Le 52, rue de Sausheim, à Illzach devait connaître une animation inédite ce samedi 28 juin. Jacky Albisser ferme définitivement le salon familial "Arthur & Lisa". Tristesse pour la coiffure de maître, mais "célébration" pour le propriétaire qui ne va pas aspirer pour autant au repos du retraité.
Jacky a toujours communiqué, me confie-t-il, lui qui est venu vers la presse pour ce nouvel événement. Dommage de faire sa connaissance maintenant qu'il baisse le rideau, car c'est un personnage qu'il faut avoir rencontré dans l'agglomération mulhousienne. Sous ses airs de papy malicieux, voilà un entrepreneur infatigable, visionnaire, moderne et humaniste. Enraciné dans son quartier de Modenheim.
Lisa Kempf avait ouvert la saga familiale au cœur de Mulhouse en 1937. Rapidement elle s'installa à Illzach, coiffant dans sa maison. Dans les années 60, le salon prit ses quartiers définitifs rue de Sausheim, en face du parc, sur une artère. Lisa avait embarqué sa fille Danièle. Son petit-fils Jacky connaissait le shampooing tout enfant. Il ne pouvait pas échapper au métier. Plus tard, il allait chercher des francs suisses de l'autre côté de la frontière. Mais en 1979, il créa "Frimousse" et sa génération à Mulhouse. Un concept novateur, audacieux, coloré, bousculant les codes du salon traditionnel avec des coupes en rapport avec l'époque, des horaires incroyables, un décorum décoiffant. La clientèle vieille garde s'en détacha mais une autre naissait. Jacky fit le show aussi à la Foire de Mulhouse au risque de porter ombrage aux autres exposants de l'artisanat.
En 1985, il reprit l'affaire familiale d'Illzach qu'il allait rebaptiser "Arthur & Lisa", en hommage à ses grands-parents. Jacky est donc un communicant. De l'enseigne à la décoration intérieure, il sait faire. A l'époque, il avait même utilisé les voitures comme supports publicitaires. Il ouvrit ensuite "Frimousse" à Altkirch, dans les murs de mon premier coiffeur, le doux Raymond Grentzinger. Mais le maître coiffeur de Modenheim impliqué dans diverses organisations, comme la corporation sundgauvienne qu'il aura dissoute et les prud'hommes, a découvert un autre monde en ouvrant un salon à l'hôpital. Ici, point de futilité à affronter dans une clientèle d'abord patientèle à Emile-Muller. Il allait trouver un sens plus noble à son travail en redonnant des couleurs à des personnes en souffrance. Il se spécialisa alors dans les prothèses et corrections capillaires et l'importation de perruques et devint encore le coiffeur des seniors avec la marque Bleu Blanc Gris. Son activité perdure dans plusieurs maisons de retraite, du Haut-Rhin au Doubs. Soucieux du confort de ses têtes à coiffer, Jacky a réussi à coréaliser un fauteuil pour les personnes âgées, mais financièrement impossible à lancer à son niveau.
Juin 2025 marque la fin de la maison familiale de Modenheim, faute de repreneur. Jacky se dit triste de ne pas avoir trouvé la continuité et pointe un "métier en galère". Le volubile coiffeur me désigne un tabouret. C'est sur lui qu'il se hissa minot pour toucher les clients de ses ascendantes. Six décennies plus tard, Jacky envisageait de remonter dessus pour son discours d'adieu. Mais qu'on ne se fasse pas de cheveux pour lui qui manie moins le ciseau depuis longtemps mais reste très actif pour embellir et redonner confiance à ses contemporains.