24 février 2018

DREYECKLAND : LES ADIEUX DE NINA ET DE JEAN-YVES




 
Agnain Martin, président de Dreyeckland, Nina et Jean-Yves


A la fin des années 80, Radio Portesud faisait voyager le Sud Alsace sur « la bonne latitude ». Blandine était troublante, Tony hors sol comme on dirait aujourd’hui, Liselotte « chantonnait » dans ses interventions.

Les années passaient. Les animateurs précités ont pris un autre vol. D’autres ont suivi. Nina entra un jour dans mon environnement. La première image qui me revient est celle de notre rencontre à l’Auberge du Zoo. Je me souviens de son visage rieur et de ses lunettes espiègles.

A l’état civil, cette petite dame multifacette apparaît sous Christina Irène Boigeol. Nina Christina revient familièrement. Pour ses collègues et pour une raison incompréhensible, elle s’appelle « la vieille ». Il faut probablement chercher l’explication dans la longue route de notre animatrice – réalisatrice, illustration vivante de ce qu’un individu peut accomplir durant son existence dans la diversité de ses parcours. Nina a eu plusieurs vies professionnelles. Le fil conducteur étant possiblement la relation humaine.

Les archives de la rédaction me renvoient à deux événements marquants. Une Nina appelant le secours médiatique depuis son restaurant de Fessenheim pour faire valoir ses revendications.

Une Nina militante qui passa outre la supplication de son employeur en se présentant aux législatives de 1997 contre le lion d’Altkirch et qui fit un score confidentiel. Les gens de média ne font pas les meilleurs candidats politiques.

Nina, c’est un peu plus que le quart de siècle derrière le micro. « Toujours de bonne humeur » à la promotion, bougonne dans les couloirs. Une star de l’audiovisuel quoi. Nous avons donc longuement cheminé ensemble dans la même entreprise sans nous connaître vraiment. Un collègue est réputé ne pas être un ami.

Nina va prendre de la hauteur à l’âge où commence la vie selon Udo Jürgens, chanteur allemand qu’elle a contribué à promouvoir en miaulant à l’antenne. Après avoir maintenu la flamme alémanique sur Dreyeckland, elle va rallumer les fourneaux d’une auberge de fond de vallée et rassasier d’autres consommateurs de passage.

La radio est comme un disque. Le dernier sillon atteint, la musique s’arrête.

Nina aura été une figure de l’épopée Dreyeckland, la radio née à cause ou grâce à Fessenheim. Je n’aurais pas imaginé qu’elle coupât son réacteur avant que ne se taisent ceux de la centrale.

Bonne route Nina, toi qui sais que le bonheur est en cuisine.


Jean-Yves Scarpitta. J’ai trouvé JYS (à l’anglaise) pour simplifier. C’est un honneur de devenir homonyme de JY’S le restaurant étoilé d’un autre Jean-Yves, Schillinger, chef colmarien de renom.

Nous n’avons pas eu l’occasion de nous connaître en quatre années. Et pourtant, nous savons beaucoup l’un de l’autre. JYS parce qu’il envoûte par le verbe et manie la psychologie, moi par l’analyse « policière » du journaliste.

Jean-Yves « a une tête qu’on n’oublie pas », lui a servi un artiste lors d’un événement de la radio. Celle par exemple d’un chanteur de ma période favorite, les années 70, mais un physique de Hulk avec une imposante cage thoracique d’où s’extirpent des rires aussi profonds que le gouffre de Padirac.

 A sa prise de fonction, Jean-Yves m’avait confié qu’il se savait « Jean-Yves la chance ». Je crois pouvoir dire que j’ai eu la chance de croiser ce phénomène, tantôt directeur des programmes, tantôt gourou des ondes, toujours difficile à cerner, mais au message clair.

Omniprésent, assoiffé de travail, engagé sur tous les fronts, sa conduite des opérations pouvait être déconcertante. J’ai bu ses paroles, je n’ai gaspillé aucune miette des discours. J’ai aussi relevé un chapelet de remarques anodines, autant en quelques semaines que sur trois décennies de carrière.

JYS m’aura surtout époustouflé en s’emparant de l’antenne au pied levé, improvisant comme un orateur – né, n’ânonnant jamais. « La chance, c’est le talent que les autres n’ont pas ».

« Avec Dreyeckland, promettait-il, vous n’êtes jamais loin de vos artistes préférés ».  Maintenant que tu pars, JY, tu seras peut-être un peu plus près de nous. Merci de ce que tu m’as, de ce que tu nous as apporté.
La radio, c’est comme un vinyle. Tu as encore de nombreux sillons à tracer. Bonne route, chef !



Altkirch, 22.02.18
 




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