Mars 2019. Nous sommes à deux mois et demi des élections européennes. C'était mon premier scrutin d'électeur en 1984. Après 34 années de journalisme, il m'est donné de pénétrer enfin dans les hauts lieux de l'UE, à Bruxelles.
La
représentation en France de la Commission européenne organise des
séminaires de journalistes, destinés à leur fournir « informations
et outils utiles au traitement pertinent de l'actualité européenne
dans leur région ».
Notre
réunion place en effet « le débat européen en régions ».
Je
ne me souviens plus de mon précédent voyage à Bruxelles. Cette
fois, j'arrive en train. J'ignore combien nous sommes mais en sortant
du métro, je suis happé par les imposants bâtiments contemporains.
Me voilà au cœur de l'Europe politique. Des équipes de télévision
sur le parvis. Il doit y avoir de nombreux confrères ici.
Le
rendez-vous est fixé à Berlaymont pour 14 heures. Notre groupe se
constitue au fil des minutes. Nous serons une vingtaine, venus
d'horizons différents, du Pays basque à Mayotte, en passant par
Troyes. Ce sera un séjour studieux, loin des escapades joyeusement
œnotouristiques et des soirées (con)fraternelles. D'ailleurs pour
entrer dans le centre de visiteurs de la Commission, il faut
satisfaire aux contrôles comme à l'aéroport. C'est qu'il vient du
monde ici toute l'année. Il va être 14H30 quand nous sommes
sagement assis dans la salle Robert-Schuman, chacun derrière un
pavillon, autour de cette grande table en forme d'amande.
Moins de journalistes français
En
deux demi-journées, nous écouterons une demi-douzaine
d'intervenants rompus à la communication et se prêtant aux
échanges. Des exposés – questions d'une heure traitant de
problématiques diverses mais nous concernant tous, comme la
politique de l'environnement. La seule pollution de l'air coûte
annuellement une vingtaine de milliards d'euros à l'Union pour 16
milliards de journées de travail perdues...
Est-ce
une surprise ? L'Europe a du mal à pénétrer en régions et
les Français comptent parmi les mauvais élèves sur les questions
européennes. La presse tricolore est aussi moins assidue que par le
passé, quand un millier de journalistes sont accrédités. Nous
irons demain assister à la conférence de presse de midi,
d'ailleurs. Bruxelles sait le pessimisme français et pourtant les
sondages rapportent que nous sommes majoritairement attachés à
cette union. Nos interlocuteurs se succèdent et s'en retournent
sitôt leur travail achevé. Ils doivent en avoir l'habitude face à
des auditeurs multiples, dont des élus locaux. Les commissaires
européens eux-mêmes s'emploient à dialoguer avec les citoyens,
alors que la désinformation hante les institutions douze fois
étoilées. Les fake news font l'objet d'une lutte constante. La
Commission s'est aussi donné les moyens de rendre compte à ses
ressortissants, par les services audiovisuels par exemple.
Le
Brexit surgit inévitablement. Un collaborateur du négociateur
Michel Barnier affirme que les Européens seront prêts en cas de No
Deal, mais qu'ils ne le souhaitent pas.
Après
un rapide déjeuner dans le resto-self du Berlaymont, notre voyage va
finir par un saut au Parlement. Une présentation des lieux suivie
d'un coup d’œil à l'hémicycle que vont libérer 751 sortants. Et
puis, la salle de presse qui ne sera plus utilisée lors des
élections de mai. Enfin, dans le couloir, les anciennes cabines
téléphoniques désormais coquilles vides. Les temps changent, les
technologies évoluent. Les députés passent. Mais la mobilisation des
électeurs reste une priorité : « cette fois-ci je
vote ». Un minimum eu égard à « ce que l'Europe fait
pour moi ».