« Weder a Kàthrina umma », encore une Ste-Catherine de passée, disaient mes grands-parents. Elle n’existe plus, notre Ste-Catherine. Bien sûr, la Ville d’Altkirch me répondra qu’elle est reportée en raison de la Covid-19. Mais depuis quelques années déjà, elle n’était plus pour ce qui me concerne. Après les attentats de 2015, la plus grande manifestation commerciale de l’année dans ma ville a été davantage sécurisée, avec des véhicules positionnés aux entrées, le contrôle des visiteurs (et des passants), un accès élargi aux secours et moins, beaucoup moins d’exposants. Je suis altkirchois depuis toujours, je suis bien placé, géographiquement aussi, pour raconter ce que j’avais qualifié de « Fête nationale » locale, voire sundgauvienne.
La
foire Ste-Catherine a plus de cinq cents ans. Quand j’étais
enfant, je l’attendais avec impatience. Je me sentais rassuré dans
ma chambre la veille, m’endormant avec le bruit extérieur. Les
premiers marchands prenaient place dans le
froid
automnal. Les machines agricoles avaient été installées place
Jourdain. Dans mon quartier, les concessionnaires avaient aligné
leurs voitures. Je
récupérais les documents ensuite,
car à mon âge, les garçons s’intéressaient à l’automobile.
Nous savions les marques et les modèles.
Il faisait encore
nuit le jour venu quand les agents municipaux dirigeaient les
exposants.
Altkirch s’éveillait. Je n’ai pas souvenir d’un
temps exécrable pour cette manifestation déplaçant la foule dans
la haute ville. Je me suis souvent demandé d’ailleurs
comment les pompiers
seraient intervenus en cas d’événement majeur.
La Ste-Catherine, c’était le jour des retrouvailles. Le monde paysan sud-alsacien parmi les citadins ruraux. Autrefois, les bestiaux étaient de sortie aussi, comme le rappelle la fresque humoristique derrière la sous-préfecture. Les agriculteurs avaient enfin un temps pour souffler, échanger autour de leur année, envisager un investissement autour d’un vin chaud.
Au fil des décennies, les tracteurs sont devenus des mastodontes du labour. En ville, on montre aujourd’hui son SUV, ici on pose devant les machines XXL. La foire, c’était un carrefour d’affaires hétéroclite, du camelot au confiseur, du technicien de chambre d’agriculture au syndicaliste, du vendeur de pull à la mode à l’association investie dans la restauration rapide.
C’était, au détour d’une rue, le sourire d’une fille perdue de vue comme la salutation quelconque d’une connaissance. Ma grand-mère, puis mon grand-père, plus récemment mon père étaient dans leurs derniers jours quand revenait la Ste-Catherine. Papa y avait nourri des milliers de convives à la halle au blé. A la maison aussi, il est de tradition de partager la soupe de lentilles à la saucisse de Montbéliard. On allait faire son marché le matin, on rentrait déjeuner, on refaisait le tour.
Quand
le jour s’éteignait s’allumaient les guirlandes des stands. Il
nous est arrivé de fournir l’électricité à un commerçant
ambulant. Le soir, nous savourions les mannala et les têtes de choco
(la dénomination du XXIe siècle), heureux et fatigués de cette
longue journée de navigation à
vue dans une mer humaine.
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