant il fait beau ce samedi 24 novembre. Et presque doux. Des conditions idéales pour marcher.
Je marche vers mon hôpital de proximité. Je dois habiter à environ un kilomètre. Au loin, un puissant klaxon semble annoncer une opération escargot. Quand j'arrive sur les lieux, le bruit se rapproche. Trois tracteurs routiers apportent leur infernal soutien aux hospitaliers, tant pis pour les patients qui en prennent un peu pour leurs  oreilles. 







Sur le parvis de Saint-Morand, des centaines de personnes sont rassemblées autour des représentants de l'intersyndicale. On reconnaît nombre d'élus locaux et quelques parlementaires. Pas de blouse hospitalière, mais des t-shirts blancs. Les villages s'annoncent : Aspach, Carspach, Koestlach... Un demi-millier de personnes témoigne ici de son attachement à la maternité une fois de plus menacée. Jean-Luc Reitzer est là qui en tant que député-maire hier avait dû batailler pour la sauver. Mais c'est son successeur à la mairie Nicolas Jander qui parlera, succinctement, après la porte-parole des syndicats au nom des personnels du GHRMSA, cet ogre de santé appelé à absorber le service altkirchois mais aussi celui de Thann. Dans la vallée de la Thur simultanément, deux fois plus de monde est réuni pour les mêmes raisons. Fermer les maternités des deux encore sous-préfectures éloignera les parturientes de la salle d'accouchement. Un danger pour les mamans en devenir et leur enfant à naître. Sauf que la logique comptable prime depuis longtemps. Cette loi implacable qui méconnaît les réalités du terrain et du territoire.











Les discours sont brefs. Mais clairs. A présent, un cortège se forme qui va accomplir une boucle de quelques centaines de mètres en direction du rond-point de Leclerc. Le syndicat représentatif ouvre et ferme la marche. Au niveau de l'hypermarché la jonction se fait avec les gilets jaunes venus à sa rencontre. Les citoyens en lutte applaudissent les défenseurs de l'hosto qui auraient pu être plus nombreux pour un arrondissement de 70.000 patients potentiels. 
De jeunes mamans et des femmes enceintes sont de la sortie colorée par les bannières des centrales.
Quand la manifestation se disperse, les tracteurs camions font braire leurs avertisseurs.
Ça me rappelle le râle du vieil homme décédé dans cet hôpital qui me remit sur jambes.


















#sauverlamaternitéd'Altkirch

22 novembre 2018

LE MACHINISME AGRICOLE TRACTE LA STE-CATHERINE





La Sainte-Catherine, c'est un peu notre Fête nationale à Altkirch. Le jour le plus long quoique déjà très loin du solstice d'été, qui déplace le Grand Sundgau dans la petite sous-préfecture. La démonstration se passe de blindés destructeurs, nous avons les puissants tracteurs agricoles. 
La Sainte-Catherine est depuis un demi-millénaire une foire paysanne, bien que les vendeurs se soient éparpillés dans l'offre. Ils ont de la gueule, ces monstres du labour aux carrosseries rutilantes sur la place Jourdain. Devant et autour de la halle au blé. Je ne suis pas agriculteur mais c'est ma terre et je suis fier d'être sundgauvien. Nous sommes souvent moqués, réduits à des indiens dans leur réserve verte par les métropoles d'Alsace. Mais nous savons d'où nous venons et sûrement où nous allons. Nous cultivons les valeurs transmises par nos ancêtres. 





Quand je parcours l'une des plus grandes foires agricoles du Grand Est, je retrouve un monde d'avant, que les citadins ne connaissent pas, eux qui courent sans pouvoir me précéder au calendrier. A la campagne, on vit la saison qui passe.

