13 août 2017

DU LANDSKRON A MARIASTEIN A PIED





Samedi 12 août. Récemment, le journal L'Alsace avait publié dans ses pages Sundgau une proposition de balade estivale à une demi-heure environ d'Altkirch, sur la frontière franco-suisse, "du Landskron à Mariastein". 8 km en 3 heures, dans un territoire qui m'est cher. Ce sera ma dernière escapade des vacances 2017. 
Nous commençons la randonnée à pied depuis la gare de tramway de Leymen, sur la ligne 10 desservant Dornach Bahnof  et Rodersdorf via Bâle. Leymen est le denier village du Haut-Rhin avant la Suisse. Il est 17H05. Ce sera une ascension quasiment ininterrompue jusqu'au pèlerinage marial. Peu de temps après notre départ, nous croisons la chapelle des âmes du purgatoire. Le sentier qui prolonge la rue nous conduit au château du Landskron, ruine médiévale,  propriété privée (de l'association ProLandskron) qui dégage toute responsabilité : vous vous engagez "à vos risques et périls". L'ancien château-fort a fait l'objet d'importants travaux de consolidation. Deux groupes y sont installés à notre passage: une famille qui y partage le barbecue et des jeunes. Chemin faisant, le "gruetzi" est le plus usité, les Suisses étant les plus nombreux parmi ceux que nous rencontrons. Pour la première fois, nous montons sur le donjon. La vue est exceptionnelle. Bâle et sa tour Roche se manifestent devant nous, nous distinguons aussi l'EuroAirport et le Grand- Ballon...En montant là-haut, nous sommes rappelés au souvenir d'un célèbre locataire, un détenu devenu fou pendant sa captivité de 21 ans. Le Landskron fut prison d'Etat avant la Révolution. La visite de la ruine était un détour. Nous poursuivons et nous voilà de l'autre côté de la frontière. Des bornes marquent la limite territoriale. Les moutons en contrebas font chanter les clarines. Un drapeau rouge à croix blanche signale l'appartenance à la confédération. Au sommet de la butte, nous apercevons Mariastein, vers laquelle nous descendons en longeant un champ de maïs. Je n'aurais jamais imaginé me rendre ici à pied...
Le lieu est très calme cette fin d'après-midi. Quelques clients attablés sur les terrasses des restaurants, la place centrale presque vide. Nous aurons le loisir de nous recueillir quelques instant à la grotte puis à la basilique, où ne circulent que deux dames. 
Le retour sera plus aisé, presque tout en descente, en partie dans la forêt. Au loin, les éclaircies se développent.
Retour devant la Leymen Station, après 2H15 de marche au grand air à quelque 500 m d'altitude. Une ascension préparatoire à l'Assomption.
Depuis 1648, Mariastein est pèlerinage marial.  























10 août 2017

PASSER LE TEMPS A SANKT MÄRGEN (FORET - NOIRE)




Dans le paradis des randonneurs qu'est la Forêt-Noire, il m'a été donné d'oublier le temps qui passe à St. Märgen, une station climatique à l'est de Freiburg, entre les monts Feldberg et Kandel. Cette commune de quelque  2.000 âmes célèbrera en 2018 les 900 ans de sa fondation. Située sur une route panoramique, dans le parc naturel de la Forêt-Noire sud , St. Märgen fut créée par les moines augustins qui lui apportèrent artisanat, art et musique. La vie de ce lieu monastique a été tumultueuse au cours des siècles, les incendies se succédant, le cinquième en 1907. Depuis 1720, il est pèlerinage marial, l'église étant consacrée à Notre-Dame-de-l'Assomption. 



La visite de l'église n'étant pas au programme de mon voyage de presse, je suis attendu au KlosterMuseum. Le musée du monastère est la mémoire de la commune. Mon guide Stephan Metzger. Nous sommes sur la route de l'horlogerie allemande. St. Märgen est référencé notamment pour le musée, qui est en partie dédié au temps, à travers les horloges de la Forêt-Noire. Waldau est citée comme le berceau de la pendule à balancier en bois, dans les années 1660. La production horlogère sera telle que des centaines de milliers de pièces seront façonnées dans cette région au milieu du XIXe siècle, une surproduction bientôt. Stephan actionne sur mon passage quelques unes des horloges, comme la pendule à danser de restaurant. Un espace honore un enfant du village, Andreas Löffler, qui fit commerce en Angleterre au prix de voyages épiques. Le malheureux mourut à 27 ans, d'une bactérie. On apprend encore combien le travail des peintres sur pendules était mauvais pour la santé. En tous cas, la Grande-Bretagne et la France auront été de gros marchés pour les créations de la Forêt-Noire. Quant à la pendule à coucou, elle n'est apparue que longtemps après.









