30 mars 2020

PROMESSES EXTRAORDINAIRES










Depuis que la France et beaucoup d'autres pays sont à l'arrêt, le téléphone ne sonne quasiment plus. Avant, pas un jour qu'on ne m'appelle pour me vendre un fournisseur d'énergie, une assurance, une rénovation. Après deux semaines de confinement, nous devons nous contenter de ce que nous avons et de ce que nous pouvons encore trouver dans le commerce autorisé si nous ne passons pas par la vente en ligne. Le Covid-19 va chambouler le monde et la mondialisation. Et nos modes de consommation sûrement.

L'automne dernier, Annie Pastor publiait chez Hugo Desinge
« Merveilles vendues par correspondance » dans la série « Les Pubs que vous ne verrez plus jamais », plus de 100.000 exemplaires vendus pour chacun des 4 volumes.
En 160 pages, l'ancienne rédactrice en chef adjointe de L'Echo des Savanes nous raconte « l'art et la manière de vendre n'importe quoi à n'importe qui ». Une compilation d'annonces publicitaires invraisemblables puisées dans la presse populaire des Trente Glorieuses. L'auteure pose le contexte. La Guerre Froide. Les Etats-Unis exportent leurs produits et leur culture de consommation de masse. C'est le culte d'une société dominante, prospère, idéale et moderne, à l'inverse du bloc communiste. L'American Way of Life. « Acheter tout et n'importe quoi est possible et même un devoir moral pour la prospérité » d'un pays soumis au capitalisme triomphant. Annie Pastor s'intéresse ici à « un marché parallèle qui se développe rapidement, de produits miraculeux et étranges, de loisirs peu chers ». Ses opérateurs trouvent des espaces de communication plus accessibles dans les magazines spécialisés et la bande dessinée. Ils vont les inonder de publications sidérantes qui aujourd'hui nous feraient rire ou au contraire frissonner.
En 1941, les chewing-gums Bazooka proposent de gagner un Flexy Racer, la planche à roulettes sur laquelle on se couche. En 1968, sautillez chaussé de Space Shoes. Ou lancez-vous à plat ventre sur le Slip'n Slide, tapis à arroser pour glisser sur une dizaine de mètres. Des activités de plein air qui risquent de mal finir, soit par traumatisme, soit par brûlure. A l'intérieur, les enfants peuvent s'improviser chimistes. Une maison française vend une boîte de résines polyester qui mal mélangées avec les catalyseurs font encourir un départ de feu...
D'un très mauvais goût, inspirée de la Révolution française, Chamber of Horrors de Madame Tussaud, la réplique en plastique d'une guillotine avec une figurine bientôt décapitée. « Harmless fun ! » Avant la déferlante Halloween, une société new-yorkaise vantera ses X-ray glasses, lunettes à rayons X permettant de voir le squelette d'un vivant.



Dans ce monde d'après-guerre mondiale, il faut bien présenter, être beau, fort, cultivé, prospérer. De petites annonces promettent aux petits gabarits de grandir, de « 8 à 16 cm à tout âge ». Annie Pastor a trouvé une mine de publicités autour de la transformation physique, mincir en pétrissant avec le pétrisseur Sterling par exemple, se forger une gorge de rêve, paraître plus jeune chaque matin... Pour les hommes, changer de tête avec un postiche ou faire pousser les cheveux avec un appareil de massage infrasonique (sic). Le mâle doit rassurer. On lui prodigue le pouvoir secret du kung-fu chinois, mais la femme aussi peut se défendre en apprenant la méthode de Yubiwaza, mettre à terre son agresseur avec un seul doigt...
De nombreux domaines sont abordés dans ce recueil, de l'apprentissage des miracles dans sa vie à l'attirance de l'amour en passant par l'espionnage de son voisinage voire la sorcellerie avec le kit vaudou.
Le plus beau dans cette rétrospective richement illustrée, « c'est COMMENT on vous a vendu » ces merveilles. « La forme est encore plus forte que le fond, qui apparaît aujourd'hui aussi rétro que surréaliste, comme une forme d'art brut et primitif. » « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute », écrivait Jean de La Fontaine.

