19 avril 2019

CHEMINS DE CROIX A OBERMORSCHWILLER




« On a tous un rapport avec la croix, qu'on soit croyant ou non. L'incendie de Notre-Dame de Paris aussi a interpellé le plus grand nombre. » Depuis quelques années, l'équipe de la Pastorale du tourisme et des loisirs de la communauté de paroisses de la Hardt aux Collines propose une randonnée sur le chemin des croix le Vendredi Saint. Ce matin, c'était à Obermorschwiller, à quelques kilomètres d'Altkirch.

J'ai stationné à proximité du stade de football, animé ce jour, pour rejoindre le public déjà rassemblé au cimetière. Une tête familière à Obermorschwiller, Damien Foltzer. Le temps ne semble pas avoir d'emprise sur cet ancien professeur, plasticien, défenseur des campagnes, historien du patrimoine. C'est lui qui va emmener le groupe et l'instruire de ses doctes anecdotes, avec des pointes d'humour et de nostalgie. Au voisinage de l'église du XVIIIe mais dont le clocher fortifié date de 1267 et de tilleuls imposants qui valent à eux seuls le détour, nous sommes devant la croix de mission. Elle avait été façonnée après 1860, comme ses deux sœurs présentes sur le ban communal, avec du calcaire local. A l'époque, il fallait rechristianiser les territoires ruraux. A côté de cette croix avec Marie-Madeleine, une autre plus petite et le monument aux morts avec Jeanne d'Arc. « La Commune reconnaissante à leurs tombés (sic) ».







Quelques mètres plus loin, l'entrée de l'église dédiée à Sébastien, un des saints pesteux, dont la porte est flanquée de deux croix. Un projet d'auvent avait été engagé, mais rejeté par la population. Restent ces croix, dont celle de droite d'un sculpteur naïf. Par le Paradiesecka (rue du Paradis), nous montons vers une croix de bois promise naguère par un aïeul du maire, si ses trois fils incorporés de force rentraient de la guerre. Deux d'entre eux sont revenus de loin, Jacques de Tambow et Jean-Pierre d'une désertion en Crimée. Le dernier, Joseph, aurait pu tomber en France. Un ex-voto restauré dans les années 60.

Nous avons quitté le village, traversant le champ et caressant au passage deux ânes dans leur parcelle. Damien se pose près d'une croix de chemins, sans Christ. Ici passaient les voyageurs de Luemschwiller vers Bâle et de Mulhouse vers Altkirch. Routes de marchands et d'ouvriers.
A chaque halte, un court texte est lu qui appelle à la méditation. « A la croisée des chemins, cette croix est aussi un asile. »






Le point culminant de la sortie est à 362 mètres. Nous sommes à la porte de Steinbrunn. Un oratoire bleu derrière un banc. La Vierge aux Roses Petit Bois. Depuis ce site, il nous est donné de voir «le Sundgau dans toute sa splendeur ». Aucune construction en vue, si ce n'est le lointain clocher d'Obermorschwiller, des champs et des bois à perte de vue, les Alpes de l'Oberland bernois quand le temps le permet. A ce moment, l'Ave Maria de Brassens se fait entendre, auquel répond un Ave Maria improvisé par le groupe.



L'heure tourne. Le parcours est écourté par la croix de Semetten, qu'on peut prolonger par la voie romaine Mandeure – Kembs. Où il est fait mention d'un abbé de Lucelle natif d'ici mais contraint à la démission en 1597 pour inconduite. Les hommes n'étaient pas meilleurs hier. Cette croix, identique à celle de l'église et à la troisième dans un lotissement, avait été en morceaux il y a une vingtaine d'années. « O toi qui passes sur le chemin, contemple ma douleur », rapporte le prophète Jérémie. Mais cette même croix rassure aussi le croyant : « ta place est prête avec Marie de Magdala ».

Deux heures trente ont passé sous un ciel de fin de printemps. Entre deux calvaires, Damien aura attiré l'attention sur la transformation des paysages par l'agriculture intensive. Un arrêt encore en plein chemin pour désigner le loess, la roche sédimentaire d'origine éolienne utilisée dans le torchis des maisons à colombage, matériau de la célèbre tuile Gilardoni, alliée des agriculteurs enfin.
Mais nous voilà de nouveau sur la route goudronnée. D'autres croix se dresseront sur le chemin du retour. Liées à une heure d'homme, mais lien intemporel entre la terre et le Ciel.



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