Le musée intéresse aussi les passionnés de peinture sur verre. Enfin, la religiosité populaire, la cordonnerie et les sculptures monastiques de Matthias Faller sont d'autres thématiques mises en valeur dans ce bâtiment d'un autre temps, dans un environnement magnifique et reposant.

www.kloster-museum.de 
www.hochschwarzwald.de 

 
 

9 août 2017

MARIENTHAL EN ATTENDANT L'ASSOMPTION




J'aime particulièrement le mois d'août, le mois de la coupure annuelle au cœur de l'été, un mois marial aussi. A l'approche du 15, jour de l'Assomption, j'ai pris pour la deuxième fois le chemin de Marienthal dans le Bas-Rhin. Le "Val de Marie" que se partagent trois communes, Haguenau, Gries et Kaltenhouse. Depuis la fin du Moyen Âge, on y vénère la Vierge. 









J'ai mis un peu plus de deux heures pour faire le trajet depuis le Sundgau, sous un ciel redevenu clément. La basilique se dresse à l'entrée de la localité, ceinte d'un parvis permettant de grands rassemblements. De l'autre côté de la chaussée, un vaste parking encore. Le chemin de St-Jacques-de-Compostelle passe par là. La destination est annoncée à un peu moins de ... 2400 km.

Un vrombissement dans le ciel. C'est un monomoteur ancien probablement attaché à l'aérodrome de proximité.
Face aux bâtiments de l’Église, un alignement d'enseignes de l'hôtellerie-restauration.
Une religieuse m'accueille avec bienveillance. C'est peut-être la sœur hôtelière, en charge des convives qui souhaiteraient déjeuner sur place ou des hôtes en quête d'un séjour de récollection.
Onze heures sonnent. L'heure de l'eucharistie du milieu de la journée, à laquelle je prends part. 
Plusieurs dizaines de fidèles, pensionnaires ou comme moi de passage, s'installent. Dix religieuses dont une en formation sont assises à leur rang. L'une d'elles fait chanter la cithare. Une autre anime le chœur  bénédictin. Les voix sont pures. 
La messe est  célébrée par Franck Guichard, secondé par quatre confrères. Le recteur annonce avec une grande douceur la Parole du Seigneur. Aujourd'hui 9 août est consacré à Edith Stein, sainte Bénédicte de la Croix, le jour anniversaire de sa mort au calvaire d'Auschwitz, en 1942. La philosophe devenue carmélite était d'origine juive. 

DR

Dans cet office, il est beaucoup question de femmes d'ailleurs, comme le souligne l'officiant. Avec notamment la parabole des vierges promises à l’Époux, les sages et les insensées.
"Veillez donc, car vous ne savez ni le jour, ni l'heure".

Un senior est au culte entouré des siens. Il fête ses soixante ans ce jour. Un merveilleux parfum féminin croise par moments ma narine. Il émane d'une croyante derrière moi probablement.
L'assistance se disperse à midi. Une grande paix règne sur ce haut lieu de pèlerinage, le plus ancien prieuré d'Alsace. En contemplant les vitraux, je suis interpellé par des scènes de la Révolution. Marienthal n'a manifestement pas été épargnée par la terreur anticléricale. 


Avant de m'en retourner à mon quotidien, je savoure quelques instants encore le bonheur de cette rencontre dans le pays haguenovien. Me voilà réveillé pour la Dormition de Marie, commémorée la semaine prochaine. 



Boutique liturgique




Chapelle des confessions

Au Jugement dernier (détail)

8 août 2017

BOURGOGNE SUD : BIBRACTE, CAPITALE AU SOMMET DU MONT BEUVRAY

A la recherche d'une place forte gauloise au destin glorieux, disparue trop vite.

 

Porte du Rebout, entrée principale reconstruite de l'oppidum

 

Deux heures et demie de voyage ferroviaire plus une d'escale en gare de Dijon, pour descendre à Etang-sur-Arroux, après Le Creusot et proche d'Autun.
Après la capitale de Bourgogne - Franche-Comté, le bonheur de passer par la France profonde sur une ligne non électrifiée qui trace entre les vignobles de Gevrey, Vougeot, Nuits... Terminus donc à Etang, où je croise un vrai cheminot, en fin de carrière, la casquette bardée d'étoiles. Un instant de nostalgie qui mérite la photo. Une voiture vient à ma rencontre. Au volant, Benoît Boutilié, secrétaire général de l'établissement public de coopération culturelle Bibracte. Sous un ciel orageux, nous partons vers une destination archéologique, le plus ancien maillage urbain du nord des Alpes, sur le mont Beuvray, dans le Morvan.