L'Action Automobile et Touristique printemps 1954


Le monde a changé ces dernières décennies. Mais il se trouve toujours une annonce dans la presse pour améliorer notre condition ou promettre le retour d'un être cher.
Maintenant, tout n'est pas bidon. Ainsi « ces Tupperware qui vous changeaient la vie » en 1973 sont toujours dans l'air du temps. Et continuent de changer la vie, parfois confortablement. Contrairement aux figurines d'étain;  le coulage de soldats proposé aux enfants par Kaster dans les années 30 a fatalement eu du plomb dans l'aile.





Merveilles vendues par correspondance
par Annie Pastor, Ed. Hugo Desinge  

27 mars 2020

PARLONS ELSASSICH DKL DREYECKLAND vendredi 27 mars 2020





S'esch küm z'glàuiwa, s'esch scho weder Fritig. C'est à peine croyable, nous sommes de nouveau vendredi. Pour le million et demi de Français au chômage partiel, ça ne change pas grand-chose. Quoi qu'il en soit, le week-end arrive. S'Wuchanand zaigt si.
Et le week-end on fait quoi ? On passe de bons moments avec ceux qu'on aime, ses amis, ses proches. Bon, ça c'était avant. Car depuis le 17 mars, nous sommes confinés.
Jeder bi sech un Gott bi àlla, pourrait-on détourner de l'alsacien.
Or il y a toujours des apéros entre voisins, bien que ce soit formellement interdit. En Gironde, les gendarmes ont pris 9 personnes en train de trinquer sur le trottoir. 135 € la prune pour chacun. En Alsace, on préfère la prune dans le verre, a Pflümawàsser -mais avec modération. M'r wann kä Pflüma hà.
Mais ne soyez pas tristes, car dans le confinement on vit autrement. Et comme l'apéro collectif est proscrit, on a inventé l'apéro Skype, l'apéro par visioconférence, d'r Aperitif met Videoverbendung, on peut aussi dire Apatitàreger pour apéritif.
C'est ainsi que j'ai surpris mon fils confiné dans sa chambre mais visiblement bien entouré.
Il participait à un apéro Skype.

J'aimerais bien trinquer avec vous, mais vous êtes trop nombreux. Promis, le cœur y est,
s'war garn gschah.
Hopla, màchet's güat un bliewet gsund. Gsundheit !



26 mars 2020

PARLONS ELSASSICH DKL DREYECKLAND jeudi 26 mars 2020

Photo Thierry Kuba 




C'est le jour 10 du confinement. Depuis une semaine et demie, beaucoup d'entre nous travaillent à domicile. M'r schàffa d'Heim. S'heisst, m'r mian d'Heim schàffa.
Ça vaut aussi pour vos animateurs et journalistes.
Voyez, on peut faire une émission « Debout l'Alsace »en multiplexe, d'r einer esch do, d'r ànder hockt därt. Sauf Mister Music qui garde les murs. Un peu comme le père Fouras du Fort Boyard, salut Thierry !
Mais nous ne sommes pas tous égaux dans / devant le télétravail.
Après moins de deux semaines de confinement, Deskeo, premier opérateur de bureaux flexibles en France, a interrogé plus de 2700 professionnels au sujet de leurs conditions de télétravail forcé. Une enquête qui montre une situation très complexe.
Au moment de l'enquête, 29% des personnes interrogées déclaraient travailler sur leur lieu habituel. Fàscht a drittel im Altaagliga. Pour 71%, c'est le télétravail, essentiellement à domicile, d'Heim wia meer. Pour les autres, c'est dans une maison de campagne, im Làndhüss oder im Wäkendhisla. Pour 1%, c'est ailleurs, peut-être chez la copine, allez savoir.
En tous cas, la plupart des télétravailleurs découvrent cette nouvelle façon de faire, à 70%.
Et surtout, 3 personnes sur 4 déclarent ne pas avoir une pièce pour télétravailler.
Voyez bien, pour « Debout l'Alsace ».
Chez moi, c'est au salon, s'esch heimlig. Chez Maryline, c'est peut-être à la cuisine comme elle mange toujours notre Miss Rillettes, chez Pierrot Maurer c'est à la cave, d'r Pierre gaitscht im Kaller.
L'essentiel, c'est d'être efficace.

