1 novembre 2016

TOUSSAINT ALTKIRCHOISE

Le ciel est lumineux, l'air printanier. Une douce paix. Des feuilles se détachent dans leur habit ocre. C'est la Toussaint. Depuis mon plus jeune âge, je me rends au cimetière d'Altkirch, ma ville de toujours.



14H30. Au pied de la grande croix face à la cité, quelques dizaines de fidèles se sont rassemblés pour la prière du jour. Des têtes familières, à l'emplacement habituel, comme si l'image était figée depuis des années. Au centre, l'ancien curé doyen Pierre Rapp, qui semble traverser les décennies sans prendre une ride. Même gestuelle, même expression du visage, voix intacte. Un don de Dieu. Le moment est à peine perturbé par le passage de visiteurs remuant les cailloux et, là-haut, un petit avion. Des voisins échangent des banalités.

Après ce temps de recueillement et de communion, commence la pérégrination mémorielle. D'abord les sépultures familiales. Papa repose parmi ses copains pêcheurs André et Seppi qui l'ont longuement précédé. Il partage depuis Noël 2014 la tombe de grand-père Paul, son mentor halieutique, rappelé il y a trente ans. Des insectes butinent encore.

Sur les hauteurs repose grand-mère Maria qui est allée rejoindre les siens en 1985. Les chrysanthèmes ensoleillent un peu plus la couche granitique.

Chemin faisant, les rencontres se succèdent. La Toussaint me donne l'occasion, une fois l'an, de revoir les Altkirchois, réputés discrets dans leur fief. Ainsi Marie-Antoinette que la neuvième décennie passée a diminuée, mais qui veut m'inviter à déjeuner pour papoter... Et Germaine, qui à peine plus vieille  déclare qu'à cet âge, une année supplémentaire enfonce un peu plus le clou... J'ai à ce moment une pensée pour mes amies nonagénaires comme elles qui se meurent contre leur gré à la maison de retraite. Et je souris en voyant la stèle du grand Charles, qui s'est bien amusé à tirer sa révérence à tout juste cent ans...

Dans les allées qui brûlent sous le soleil en août, maintenant que les conifères ont été coupés, les noms éclairent des visages dans ma mémoire. Parfois, les portraits facilitent le souvenir. Jean-André semble heureux, lui qui habillait les défunts pour le dernier voyage. Joël, qui serait quinqua comme moi, affiche le même regard malicieux depuis plus de vingt-cinq ans. Eugène, l'ami de mon père, sourit mêmement.
Une foule de gens plus ou moins chers qui ont croisé ma route ou fait un bout avec moi.
Des personnalités se signalent dans ce champ de repos. Par leur caveau, par leurs décorations. Mais devant l'Eternel, la valeur du cœur primera toute légion d'honneur de la République française.


Deux tours d'horloge plus tard, je m'en retourne. L'horticulteur range ses bruyères. Autrefois, ils étaient plusieurs plus un marchand de marrons.
La Toussaint ne remplit plus le cimetière. On a oublié de se souvenir.













1er novembre 2016

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