13 septembre 2024

RELAIS EST : WITTENHEIM DONNE UNE SECONDE VIE AU TEXTILE







Vous connaissez les points d'apport du Relais Est, sur les parkings commerciaux ou le long des routes, que vous alimentez peut-être. Ils reçoivent vêtements propres et secs, chaussures liées par paires, linge de maison, petite maroquinerie, à déposer dans des sacs fermés.  Car derrière ces dépôts, des mains sont chargées de faire le tri. Et des citoyens peu scrupuleux, heureusement rares, confondent collecteurs solidaires et bennes à ordures ménagères. Parfois, on fait aussi d'étonnantes trouvailles comme cet alsatique de 1888 sur Mulhouse ou ce téléphone à touches  qui fera  le bonheur d'un collectionneur. 



C'est le moment d'entrer dans le monde méconnu du réemploi textile, à l'occasion des 30 ans du Relais Est. Nous sommes dans une zone d'activités de Wittenheim, sur un site d'un hectare et demi, dont 6.000 m2 de bâtiments. C'est en 1984 qu'a démarré le premier Relais, dans le Nord-Pas-de-Calais. Membres du mouvement Emmaüs, le fondateur, les établissements sont indépendants. Celui de l'agglomération mulhousienne est le seul à tout accomplir dans son territoire, l'Alsace. Entreprise à but socio-économique, le Relais Est est installé dans le Bassin potassique depuis 2001 après son lancement à Mulhouse.  Dix ans plus tard, il prenait le statut de coopérative. Ses salariés en sont les patrons. Ils sont aujourd'hui 200, dont 40% en insertion. 



En quittant les bureaux, nous considérons une surface regorgeant de vêtements. Au fond, des opératrices retiennent ou éliminent ce que les sacs plastiques révèlent. Une culotte usagée défile sur le tapis devant un jean de belle allure. Ce qui est traité ici a été récupéré dans les 1650 bornes réparties en Alsace et dans le Nord Franche-Comté. Plus de 7000 tonnes sont triées annuellement à Wittenheim. L'été a été particulièrement copieux, sans doute parce que les foyers font le ménage dans leur penderie… Si les pièces de fourrure n'ont plus d'avenir en France, les petites mains peuvent tomber sur d'autres  vêtements intéressants mais abîmés. Deux nouvelles blanchisseuses ont été acquises pour les raviver. Au besoin, une couturière fera le nécessaire, comme sur cet ensemble Louis Vuitton. Des créatrices sont sollicitées par ailleurs pour des effets à surcycler et  produire à partir d'échantillons.  Au Relais, nous croisons encore  le cordonnier. Il retape de belles chaussures et la maroquinerie dans son petit atelier. 





Au  Relais Est, 58% de la marchandise collectée est réemployée. Elle sera ventilée à l'export et  dans la douzaine de boutiques solidaires du réseau régional et pour ce qui s'apparente au vintage, cela finira sur les portants des boutiques dédiées à l'enseigne Le Léopard de Strasbourg et Mulhouse. Sans oublier la boutique en ligne (labelfripe.fr  et leleopard.fr). Sans ces friperies, le modèle économique de l'entreprise ne fonctionnerait pas. 



Et plus on réemploie, plus on crée de l'emploi, affirme le Relais, qui écoule par ailleurs 30% de la collecte en recyclage,  les chiffons et produits industriels. 10% iront dans la valorisation énergétique. 

Par les temps qui courent, le Relais Est fait une offre aux étudiants en boutique, une nouveauté bienvenue quand beaucoup ne parviennent pas à se vêtir.  Dans un monde qui change, le réemploi a de l'avenir. Question d'éthique, de budget. Ou simplement de petit plaisir.





4 septembre 2024

L'ORCHIDEE * (ALTKIRCH) UN PARADIS DE SAVEURS





Voilà trente ans je dînais dans le cadre rustique du Caveau du Tonneau d'Or tenu par Marie Imbert. Je me souviens de la poêlée de knepfla à la choucroute dans cette winstub du Sundgau. En décembre 2008 l'affaire était liquidée. Neuf ans plus tard naissait "L'Orchidée". La table qui allait bientôt emmener Altkirch au firmament Michelin. Une étoile sanctionne "une très bonne cuisine". La maison "vaut l'étape" pour le guide rouge. J'ai enfin eu le bonheur d'y faire le gourmet, à deux pas de chez moi seulement.

En 2017, "L'Orchidée" annonçait cinquante couverts avec une demi-douzaine de collaborateurs. En 2019, le restaurant décrochait le macaron. Aujourd'hui, il peut offrir son cadre cosy à une vingtaine de convives. J'avais découvert la transformation des lieux après le confinement. Désormais je vais pleinement savourer l'univers de la famille Klanklong. "L'Orchidée" est une référence au plus grand marché aux fleurs de Thaïlande, m'a rapporté Chatchai, le chef trentenaire formé dans les grandes cuisines, sans jamais se départir de ses racines. Il fait équipe avec son frère Kriangkai et leur mère Khaï, garante des saveurs du pays du sourire. La promesse est un voyage dans la cuisine gastronomique thaï renouvelée. 



Nous sommes cinq ce soir. Parfait pour la table ronde centrale, avec vue pour ce qui me concerne sur...le fast food de l'autre côté de la rue. Cette rue Gilardoni qui sépare deux mondes. La chaleur du bois massif me fait oublier la nappe blanche. La cuisine évolue, les arts de la table aussi. Les couverts, à droite de l'assiette, sont fins. Il nous est proposé de prendre le chemin au long cours, la formule à six plats sélectionnés par le chef, tandis que le sommelier, élégant dans son costume et dans le verbe, décantera théâtralement les qualités des nectars qu'il suggérera. Deux collègues l'assistent en salle, un serveur discret et une serveuse dont la gaieté illumine la table. Le restaurant est fréquenté ce soir par une clientèle de jeunes adultes essentiellement. 




Les assiettes défilent, le spectacle est à la hauteur de l'attente. Explosion de saveurs et de couleurs dès l'amuse-bouche en trilogie. Chatchai convoque les produits des terroirs qu'il mixe avec des parfums d'Asie comme le combava, la citronnelle, le basilic thaï, le tamarin et l'indispensable lait de coco du tom yam kung, plat national au royaume de Siam et signature à "L'Orchidée". La mer est proche, du crabe bleu en tempura au lieu jaune aux émulsions de moules. Tout est ciselé, raffiné et les inspecteurs du Michelin ont trouvé ce qu'ils cherchaient : le goût. En adéquation avec nos palais de farang.  Notre voyage entre la France et la Thaïlande, parmi les meilleures cuisines du monde, durera quatre heures. Il est des séjours dont on se souviendra toute la vie. Dommage de n'avoir pu le dire au chef.