D'Heim schàffa, dàs dian mr scho schàffa. Ça va le faire.


24 mars 2020

Le journal du confinement semaine 1




C'était dans l'air. Depuis quelques jours, il était impératif qu'on m'équipât du matériel d'enregistrement à la maison, dans la perspective d'un confinement. Lundi 16 mars fin de matinée. Mes collègues disparaissent rapidement, du moins ceux qui restent. Cependant qu'un autre vient m'installer de quoi télétravailler en début d'après-midi, je retourne au bureau. Il est quasiment 16H quand j'ouvre la porte de la radio. Il n'y a plus personne. Célia, ma stagiaire, n'aura pas fait une semaine complète. On l'a priée de partir sans qu'elle puisse me saluer. On remettra ça. Je vais m'atteler à la tâche comme chaque fin d'après-midi, préparant les journaux du soir avec un ordinateur en moins, délocalisé chez moi. Je me sens comme seul au monde dans cet immeuble silencieux au commerce endormi. Je me souviens de mon dernier jour sous les drapeaux, quand je traînais pour réintégrer mon foyer. Le soleil se couche, je considère une dernière fois ces locaux vides avant le saut dans l'inconnu. Je ne sais pas quand je reviendrai. Je ne sais pas si je vais revenir. Ce maudit fléau qui malmène la planète frappe sans qu'on ne le voie. J'ai un déchirement au cœur, comme quand je dois prendre congé de mon épouse à l'aéroport de Zurich.

Mardi 17 mars. Le chef de l'Etat s'est promu chef de guerre hier soir à la télé. Les Français vont apprendre le confinement. Après la fermeture des commerces dits « non essentiels » dimanche. Et l'arrêt brutal de la restauration. Ce matin, je n'ai pas de car à prendre. La trottinette va pouvoir se reposer sur ses deux roues un certain temps. Je me lève à 5H de fait, pour prendre mon poste à 5H45. Dans mon salon. J'appréhendais le travail à domicile. Or c'est comme si j'avais toujours produit depuis chez moi. Il faut dire que mon espace de travail est dévolu à mes blogs, il est propice à la création intellectuelle. Michaël m'a posé un traitement de son, un micro et une petite table de mixage. Les connexions sont établies avec la radio. Ma première journée de télétravail en 35 ans de métier se révélera productive et sans accroc. En fin de matinée, un dernier salut à maman avant le confinement. A 11H59, je suis sur le point de franchir ma porte d'entrée. Désormais il est interdit de sortir sans motif dûment justifié.

Jeudi 19 mars. Saint Joseph ne sera pas célébré comme il le faudrait cette année.
Nouvelle expérience pour moi : comme les locales de RTL2 sont mises en sourdine, je suis appelé comme joker de Cerise FM, une radio musicale haut-rhinoise. J'y avais déjà assuré chroniques et interviews. Un chapelet de bulletins de 6H30 à 12H30. Le travail de reporter reprend ses droits. Je me rends chez Esteban Domitin, boulanger Banette° qui m'attend rayonnant sous le soleil.
14H. Je monte en ville encore. Devant l'hôtel de ville m'attend la police municipale. C'est à la place du mis en cause que je me fais véhiculer sur deux points de contrôle, histoire de voir comment les automobilistes et piétons appliquent les consignes gouvernementales.

Vendredi 20 mars. C'est le printemps. On l'oublierait presque. Ma sortie du jour se limite à une opération poubelles. L'attestation dérogatoire de déplacement est nécessaire, même pour quarante pas. Je me trouve en mouvement sur l'espace public.

