Distinguée mais d'une grande simplicité, Marie a réinvesti une demeure familiale pour en faire des chambres d'hôtes. Aux Rouges-Eaux, dans les Vosges. Les premiers retours sont excellents.
Ce mois d'août étouffant, nous nous mettons au vert dans une localité dont je n'avais jamais entendu parler, Les Rouges-Eaux, entre Bruyères et St-Dié-des-Vosges. Notre destination est "La Maison de Marie", nouvelle offre de chambres d'hôtes à une trentaine de bornes de Gérardmer. Nous aurons roulé deux heures, ralentis par la densité du trafic aux abords du lac de Xonrupt-Longemer, dont les rives sont assaillies par les estivants en quête de fraîcheur. Les derniers kilomètres nous font traverser une forêt coupée par une route sinueuse et étroite.

Marie habite 430, rue de la Mairie. Une rue a priori interminable. En fait, le numéro indiquerait une distance entre deux points. Nous sommes dans le centre d'un village dont la population se compte depuis le début du siècle aux environs de 80 habitants. Notre adresse est une maison flanquée d'une annexe. Elle abrite un ancien commerce. Voilà le produit d'appel touristique: une épicerie comme celle de Nénette à Champdray. En acquérant le bien familial, Marie avait fait la promesse de conserver la boutique qui a manifestement fermé dans les années 1990. J'y retrouve le dallage XIXe de la maison de mes grands-parents paternels; les étagères peintes sont remplies de boîtes et de vieux flacons vides. Une affichette donne le tarif de la baguette en 1989: 3,15 francs soit 50 centimes d'euro environ. Sur le comptoir encombré règne une balance Dayton-Testut.
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L'épicerie était l'épicentre de la vie locale naguère, lieu d'approvisionnement de la vallée avec son dépôt de pain confectionné à proximité. Le dimanche après la messe, on venait y prolonger la matinée. L'église est dédiée à saint Jean-Baptiste. Les eucharisties y sont rares, la dernière fois un office a été célébré au début de l'été. Mais les funérailles y ont toujours cours. Marie est issue de la famille Thomas, qui a laissé sa marque dans la commune. Elle occupe une grande place dans le cimetière entourant St-Jean-Baptiste. Pendant la dernière guerre, les Allemands avaient réquisitionné une propriété appartenant aux Thomas. Une maison de caractère avec un piano. Près de la mairie, une place porte le nom de la 3e Division US, libératrice du secteur. En 1944, de nombreux combattants, soldats ou maquisards, ont perdu la vie par ici.
A notre arrivée, Marie nous accueille, robe longue d'été et sourire éclatant sous son grand chapeau. Elle aura l'occasion de partager des anecdotes et des faits historiques sur cette maison familiale désormais ouverte à des hôtes en recherche de déconnexion au grand calme et dans un endroit insolite. L'épicerie justement. C'est comme hier le lieu de rencontres et d'échanges. On y prend un verre d'eau fraîche et le petit déjeuner. Nous y croisons Alex et Geneviève, vacanciers des Flandres qui passeront 5 jours sur place.

Marie a eu une vie professionnelle exigeante. Elle a tourné la page pour revenir aux sources et aspirer à un renouveau loin de l'anonymat de la grande ville, à l'écart de toute nuisance. Ici, elle revit bercée par le murmure de la Mortagne et ses ruisseaux, la sonnerie de l'Angélus et peut-être la coupe d'une grume là-bas. Depuis peu, elle découvre le métier d'exploitante de chambres d'hôtes. A sa bonne surprise, les clients se sont vite manifestés. Et sont repartis ravis de leur séjour. Nous occupons pour deux nuitées la chambre centrale avec son balconnet, avec vue sur la rue et les prés. Une pièce spacieuse, un lustre ancien, un mobilier sans fioritures, une toile d'un peintre belge sans doute. La tapisserie du fond a été restaurée. Elle aurait beaucoup à raconter. La salle de bains est commune. On remarquera le miroir surplombant la baignoire, emprunté à une armoire.


La nuit venue, il me plaît de contempler le ciel depuis le balcon. La seule source lumineuse nous est renvoyée de la mairie. Elle vient du panneau d'affichage… La période est propice aux phénomènes célestes. J'aurai la chance de capter deux étoiles filantes le deuxième soir. En période de Fêtes, des volutes illuminent le passage de la mairie. En attendant, considérons la ligne des résineux au couchant comme au réveil. Et savourons ce moment hors du temps.
Je n'ai pas vu une seule pendule dans la maison de Marie. Ici le temps ne se lit pas, il se remonte.
La Maison de Marie
88600 Les Rouges-Eaux
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