Altkirch se remplit d'une foule composée de Terrifortains, de Sundgauviens, de Centralsaciens, de Rhénans. Mais je croise peu de visages familiers de ma ville. Il est connu que mes concitoyens boudent les événements locaux. Pourtant les associations du cru s'impliquent, comme le VC Altkirch et sa guinguette. Justement, la Sainte-Catherine est un lieu de rencontres, d'échanges et de retrouvailles. Les Gilets jaunes ont mis leur mouvement en sourdine le temps de la journée, ce qui n'empêche pas les syndicats vieillissants de recruter. La CGT voisine avec la CFTC. 





Cette année, le soleil est de retour, mais les températures sont nettement en-deçà de l'exceptionnelle douceur de novembre 2017. Pourtant, ce n'est pas la cohue ce début d'après-midi. La Sainte-Catherine, tout institution qu'elle soit, a perdu de son audience. Je me demande où la presse locale cherche 15 à 20.000 visiteurs...Bon, les journalistes ont l'habitude de gonfler les chiffres. Je fréquente la foire depuis la poussette sûrement. Le nombre d'exposants a fondu. La manifestation ressemble au continent de glace qui rétrécit au fil du temps. Et ces espaces réservés aux secours, ces blocs de béton anti-intrusion, ces contrôles Vigipirate...Rien de tout cela naguère, des policiers municipaux empathiques, des gendarmes de proximité...




Beaucoup de choses ont changé. Mais il reste ce plaisir éphémère de parler à quelqu'un. Tiens, je n'ai croisé personne qui marchait comme un robot à smartphone. J'ai même vu des gens souriantes. J'ai bu les souvenirs du vieux vendeur de bonnes chaussures qui a fait 160 bornes depuis Hochfelden, comme chaque année depuis des décennies. J'ai interrogé la marchande de marrons d'Angoulême, une Parisienne fidèle aussi, à l'enseigne Miiaam. J'ai gobé les arguments du roi de la chaussette de chantier "fabriquée à Troyes"...Et j'ai souri à l'artisane du pâté lorrain qui a traversé les Vosges pour nous régaler.






Je suis retourné à Mulhouse. En rentrant vers 19H15, les derniers stands étaient démontés. Les restaurateurs rapides finissaient leur service. Il est révolu aussi le temps où la Sainte-Catherine se prolongeait dans les bistrots.
Et celui où mon regretté papa servait la soupe de lentilles au public. 




21 novembre 2018

FLEURS DE NOVEMBRE





C'était le printemps, la période où la nature reprend vie, les arbres sont en fleur, les parfums s'exhalent de la renaissance. Un jour d'avril qui fut le dernier dans ta vie bien remplie. Depuis plus de vingt ans tu t'investissais sans compter dans ce paquebot blanc au bord du canal, ta seconde maison. Une chute et tu partis précipitamment. Prématurément.
Une onde de choc dans le paysage culturel mulhousien.
Je pense souvent à toi comme je passe tous les jours à proximité du Musée de l'Impression sur Etoffes. Avec le recul, je me dis que nous nous connaissions depuis tout ce temps. Notre dernière interview a été pour Manoukian en décembre 2017. Je revois tes yeux malicieux, tu étais l'énergie de cette vénérable institution.

Les mois ont passé. Je me demandais comment j'allais revenir sans te revoir. De nouvelles têtes m'ont été présentées. J'ai demandé à voir où tu nous a été enlevé. Cet escalier massif où dansent les fleurs désormais. Le MISE s'est donné une exposition annuelle consacrée à la fleur. Elle est tout simplement belle et odorante. La nature a horreur du vide, dit-on. C'est le retour des beaux jours quand l'hiver prend de l'avance dehors.
Au rez-de-chaussée, le marché de Noël est revenu, dans l'esprit que nous lui connaissons. Cécile est encore très affectée par ton départ. Mais tu serais fier de ce que la petite équipe a réalisé pour cette fin d'année. Je t'imagines assis avec un grand sourire dans cet escalier apaisé par le mapping floral.
J'ai toujours plaisir à te saluer, cher Eric.