Samedi 21 mars. Jour des courses. Retour chez le boulanger. Je croise mon ancien pompiste, qui ne change pas malgré ses huit décennies au compteur mais qui ne dira rien de plus que mon nom. Tiens, voilà une autre vieille connaissance, issue de la banque. Un autre vieux monsieur qui se masque le visage et diffuse un arôme de laurier. Il est moins bavard désormais et fuit le corona. Heureusement le personnel de la boulangerie est souriant malgré la déprime ambiante. Chez mon boucher de proximité, c'est encore plus calme. Et le tabac-presse d'en face est fermé depuis mardi.

Dimanche 22 mars. 10H. Les cloches de Notre-Dame sonnent. Je ne sais pas quand a eu lieu la dernière messe dans l'église de mon enfance. Les cultes, on oublie pour le moment. Mais ça fait longtemps que mes contemporains ont oublié Dieu. Le chien de la voisine chiale.
Ce 4e dimanche de Carême est pourtant celui de la réjouissance. Le printemps réveille la nature, la lumière pascale se lèvera bientôt. Réjouissons-nous des guérisons, rappelle Mathieu, curé des paroisses de l'Eau Vive, qui propose un office en Facebook live depuis son église de Village-Neuf. Encore une expérience pour moi, privé de messe in situ. Près de 330 vues en moyenne pour cette première. Mulhouse instaure le couvre-feu à 21H.

Lundi 23 mars. 7E jour de confinement. Je me lève à 4H45. Interview téléphonique du chef deux étoiles Olivier Nasti qui a fermé son ensemble de luxe. Il en profite pour réaliser des recettes de CAP. Mon patron prend des nouvelles.
Ce soir, Edouard Philippe va annoncer que le confinement durera quelques semaines.
Quand « beaucoup de nos concitoyens aimeraient retrouver le temps d'avant ».

18 mars 2020

LA DERNIÈRE PAGE DE BERNARD FISCHBACH



Bernard à La Brigantine en 2005


Quand tu venais me rendre visite à la radio, tu connaissais le chemin, passant le filtre de l'accueil. Un pas décidé, la poignée de main ferme, un sourire complice. Bernard Fischbach. Je ne t'avais pas revu ces dernières années, toi qui étais entré régulièrement dans ma vie journalistique. 

Mulhouse est mon territoire professionnel depuis la fin des années 1980. C'est à ce moment-là que nous avions fait connaissance. Toi le grand reporter des DNA, moi le débutant promu à Radio Star. Dès lors, je t'ai toujours connu ainsi. Un air de Jacques Lanzmann comme toi écrivain, les cheveux gris un brin rebelles et cette moustache de gaulois. Surtout cet œil vif, clair, inquisiteur et malicieux à la fois. Et l'indispensable foulard noué autour du cou. Je ne t'ai pas connu avec la cravate. Ça n'aurait pas collé. La ponctualité était ton obsession. Toujours rivé sur ta montre, tu ne supportais pas d'attendre. La patience est pourtant nécessaire dans notre métier. Tu étais pressé. Bien plus tard, dans ta retraite de localier, tu fonçais toujours comme si le monde devait s'arrêter demain. Quand tu surgissais à la rédaction, tu ouvrais ta serviette pour en sortir ton dernier livre souvent dédicacé par avance. Si les gens ont oublié B.F., les libraires et les lecteurs d'alsatiques se souviennent de Bernard Fischbach.

Je peux confesser ici que tu es l'auteur que j'ai le plus lu. C'est que tu étais prolifique. Sitôt un livre publié, sitôt un autre en route. Passionné d'Histoire et d'histoires criminelles, tu auras apporté de précieux éclairages sur des faits et des hommes qui nous sont liés. Avec Oradour, l'extermination tu as expliqué cette terrible page qui des décennies durant a terni les relations entre l'Alsace et le Limousin. Tu as évoqué encore le RAD, malgré eux, dont les livres d'histoire ne parlent pas. Avec Les révoltés d'Ottendorf, c'était le roman historique illustré par un autre Bernard, Latuner. Mulhouse t'a inspiré. Tu nous as ouvert à Mulhouse d'antan, Au temps du tram et du trolley à Mulhouse (avec Jacques Kirchmeyer), Mulhouse d'hier à aujourd'hui (avec Micheline Lang-Reitz)...Avec Waldteufel, autre musique. Un beau livre – CD dédié au Strauss français, de Strasbourg.

