11 septembre 2018

UN MOTOCOIN A L'OTC DE MULHOUSE



Au commencement de l'avenue de Colmar à Mulhouse, à l'ombre de PJ (Porte Jeune), le guilleret accueil de l'office de tourisme et des congrès. Aux couleurs conte de fée se greffe aussi la bonne humeur des hôtes, dont Pierre Fraenkel, plasticien connu de la place et ambassadeur de Motoco ce matin. La résidence d'artistes de la friche DMC sera au complet d'ici à peu, avec 135 locataires, un nombre remarquable. Une partie d'entre eux participe à l'aventure by°motoco, nouvelle marque mulhousienne.

A Motoco, les artistes sont souvent coupés de la ville, le nez dans le guidon de leur travail. En adhérant à by°motoco, ils ouvrent leur production au public hors les murs. Et pas n'importe où, dans un OT, lieu de passage indispensable pour un touriste. Une cinquantaine de créateurs s'investissent dans le Corner by°motoco installé (sur roulettes) à la boutique de l'OTC de Mulhouse et sa région. Un présentoir assemblé et aménagé dans une caisse de moteur Mitsubishi de l'industriel de la Fonderie. Les motocopains maîtrisent le recyclage. Et leur caisson d'épicerie est plutôt réussi.

Que trouve-t-on ici ?  de l'édition, de l'imagerie, du textile, des bijoux, des objets en série limitée fabriqués à Mulhouse. Et aussi des motocobox, sur le principe des boîtes à expériences/découvertes. Là, c'est l'accès à l'univers de l'artiste et l'immersion dans la ruche. 
Pour les artistes, cette initiative leur ouvre la porte sur leur cité et la possibilité d'un complément de revenu. Ils sont dégagés en revanche des contraintes administratives, pour qu'ils se concentrent pleinement sur leur travail. 
De plus, ils feront le bonheur aussi de Mulhousiens amateurs de créations locales et décalées.



Le corner de l'OT n'est qu'un début. D'autres sont en gestation, comme celui de la micro-édition prévu à la librairie de la Maison Engelmann.
"Avec Motoco, il y a quelque chose qui pousse à Mulhouse" se réjouit Pierre Fraenkel. La graine finit plante avec le temps.

4 septembre 2018

KLAP DE FIN PLACE FRANKLIN




Mardi 04 septembre 10 heures. Je me présente devant le Klapperstei rue Engel Dollfus au rendez-vous fixé. La grille avec la tête du mal-disant tirant la langue est verrouillée comme je m'y attendais. Le Klap est fermé depuis samedi. Définitivement. 
Dans le caveau de la défunte institution mulhousienne, les époux Lamberti, deux de leurs salariés sur le carreau désormais et Claude, leur animateur des réseaux sociaux. 
Nous avons appris la sentence vendredi. Elle aura provoqué une onde de réactions, touchant au moins 200.000 personnes selon Claude. "Tous en parlent mais je suis le seul à savoir depuis le commencement" se désole Georges, le propriétaire de la brasserie-restaurant donnant sur la place Franklin. Cet homme aux cheveux blancs est fatigué, lui qui s'est probablement investi sans compter en entrepreneur responsable pendant des décennies. Il a accepté de me raconter l'histoire du Klap.



Dans les années 1980, Georges tenait le Snack 32 avenue de Colmar. Zum Klapperstei avait vu le jour en 1972. En 1988, le restaurant était en liquidation. Georges lui redonna vie l'année suivante, conquis par la typicité de l'endroit, un caveau sur une belle place de Mulhouse, au voisinage des artères commerçantes.
Cette table trouva son public et ses inconditionnels. Les clubs sportifs s'y réunissaient, des volleyeurs aux footballeurs en passant par les pongistes et les plongeurs. Le décor annonçait le menu. Huit fresques de Latuner s'inspirant de Gustave Doré. On était dans une salle conviviale, chaleureuse et festive et on allait sûrement bien manger. C'était la cuisine alsacienne traditionnelle. C'était aussi la bierstuwa. Dans les années fastes, le Klap tournait avec une dizaine de personnels. 

Le caveau a vu son destin lié à son locataire du dessus, le cinéma Vox. La salle familiale de 700 fauteuils a projeté son dernier film en 1992. Rachetée par la Ville en 1994, la friche commerciale allait faire l'objet de plusieurs projets. La mise en chantier du site aura failli coûter la vie au Klapperstei. Pilotée par la SERM, la réhabilitation de l'immeuble aura été un interminable cauchemar pour le restaurateur. Cinq ans de travaux aux nuisances multiples, se souvient Georges. Le bruit, un plafond percé, des détériorations, trois inondations, des gravats en cuisine, des dégagements olfactifs. "Ils nous ont mis à genoux" affirme Georges. On n'avait jamais vu ça. Reconverti en commerces et en logements, l'ancien cinéma n'allait toutefois pas laisser tranquille l'équipe du Klap. Car un autre chantier prit la relève au voisinage de l'établissement : la réfection de la place Franklin. Un an supplémentaire d'impact grave de l'exploitation et la perte de dizaines de places de stationnement. 

Entre-temps, les législations sur l'alcool et le tabac ont porté leurs coups aussi. En trente ans, la vente de bière a été divisée par quatre au caveau. En revanche, des personnes alcoolisées seraient le quotidien du quartier.
C'est avec les travaux de la SERM que les ennuis auraient commencé. Georges Lamberti a été appelé à mettre sa maison en conformité. Mais avec une perte d'exploitation chiffrée par lui à des centaines de milliers d'euros en une douzaine d'années, il n'a pu envisager un tel investissement. La dernière chance lui a été signifiée cet été. Pour cet entrepreneur de 73 ans, c'était la fois de trop. "Je ne vous supporte plus!" a-t-il asséné à ses interlocuteurs.
Il leur a signifié qu'il jetait l'éponge. Il aurait dû le faire à l'époque déjà, mais il aime trop son métier et ses clients.
La Ville a pris acte. En retour elle lui a notifié la fermeture administrative au 31 août.
C'était vendredi. Pour le dernier service, Zum Klapperstei a été bondé, avec l'apport des réseaux sociaux.
Georges n'a pas vu les édiles, lui qui partageait son environnement avec la maire quand elle tenait encore salon de coiffure. Du reste, il ne se fait guère d'illusions sur le devenir du quartier Franklin qu'il quitte.

Les mauvaises langues trouveront à redire sur le Klap. Ironie du sort pour ce restaurant en cave typiquement mulhousien, dont l'emblème est justement le klapperstei, la pierre de la honte accrochée au cou des colporteurs de balivernes et méchancetés.




#klapperstei