Après quelques kilomètres de routes sinueuses, nous arrivons devant un  musée aux lignes contemporaines, épousant le paysage. Prix national de "L'équerre d'argent", le long bâtiment est un hymne à l'archéologie avec ses carrés renvoyant au quadrillage des chantiers. L’œuvre de Pierre-Louis Faloci est la porte d'entrée de Bibracte aujourd'hui, à 610 m d'altitude. 

 

Le musée en harmonie avec le paysage

 

Bibracte Mont - Beuvray est un des rares détenteurs du label Grand Site de France créé en 2003. Son intérêt patrimonial, paysager et écologique lui ont valu des reconnaissances nationales depuis un siècle. C'est François Mitterrand cependant qui insuffla  le renouveau du haut lieu protohistorique. L'élu de la Nièvre était chez lui dans les futaies de hêtres.  Comme Arnaud Montebourg, la Saône-et-Loire revendiquant aussi une part de l'héritage.

Le mont Beuvray, c'est un millier d'hectares géré par Bibracte EPCC pour le compte de l'Etat  et du Parc naturel régional du Morvan. L'établissement basé à Glux-en-Glenne (58) y tient son centre archéologique européen. Le musée se trouve au pied du mont, à Saint-Léger (71), avec son restaurant "Le Chaudron" ( voir "A la table des Gaulois" du 31 mai 2017 ), en entrée donc du site naturel en accès libre toute l'année.

Bibracte. Ce nom ne parle pas à grand-monde. Pourtant, Jules César avait dit qu'elle fut "de beaucoup la plus grande et la plus riche ville des Eduens", peuple gaulois allié de Rome. Elle a eu son heure de gloire quand l'envahisseur fit ployer les Helvètes à sa proximité en  - 58. Quelques années plus tard, Vercingétorix y fut confirmé chef des Gaulois coalisés contre le Romain. César encore y séjourna à diverses reprises, notamment en - 52.

 


Bibracte au sommet avec ses remparts

 

C'est l'érudit autunois Jacques-Gabriel Bulliot qui identifia de manière définitive l'oppidum éduen, avec dans son sillage Joseph Déchelette, père de l'archéologie protohistorique. Des fouilles très importantes furent engagées après 1867. Un siècle plus tard, à partir de 1984, le mont Beuvray allait faire l'objet de nouvelles campagnes, avec des archéologues européens. Ce que Bibracte a livré à ce jour est présenté sur place, au musée Rolin d'Autun et au musée d'archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye.

 


 

A 25 km d'Autun, le mont Beuvray culmine à 821 m.  Au IIe siècle avant Jésus-Christ, il vit s'épanouir un bastion avancé sur la vallée de l'Arroux, affluent de la Loire. Bibracte est le parfait représentant des oppida, ces vastes places fortes juste avant notre ère. Une fortification monumentale de 5 km protégeait une cité de 135 ha. Récemment, on a pu mettre en évidence un autre rempart portant la superficie à 200 ha. Et des agglomérations satellites. La romanisation de l'oppidum commença bien avant la conquête de César. Un aspect motivant  pour les archéologues. Bibracte tira sa croissance du commerce, les Eduens contrôlant les voies entre Saône et Loire. A l'apogée, 5 à 10.000 habitants dominaient le mont Beuvray. Pourtant, la ville gallo-romaine dut s'effacer rapidement. Comme son millier d'habitations. Une nouvelle capitale, dans la Gaule vaincue, la supplanta. Augustodunum, la future Autun. Au siècle premier, Bibracte mourut. Deux mille ans plus tard, le mont Beuvray est recouvert de forêt. Au détour d'un chemin  émerge un chantier. Une infirme partie du site a été sondée. L'histoire s'écrit ici, en cette splendide terre morvane, en de multiples (Bibr)actes.