Je t'aurais imaginé inspecteur de police. Tu as baigné dans le polar. Banc public, Merlin l'exécuteur, Monsieur Crime Parfait, Jetza...Je dévorais tes intrigues bien ficelées dans lesquelles tu convoquais les animaux. Tu as parfois écrit à quatre mains, mais je m'étais habitué à ta plume et à tes personnages féminins. Tu as collaboré avec plusieurs maisons, dont Le Bastberg, qui t'avais confié la collection des Polars régionaux. Avec Le passe-muraille du Mont Ste-Odile, tu perçais cette incroyable et médiatique affaire de vols de livres précieux au sanctuaire.

J'ai eu le plaisir de t'accueillir à ma table. Je me souviens d'un déjeuner animé au cours duquel je t'avais proposé la compagnie de vieilles amies qui t'avaient irrité en se souvenant du maréchal Pétain. J'ai eu le bonheur de partager un dîner chez toi, où contre toute attente je retrouvais un officier de ma préparation militaire...
En fermant le bouquin, tu es allé rejoindre ton vieux collègue Daniel Walther parti deux ans avant toi. Quand je passe à Brunstatt, je lorgne souvent sur la colline où tu avais élu domicile. Quand j'y repasserai, je le ferai derechef, un de tes mots – signatures.
Adieu Bernard.



Bernard Fischbach s'est éteint le 17 mars 2020 à 81 ans.

26 février 2020

LA MAHLSUPPA EN ATTENDANT LA FASNACHT




Topinambours, panais, crosnes, rutabagas...Les légumes anciens reviennent avec leurs saveurs particulières. Je me suis dit que comme le vintage était moderne, pourquoi ne pas fouiller dans ma mémoire pour puiser une recette de grand-mère Maria...
Ça faisait longtemps que je n'avais pas eu de mahlsuppa, la soupe à la farine rôtie. Il est vrai que mamama s'en est allée il y a plus de trente ans, emportant avec elle ses plats inoubliables. Mais nous avons tous eu ou avons encore une mamie cuisinant comme un chef.

La mahlsuppa de mon aïeule était couleur marron. Ce soir, après une longue préparation mentale, je me suis décidé à en faire une à mon tour, la première de ma vie culinaire. Elle ouvrira une longue série j'espère, tant les variantes sont nombreuses.
Carnaval approchant à grands pas, je me suis intéressé à la version bâloise. Car la Basler Mählsuppe se sert pendant la Fasnacht, les trois plus beaux jours des Bâlois, bien qu'elle se consomme toute l'année. Pourtant, si les Romains la préparaient déjà, on disait jadis que la soupe de farine était un plat de pauvre. Qu'importe. Il ne tient qu'à nous de l'enrichir d'un légume, d'une herbe, d'une épice. Personnellement, j'ai ajouté un peu de muscade ce soir. Mais je n'ai pas forcé sur la cuisson de la farine, pour ne pas la brûler, ce que les puristes me reprocheront peut-être. Ah, autrefois, on disait aussi qu'une fille était prête au mariage si elle savait réaliser une Mählsuppe... On passe en cuisine ?




Pour régaler quatre convives, il vous faut :

5 cuillères à soupe de farine (blé,seigle ou maïs)
60 g de beurre
1 oignon
1 litre de bouillon de viande
sel, poivre
Une cuillère de vin rouge
100 g de gruyère râpé

Progression
Dans une casserole, faire brunir la farine, couleur noisette.
Ajouter le beurre et l'oignon émincé, faire revenir.

