C'est un samedi après-midi du début du printemps. On circule et on se gare facilement, mais des installations annoncent l'événement dans deux semaines : Gérardmer prépare sa Fête des Jonquilles, la plus grande manifestation du Grand Est dédiée à la fleur printanière. Du 4 au 6 avril, la Perle des Vosges va de nouveau octupler sa population, qui officiellement approche les 8.000 habitants. Nous avons rendez-vous à la Société des Fêtes, organisatrice.
Celle-ci occupe l'ancien abattoir. Les vieux murs sont animés. Les hangars paraissent étroits pour les constructions métalliques qu'ils abritent. Nous montons dans les bureaux, où quatre messieurs plus très jeunes s'affairent. Pourtant, une Fête des Jonquilles ne laisse aucun répit. La Société des Fêtes géromoise compte une vingtaine de membres actifs sous la présidence de Jérôme Hirth. Elle pourra compter sur une armée de 400 autres bénévoles au plus fort des réjouissances, le 6 avril. "On ne peut pas annuler" une telle fête, me disent les responsables. Parce que, même biennale, elle nécessite une organisation qui mobilise un territoire dans la durée. De toute façon, si ce n'est pas la Fête des Jonquilles, c'est Jonquilles en fête une année sur deux. Ainsi, le narcisse accapare Gérardmer chaque printemps. En 2025, c'est la 51e Fête des Jonquilles.
Sylvain Picard a le regard lumineux quand il rapporte la naissance de cette manifestation en 1935. Il me présentera une photo sous cadre : le fondateur fut son père avec l'Amicale motocycliste. Lui-même revendique plus de 30 chars à son actif. Car ici, chacun peut présenter sa réalisation, si elle est conforme au cahier des charges. Ainsi, les sujets sont des œuvres particulières et collectives. Si la structure est métallique, les produits naturels sont préconisés comme la mousse et le lichen, mais un char doit être constitué aux deux tiers de jonquilles.
La fleur jaune éclaire déjà les prés mais attention. La cueillette est réglementée dans certaines communes pour ne pas porter préjudice au corso. Des bouquets sont d'ailleurs vendus au bord des routes à un tarif modique. Pour le grand week-end d'avril, ce sont 3 millions de jonquilles qui seront piquées sur la vingtaine de chars annoncés. 60.000 bouquets de 50 fleurs confectionnés par les écoles et les associations, rémunérés à la pièce, 50 centimes. De quoi assurer une rentrée d'argent non négligeable. L'organisation s'autofinance avec un budget en deçà du million d'euros, hors soutien technique de la Ville, détaille Michel Chauffel, responsable des bénévoles et comme ses camarades "couteau suisse". Jean-Claude Kieffer, l'ancien Colmarien, est par ailleurs administrateur de La Ronde des Fêtes, cette grande famille née en Alsace et dont la première manifestation cette année a lieu à... Gérardmer. Et puis Hubert Chipot, inventeur du cocktail Jonquille, dont la recette ne sera pas divulguée bien sûr. Autrefois, confie-t-il, on mettait du citron dans le vin. Nous saurons que son breuvage appelle un alsace et au moins un agrume…
Les organisateurs avouent passer des nuits blanches. Un tel événement ne s'improvise pas et doit répondre aux exigences de son époque. Sécuritaires, environnementales aussi. La 51e intègre les écomanifestations. Elle investira aussi un nouveau circuit, dans un secteur dont le bouclage est plus aisé, sur un périmètre de 1800 m. Autre nouveauté, la numérotation des tribunes. 13.000 personnes seront assises, soit un quart du public. Il faudra aussi gérer le trafic automobile. Plus de 250 cars achemineront du monde et les formations musicales. La Fête des Jonquilles est animée par des groupes qui ont fait leurs preuves, de Creutzwald à Marseille.
Nous redescendons dans les ateliers, où un moment de convivialité coupe la séance de montage. Le trio royal est sur place. Au voisinage de chars toujours plus volumineux mais qui peuvent rapporter à leurs concepteurs. 180.000 € de prix seront distribués. Mais il faudra 50 bouquets au m2. La 51e Fête des Jonquilles du 4 au 6 avril. Un collier or pour la Perle des Vosges.