 

 


www.bibracte.fr

 

 

ESCAPADE LARGOTINE







Il y a bien longtemps que mon vélo de course s'est endormi dans la cave 
Le cycle de mes vingt-cinq ans qui me portait dans les vallons de la Largue 
J'en ai le double désormais mais je suis resté attaché à ce terroir 
Pour me convaincre que je suis toujours en vacances 
J'ai emprunté le VTT d' Eloi avec une réelle envie de pédaler 
Sous le radieux ciel d'août
Je suis devenu un pratiquant très occasionnel du vélo 
Préférant la trottinette de randonnée
Mais aujourd'hui je sors le 340 de mon fils
Si d'aventure un chemin de terre me tentait 
Je quitte Altkirch par la piste cyclable bordant un temps l'Ill
Le maïs a poussé 
Je recouvre des sensations oubliées de liberté à travers champs 
Les premiers bâtiments de Carspach apparaissent 
L'industriel et son bateau coloré
Les petits collectifs 
La maison de Blandine plus fleurie que jamais
Tiens la petite restauration a complètement été démontée 
La tarte flambée partagée avec Parinda 
Le lycée professionnel privé en pause estivale
L'entrepôt frigorifique toujours disponible aux investisseurs
Je ne croise pas grand-monde nous sommes lundi
Hirtzbach et son ensemble sportif et de loisirs 
J'abandonne l'ancien tracé du chemin de fer 
Je fends la commune aux quatre fleurs 
Pour l'autre vallée 
Le champ de tir de mes dix-huit ans a mué en forêt
Or de l'autre côté nombre d'arbres ont été condamnés 
La butte de Largitzen 
L'odeur des bovins 
La saison des moissons 
La bifurcation vers Ueberstrass 
Le bistro d'antan  les restaus fermés 
L'église des années 30 où mes larmes ont coulé 
L'ascension vers le pèlerinage marial
Notre-Dame-du-Gruenenwald 
Indissociable de ma vie 
A l'heure où je pose mon engin contre un tilleul
Les fidèles entrent dans la chapelle 
Je reconnais la voix  de concierge de Léonie 
C'est le temps des vêpres 
Je suis surpris de ma sortie sur une selle mal ajustée 
Sur un deux - roues que j'utilise rarement 
C'est comme si j'avais une assistance céleste dans l'effort 
Pour avoir souvent arpenté ces routes dans ma jeunesse
Le bonheur d'honorer le rendez-vous avec Marie 
Le souvenir d'amours envolées 
L'autel devant lequel plusieurs de mes amis se sont dit oui
Le Gruenenwald toujours étincelant 
Malgré l'auberge en retraite

Ma jeunesse est révolue
Pourtant il m'a semblé faire un saut dans ma lointaine vingtaine

Cet après-midi d'août 




07 août 2017



 

7 août 2017

IN MEMORIAM FRANCOIS LICHTLE TEXTE 2011

ADIEU, PERE FRANÇOIS !

Lundi 20H45, François Lichtlé remettait son esprit à Dieu qu'il a servi pendant 20 ans, emporté par une maladie qui lui aura encore pris la lumière du jour. J'ai fait la connaissance de ce prêtre inhabituel il y a quelques années par le biais du maire de Roppentzwiller alors. Il nous avait reçus dans son presbytère de Waldighoffen où j'avais apprécié les vieilleries et le caractère authentique du lieu où s'affairaient des jeunes... Le père François avait choisi de se consacrer aux petits de ce monde. Il redonnait un sens à la vie d'adolescents paumés, "ses enfants", désormais orphelins mais dont l'association Domus s'occuperait dorénavant.
Ce matin, l'église de Waldighoffen était trop petite pour contenir la foule d'amis, de paroissiens et de fidèles venus des six communes de la future communauté de paroisses. C'était l'ultime hommage à un curé de campagne singulier, qui élevait des chèvres et des poules, qui portait la soutane et le béret, qui montait en chaire pour parler au plus près à ses ouailles, mais dont le ministère s'est arrêté brutalement. J'ai eu le privilège de voir le Père François Vendredi saint, sous le soleil ardent de son jardin. Il était en blanc, avec des lunettes qui ne lui permettaient déjà plus de distinguer grand-chose. Il était fatigué. Mais confiant. La maladie en a décidé autrement. Rien ne sera plus comme avant à Waldighoffen. Mais l'esprit de ce serviteur de Dieu atypique imprègne la paroisse. Beaucoup de larmes ont coulé vendredi à Bergheim, son dernier lit parmi les hommes. Beaucoup d'émotion encore aujourd'hui dans la vallée de l'Ill. Et tous ces enfants assis dans le chœur et la chaire... Un pasteur s'en est allé. Je suis heureux d'avoir croisé sa route un jour.


Aucun texte alternatif disponible.