Mouiller au bouillon froid, porter à ébullition, laisser mijoter une vingtaine de minutes.
Rectifier.
Verser le vin et mélanger.
Avant de servir, parsemer la soupe de gruyère.


Et, en période de carnaval, décorer la table de serpentins.





                                                                                DR

25 février 2020

PARIS DÉCONNECTE FESSENHEIM




22 février 2020


Je me revois adolescent dans la voiture de papa, quand nous rentrions de Balgau, le berceau familial, la nuit venue. Sur notre gauche, la silhouette de la centrale nucléaire de Fessenheim. L'éclairage de nuit, les lumignons rouges...

40 années ont passé. Je fais ce matin le chemin inverse, sous un ciel lumineux. La D468 fend les champs et me fait traverser des villages qui me semblent figés depuis des décennies. La paix de la plaine du Rhin.


Il fallait s'accréditer pour participer à la conférence de presse des élus du Pays Rhin – Brisach à La Ruche, l'outil économique au service des entreprises. Il n'y a pourtant pas de ministre en vue. La presse est nombreuse malgré l'heure matinale, un samedi. Les grandes maisons de l'audiovisuel sont au rendez-vous. Fessenheim est un sujet national. Jean-Luc Cardoso, délégué CGT Mines – Energie, plus de 30 ans de centrale, expose à mi-voix les derniers instants du réacteur 1. Depuis quelques heures, celui-ci s'est définitivement tu. Une quinzaine d'agents et le syndicaliste ont assisté au découplage irréversible. Vers 8H30, une quarantaine d'élus locaux se figent derrière Claude Brender, maire de Fessenheim, et Gérard Hug, président de la Com Com. La plupart portent un bonnet rouge, clin d’œil aux Bretons, sauf que cette protestation colorée me paraît tardive. Maires, adjoints et conseillers ont voulu par ce geste « se réapproprier le symbole d'une lutte citoyenne qui a su ailleurs faire reculer un gouvernement ». Le 20 janvier dernier, ces mêmes élus avaient adressé une lettre ouverte au président de la République. Pendant plus de deux ans, ils ont « écouté patiemment les discours et les promesses tout en s'impliquant fortement au quotidien dans la démarche collaborative de reconversion du territoire ». Mais maintenant que Fessenheim 1 est inerte, les collectivités locales sont dans l'inconnu. La grande inquiétude est financière avec le FNGIR, fonds national de garantie individuel de ressources.
Avec ses deux unités de production, la centrale assurait l'an dernier 6,4 M€ de recettes fiscales au territoire, mais il fallait en reverser près de 3 à l'Etat par le biais de ce fonds. Or même si le CNPE ne verse plus son dû demain puisque réduit au silence, le territoire devra continuer de payer. Pour les dix ans à venir, l'Etat consent une compensation dégressive qui anéantira les recettes locales dans quelques années, sauf si Paris décide de neutraliser le FNGIR de Fessenheim, comme cela avait été annoncé il y a deux ans lors de l'installation du comité de pilotage par le secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu. Dans cette perspective, la centrale pourrait coûter plus cher à son environnement que ce qu'elle lui aura donné en 40 années d'exploitation, craint Gérard Hug.



Après ce nouveau cri d'alarme, les bonnets rouges rhénans se mettent en marche en direction de la centrale, sous la vigilance des gendarmes. Ils parcourent quelques centaines de mètres pour dérouler une banderole décernant le «  César de la promesse non tenue au gouvernement Macron » devant le CNPE. Tout au long de la journée les prises de parole se succéderont autour de Fessenheim. A Colmar, les associations antinucléaires présentent trois bouteilles de champagne bio. La première sera débouchée le 30 juin, à l' arrêt de Fessenheim 2. Certains ne verront pas couler le breuvage de la deuxième, prévue pour l'achèvement du démantèlement du site, dans une vingtaine d'années au moins. Le dernier flacon ne sera jamais ouvert. La radioactivité du site ne disparaîtra pas avant une éternité.



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