17 novembre 2018

GILETS JAUNES A ALTKIRCH : LA COLERE DE LA CAMPAGNE






17 novembre. Il y a tout juste cent ans, les troupes françaises entraient dans Mulhouse. Aujourd'hui est aussi une date historique, avec le commencement officiel des mouvements des Gilets jaunes.
Altkirch sera un haut lieu de l'action, capitale de ce Sundgau toujours rural et de plus en plus éloigné de l'Etat qui réduit sans cesse ses services publics dans un territoire de 70.000 habitants déjà privé d'industrie. La sous-préfecture est de nouveau vacante, l'hôpital de proximité régulièrement menacé d'une amputation, de petites gares ne sont plus qu'un lointain souvenir, Orange a coupé le fil...




C'est un samedi hivernal qui démarre. Le soleil ne percera que cet après-midi et le mercure est à peine au-dessus de zéro quand je me lance dans la chasse à l'information dans cette ville qui m'a vu naître un jour de novembre aussi. La connaissance du terrain est un avantage qui me permet d'éviter de me retrouver happé dans un barrage. Direction Carspach pour atteindre le carrefour du Kilianstollen par la petite route. Il est environ 10H30, une centaine de manifestants sont positionnés dans le rond-point, qui organisent un barrage filtrant. Je compte encore deux gendarmes. Des chiens aussi sont couverts d'un vêtement de haute visibilité. Avant de gagner ce site stratégique entre Mulhouse et Belfort, j'ai croisé un petit convoi au train d'escargot.








J'échange avec Sylvia, qui a poursuivi sa carrière de santé en Suisse après un passage à Saint-Morand où les personnels étaient déjà sous pression il y a trente ans, me raconte-t-elle. De l'autre côté de la frontière, "elle est considérée et a du matériel pour travailler".
Elle peste contre les conditions de vie et de travail en EHPAD, citant ce vieil agriculteur qui y finit ses jours  après avoir économisé pour financer un séjour dont personne ne voudrait.

Deuxième étape à l'autre bout de la ville, en direction de Mulhouse.
Le rond-point du centre Leclerc, porte aussi vers Saint-Louis. Les Gilets jaunes sont moins nombreux qu'avant, mais gênent considérablement l'hypermarché dont le parking est bien vide pour un samedi. Les clients porteurs du signe de contestation ne sont pas les bienvenus semble-t-il. Echange avec des renforts venus spontanément et Sophie, une militante du ras-le-bol. Un gendarme à bonnet prévient du passage d'une ambulance en provenance de Dannemarie.





Il me reste un troisième point à couvrir. Le rond-point du cimetière, porte vers Thann et l'autoroute. Les tracteurs sont disposés de façon à permettre le passage des véhicules. Une file est à l'arrêt à l'entrée de ville, derrière un ensemble agricole. Un air de Noël est détourné pour interpeller le chef de l'Etat. Des klaxons. Des camions entrent dans la manifestation. A midi, les organisateurs appellent à respecter une minute de silence à la mémoire de la policière qui a mis fin à ses jours récemment, sa vie étant devenue insupportable semble-t-il. Dans ces rassemblements, j'ai écouté des anonymes pour qui les grands décideurs de ce pays ont dépassé les bornes. 
"Les gens ne veulent pas de chèque ! Ils veulent vivre de leur travail", m'a dit l'un d'eux. L'apprenti ouvrier agricole s'interroge lui sur son emploi demain. La trésorerie des entreprises n'avait pas besoin de flambée du gazole, quand on peine déjà à nourrir ses vaches. La journée d'action n'a pas fait les affaires non plus de mon boucher de proximité. En tapant sur les nerfs de nombreux compatriotes, les Gilets jaunes ont eux aussi tapé au portefeuille du premier ponctionneur de France. En martelant qu'ils revendiquaient pour l'ensemble des Français. 
Le syndicalisme de l'ancien régime paraît dépassé et le maître des horloges n'a peut-être pas vu l'heure.