6 août 2017

A LA TABLE DE CAMILLE / AGAPES EN PERIGORD




Ce devait être l'été 1979. Mes parents, ma sœur et moi, puis Jean et Denise, les amis de mon père, à la découverte du Périgord. Le premier voyage en Dordogne, nous l'avons fait en train. Nous partîmes de Mulhouse dans la nuit, je me souviens encore du ronronnement des installations électriques de la "cantine" de papa. Nous avions atteint le terminus en gare de Soubie, sur la ligne Périgueux - Coutras. C'était l'automne de mes 13 ans. L'année où j'allais faire une rencontre marquante pour ma vie, Camille Bonneau. Début d'une amitié de près de 30 ans.

Camille a peu changé au fil du temps. Les traits ont juste été plus prononcés. Les sillons de l'âge. Jeune, il aurait dû prendre épouse, il est resté célibataire. Il aurait dû être homme d'Eglise, il aura été d'une inconditionnelle piété toute sa vie. Sa boussole, c'était sa maman, que je ne connaissais que par ses confessions et les images. Une dame d'une grande bonté manifestement, qui a rejailli naturellement sur le fils. Camille a fait carrière dans l'hôtellerie - restauration, avant de se convertir en commercial dans les vins de Bordeaux. 

Je l'ai connu en chemise blanche impeccablement repassée sur short beige et dans son costume dominical, tiré à quatre épingles. Camille avait la classe du Français de naguère. Il habitait une petite maison blanche bordant l'avenue Cyrano, à Villefranche-de-Lonchat, ancienne bastide au croisement des routes, à quelques kilomètres de la Gironde. Il la partageait avec un chat de race commune mais qu'il servait comme un prince. 



Camille m'a initié au savoir - recevoir à la française. Avant d'être happé par la radio, j'étais déjà sur la même longueur d'ondes que cet homme jamais rassasié de culture, hostile à la lucarne et passionné de ce que le monde offre de meilleur. Justement.
Après avoir franchi la porte surprotégée de sa modeste demeure, nous avions le privilège, chaque fois que nos vacances nous conduiraient dans le Sud-Ouest, d'être invités à un déjeuner comme on n'en fait plus. Tantôt sur la terrasse, tantôt en contrebas dans le jardin, sinon dans l'intimité de sa salle à manger. Il y faisait frais. Mes narines ont gardé en mémoire le parfum de cette pièce emplie de paix, le temps étant marqué par une horloge.
Camille recevait comme le restaurant de haute cuisine. Argenterie et cristal étaient de sortie sur nappes brodées et serviettes assorties. Le papier lui était insupportable à l'heure du service.


26 août 1992. Dans deux jours, il nous faudra quitter ce Périgord qui me manque déjà. Camille nous accueille pour un nouveau voyage culinaire. Le couloir diffuse un appétissant fumet de viande rouge mêlé de senteurs provençales. L'horloge, imposante locataire, veille toujours au temps qui fuit. La table ovale en merisier voit s'asseoir un à un les convives, après le doyen Roger Grand, qui fait montre d'une sagesse qui l'honore malgré sa presque - cécité. Les coupes de verre taillé valsent sur l'air du kir royal en ouverture des festivités, précédant le ballet de généreux melons emplis de porto. Avec le souvenir de notre récente escapade à Lacanau - Océan, je m'apprête ensuite à une nouvelle assiette de moules marinées aux herbes aromatiques. Une écume de large s'empare dès lors de moi, cependant que le ban vinique est ouvert, avec à ma seule disposition, un bergerac sec vieilli, dont la bouteille fera long feu. Mer et terre, couple vedette de la Gironde, s'invitent à la table villefranchoise. Camille nous sert le traditionnel gigot d'agneau, passé au four sous l’œil expert de mon cuisinier de père. Salade et fromage clôtureront la procession avant la séquence finale. Chaque année, il nous est donné de déguster une œuvre pâtissière commandée aux meilleures enseignes de Montpon-Ménestérol. Ce sera aujourd'hui une merveille croustillante tapissée de pruneaux et arrosée d'un sainte-croix-du-mont. Pour le café, c'est encore un sans - faute, le maître de maison étant particulièrement pointilleux sur le petit noir. A ce stade, il me faut encore agréer un digestif de la collection personnelle de Camille, avant d'envoyer les bulles de la Champagne. Les heures ont passé. Mais jamais je n'oublierai ces festins.

... 





Camille s'est endormi voilà quelques années. Il est allé rejoindre sa chère maman dans le caveau du cimetière de Villefranche, sous le généreux soleil de l'Atlantique.
On me fait souvent reproche de mettre les petits plats dans les grands quand à mon tour je reçois. Camille y est probablement pour quelque chose. Recevoir est un savoir.
Merci infiniment, Monsieur Bonneau.


03 Septembre 1992
06 août 2017

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