Mulhouse ne verra pas encore son carnaval cet hiver. Pourtant, rue du Manège, dans le vieux quartier Fonderie, masques, chapeaux et confetti colorent la vitrine de la boulangerie artisanale. Elle devait être animée naguère, cette Gràstigàs, comme en témoignent les commerces éteints, dont la proche boucherie-charcuterie et à peine plus loin la boulangerie Scherrer. Depuis 1923, heureusement, la maison Wittmann-Brand étincelle au bout de la rue, côté ancienne cathédrale SACM. En poussant la porte du 35, je me retrouve chez un boulanger traditionnel. A l’accueil dynamique, la charmante Mélodie que l’on croit connaître depuis longtemps. J’ai rendez-vous avec la patronne, qui quitte momentanément le fournil pour me chercher. Elle m’y présente Roland, son chef boulanger, à la confection de baguettes. Sans lui, l’établissement n’existerait peut-être plus. Le gaillard totalise 46 années de pratique mais se sent comme un quadra. Pas de retraite en vue pour ce forçat de la farine au travail depuis hier soir. Justement, son aide est en arrêt, il faut donc mettre les bouchées doubles. Mais Jeannette met la main à la pâte aussi.
C’est
la fille du fondateur, Jean-Louis Widemann, qui perpétue avec Roland
un savoir-faire et une signature familiaux. Jeannette est venue sur
le tard à la fabrication du pain. Elle était d’abord vendeuse.
Le temps du
carnaval donc, sans la liesse, mais avec les spécialités
boulangères. Scharwa,
schankala,
fàsanàchtskiechla.
Les
beignets sont fourrés à la framboise, au Nutella°, à la crème
pâtissière, à l’abricot, à la pomme. Chacun y trouvera son
goût. Je suis étonné par la taille des cuisses
de dames, mais
le schankala
à la noisette peut se consommer le lendemain, ou se partager. Je
n’ai pas eu le temps de le goûter, ma stagiaire l’a fait
disparaître…
Les petits pains sont de bonne taille aussi. C’est qu’il est
généreux Roland.
En vitrine sont accrochés par ailleurs des moules. Le kougelhopf est une spécialité de la maison. Jeannette s’occupe davantage de la restauration à emporter ou à livrer. Mais avec la crise sanitaire, le proche campus Fonderie s’est vidé et le télétravail a fait le vide. Heureusement, la clientèle habituelle est au rendez-vous, qui n’est pas exclusive au quartier.
Après les gourmandises de carnaval, Jeannette et ses boulangers prépareront les gâteaux de Pâques. Avec une vitrine réactualisée.