27 avril 2018

NOCES DE COTON



Photo Jean-Paul Girard

L’été 2013. Le plus beau depuis longtemps sans doute. Le plus cruel aussi. Rungnapha t’a emmenée vers ma route, douce assembleuse de cœurs en peine. Tu allais probablement quitter la France ; j’ai accepté de te connaître avant cette échéance que tu ne souhaitais pas. C’est dans le vieux Colmar, curieusement à proximité de l’arbre à directions internationales près de la mairie, que nous nous sommes rencontrés. Tu étais marquée par l’épreuve d’un divorce que tu n’avais pas vu venir. Tu allais entrer dans une autre vie, la mienne. C’était le mois de juin, les eaux jaillissaient au Champ-de-Mars. Dans la plaine colmarienne où tu avais trouvé refuge, le maïs poussait. C’est au bord du Rhin que j’ai pris ta main. J’avais dix-sept ans de nouveau. J’étais amoureux. 
Mais l’administration ne connaît pas l’amour. En juillet, la République ordonna ton retour au royaume. Nous avions moins d’un mois pour organiser ce terrible départ. Il n’y avait pas d’échappatoire. Nous avons beaucoup pleuré cet été - là. Le 18 août, quelques heures avant ton envol, je te fis la promesse de t’épouser un jour. Le ciel pleurait aussi ce dimanche soir.  


Les mois ont passé. Tu as retrouvé tes proches dans le nord de la Thaïlande, avant de faire un nouveau voyage vers les paradis à touristes, pour gagner ta vie. Nous avons fait l’expérience des demandes de visa rejetées, mais moyennant arrangement et avec le concours de nos parlementaires, tu as pu revenir en juin 2014. Dix mois sans te serrer dans mes bras. Trois pour une visite dans ce pays que tu aimes peut-être plus que moi. Puis tu es repartie le 8 septembre, le jour de la nativité de Marie, celui qui marque la fin du séjour des hirondelles dans la mémoire collective.


Il m’aura fallu attendre l’automne 2015 pour me perdre de nouveau dans tes beaux cheveux noirs. Jamais je n’aurai été si enthousiaste à l’approche de la rentrée. Un trimestre supplémentaire de bonheur dans notre vie à deux en pointillés. Le privilège de fêter ensemble mes cinquante printemps. Et, satisfaisant à ta requête, je t’ai montré Paris, la ville-lumière qui enchante tes compatriotes. Quelques jours plus tard, je sanglotais dans l’aérogare de Zurich devant le sapin d’or quand tu disparus derrière les portes vers l’Asie. Troisième Noël sans toi.


2016 vint. L’année du grand périple. Nous décidâmes que cette fois, ce serait mon tour d’aller à ta rencontre. Comme un voyage de noces au Pays du Sourire. Dix jours dans un autre monde. Des trajets au long cours à travers cette Thaïlande que j’aimais sans la connaître. La plénitude au bord de la mer, les arômes de la rue, la moiteur de la chambre, ton village familial ou le farang est une curiosité, les regards rieurs des enfants. Et l’inévitable séparation à Suvarnabhumi. Avec cette récurrente angoisse de ne jamais plus te revoir…


2017. Les barrières tombant les unes après les autres, le printemps s’annonce sous d’heureux présages. Ton retour pour officialiser notre union devant Marianne. Moins de quatre ans après la promesse de Hirtzbach, nous sommes sur le point de nous marier, par je ne sais quel miracle tant tout paraissait compromis pendant ces quelques semaines qui t’avaient été accordées à cette fin. Une fois encore, des personnes ad hoc et bienveillantes ont aplani notre difficile route. J’ai obtenu que Jean-Luc Reitzer, mon maire depuis toujours, soit l’officier d’état civil pour ce mariage inhabituel. Dans peu de temps, l’élu devra rendre son écharpe municipale. La cérémonie, dans l’intimité d’une assistance minimale, est pleine d’émotion. L’hôtel de ville étant en travaux, nous sommes unis de plus dans la salle d’audience de l’ancien tribunal d’instance. La préfecture, la police aux frontières, la justice. Nous aurons connu tous les services de cet Etat qui sépare puis unit.
La lune de miel sera pour plus tard, car sitôt épouse Kury, tu dois rentrer pour revenir. Comprenne qui pourra. 


Août reviendra aussi. Mes vacances sont finies quand enfin tu apparais dans la file nocturne de l’EuroAirport. Il me revient cette soirée de 2013 où nous séparâmes. C’est dans cette même plateforme que tu m’es rendue pour un séjour d’un an au moins. 


28 avril 2018. Voilà un an que tu es mon épouse. Cinq années de bonheur malmené par des tracasseries administratives. Mais cinq années d’amour et de tendresse. Je rends grâce à Dieu de ta présence dans ma vie, toi qui es une bénédiction et qui ensoleille mes jours.

Heureuses noces de coton mon amour !



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