6 mai 2022

JEAN-LUC REITZER : LA SAGESSE DE PARTIR





 Midi cinquante. Le petit salon de l'Auberge Sundgovienne à Carspach, sa commune d'origine. Jean-Luc Reitzer est attablé avec deux confrères de L'Alsace. Les trois hommes ont échangé mais m'ont attendu pour cette conférence de presse que nous n'oublierons pas. "J'aurais dû avoir plus souvent des contacts avec la presse" confesse le député LR du Grand Sundgau. Mais quelques journalistes l'ont déçu, quand ce n'était pas "traumatisé". Jean-Luc se qualifie en effet d' "affectif". Alors ce vendredi il a convié une poignée de gens de presse avec lesquels il a gardé des relations saines. Un déjeuner avec mon député, ça ne m'était pas arrivé depuis très longtemps. Comme mes camarades, j'attends que Jean-Luc Reitzer officialise sa candidature aux Législatives. 

Le cadre est posé. Pour être député, "il faut une santé de fer", car la représentation nationale n'a pas d'horaires. Des textes sont amendés et votés en pleine nuit. Ce sont les va-et-vient entre Paris et sa circonscription. Jean-Luc, dont la vie ne tenait plus qu'à un cheveu au début de la pandémie, a recouvré sa forme assure-t-il. Il réaffirme ici sa "reconnaissance infinie" aux soignants. Postuler la députation exige ensuite "une certaine expérience". Lui totalise 45 ans d'engagement public, dont 34 au Palais Bourbon et autant en tant que maire d'Altkirch (1983-2017). 

"Tout justifiait ma candidature"

Jean-Luc a connu toutes les situations politiques, majorité, opposition, cohabitation, proportionnelle etc. Il a affronté de nombreux dossiers difficiles, dissolution du 8e Hussards, hôpitaux et autres services publics, frontaliers... "Il faut aimer les gens, partager leurs joies et colères". Le député a aussi souffert des restrictions sanitaires, lui qui a la poignée de main facile. Et pour aller à l'élection, point de salut hors d'un soutien. LR lui a accordé l'investiture comme un banquier suit un porteur de projet. Enfin, depuis la guerre en Ukraine, un membre de l'assemblée parlementaire de l'OTAN depuis plus de 20 ans est bienvenu. Fort de ces atouts, le sortant va annoncer ce qu'on trépigne d'apprendre... 

"La raison doit l'emporter"

Coup de théâtre : Jean-Luc Reitzer ne se représentera pas. "Le choix a été difficile, la décision prise avec tristesse, mais c'est le choix de la sagesse". A l'Assemblée, le député haut-rhinois fait partie des 3 les plus anciens, après avoir remporté 7 combats législatifs, 5 fois au premier tour. Rares sont ceux qui peuvent garder la confiance de l'électorat sur une si longue période. L'âge, 70 ans, n'est pas tant la raison, mais l'accumulation des mandats. Un 8e serait peut-être celui de trop. 

"Je n'ai jamais été un homme d'appareil"   

La vie politique de Jean-Luc n'a pas été un long fleuve tranquille pourtant. Engagé dès 13 ans, quand il prit la parole chez "Micky", gaulliste depuis toujours, le jeune militant posa des tags sur les murs. A 27 ans, il entra au conseil municipal d'Altkirch, décrochant grâce à sa voix un siège d'adjoint. En 1979, il battait son maire aux cantonales, ce qui lui aura valu 7 années d'exclusion du RPR alors qu'il en était porte-parole. En 1983, il remportait la mairie. Jean-Luc entra ensuite au conseil régional pour deux ans, mais s'ouvrit un horizon national en 1988, en gagnant avec panache la 3e circonscription du Haut-Rhin avec le meilleur score d'Alsace. Dès lors, il s'installait dans un long cours. 
Pourtant, citant De Gaulle, le parlementaire rappelle les "illusions, ambitions, combinaisons et trahisons" de la vie politique. Et les tentatives de débauchage. L'UDF hier, la majorité aujourd'hui, confie-t-il. Jean-Luc Reitzer aurait pu repartir en juin, avec la confiance des marcheurs, mais il n'avait pas envie "d'aller à la soupe". Il se sent redevable à tous ses soutiens et à sa famille qui a pesé dans la décision de se retirer. Les proches du député ont été marqués par la vindicte des réseaux sociaux. En pleine tourmente, aucun député alsacien ne s'est mouillé pour soutenir le collègue sundgauvien.

 "J'apprends beaucoup dans la presse"

Il est révolu aussi le temps où le député était un acteur reconnu dans son territoire. La perte du double ancrage (député-maire) et la suppression de la réserve ont contribué à la dégradation de la vie parlementaire, explique le sortant. Mais Jean-Luc se console d'avoir eu "une vie passionnante" qui lui aura donné de beaucoup voyager et de s'enrichir des différences. Il lui reste encore des déplacements à accomplir dans le cadre de l'OTAN.

Depuis qu'il vient de nous annoncer son retrait, les réseaux sociaux s'agitent et son téléphone crépite sans cesse. 
Jean-Luc Reitzer a mis fin au suspense un vendredi de mai.
Il ferme un livre de 45 ans. Les jeunes loups sundgauviens ne vont pas tarder à sortir du bois pour se lancer dans la campagne.


 

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