21 août 2017

LABOUR EST DANS LE PRE

Moernach sur la route de Ferrette, au cœur du Sundgau. Dans cette paisible campagne après deux mois d'été, le monde paysan de Haute Alsace s'est retrouvé le 20 août pour promouvoir le travail de la terre et distinguer ses talents. 



Les Jeunes Agriculteurs du Haut-Rhin ont créé  "Sillon d'énergie", une manifestation festive autour d'un concours de labour, la 64e finale départementale pour candidats de 16 à 35 ans et travaillant dans l'agriculture. Ce concours fut initié après la guerre par les Jeunes Agriculteurs déjà. Le labour étant une technique de travail du sol destinée à assouplir la terre et la préparer aux semis. Un bon labour se caractérise par "des sillons bien réguliers et droits, une raie propre et nette, un terrage et un déterrage soignés et un enfouissement parfait des résidus". 
Posés sur le pré comme une poitrine féminine, deux ballons verts à côté d'une exploitation laitière. Une unité de méthanisation et une activité traditionnelle. Des remorques vantant les biodéchets en guise d'arche de bienvenue. Pour faire le lien entre agriculture, production d'énergie, environnement et emploi. 




J'y ai rencontré Mathieu, double actif. Issu du monde agricole dans lequel il s'investit encore partiellement, car il ne pourrait plus en vivre à l'en croire. A 32 ans, cet agriculteur de Heiwiller pouvait encore disputer l'épreuve de labour. Sur un  Renault de 130 chevaux. 



C'était dans le Sundgau, avec des engins de générations différentes, les vieux tracteurs au rouge défraîchi rugissant derrière les mastodontes rutilants au repos.











Avec le soleil de face sur le champ à travailler, la présence encore de cow-boys de l'ouest départemental, la plaine qui se présentait à contre-jour prenait des allures de grand espace américain. A quelques kilomètres de la médiévale église de Feldbach, la terre de Moernach est toujours cultivée, mais j'y ai décelé un sillon d'énergie nouvelle.

 

18 août 2017

LE DERNIER JOUR DE JENY



Dimanche 18 août 2013



Le jour tant redouté est arrivé. J'aurais aimé qu'il n'existât pas. Mais la coupe s'est présentée. J'avais réglé le réveil sur sept heures pour allonger la journée. Il ferait encore relativement beau.
(...)
A 17 heures, nous étions à l'EuroAirport. Cette plateforme que je fréquente professionnellement depuis un quart de siècle, que je connais comme mon appartement, où maintenant je devais conduire la femme que la France m'enlève... Le ciel s'était ennuagé davantage.
17H30. Check-in réalisé au guichet 66, côté suisse. Ce n'est pas la foule dans l'aérogare, plutôt déserte secteur français. Sandra opère.
Le vol est programmé pour 19H55. Mais d'abord, en finir avec les formalités de l'Etat français. Trouver la police aux frontières. Depuis que le passage est libre entre les deux zones de départ, difficile de la rencontrer. A l'information côté helvétique, l'agent de comptoir  obtient qu'un fonctionnaire vienne à nous.
Un policier en civil, un touriste presque, en tenue de téléspectateur de match de foot, mais cool. L'intéressé n'en revient pas qu'on respecte les injonctions de la préfecture. Il n'a pas l'habitude. Il ira mettre le cachet de son service, mais Jeny devra être porteuse de ce document en débarquant à Vienne, porte de sortie de l'espace Schengen. Sinon, il pourrait lui en coûter et là encore être menacée de ne pas remettre les pieds chez nous...
18H15. Jeny a envie d'un chocolat chaud, que lui prépare un distributeur. Nous sommes quasiment seuls dans le hall, en face d'une employée d'Air France qui ne sait pas comment tuer le temps. Or il s'écoule.
18H30. Nous nous rapprochons de l'embarquement. Un tour rapide sur la terrasse via les sculptures de Tinguely et nous voilà près du contrôle. Des couples. Des embrassades. Une fille larmoie contre son chéri.  La bouche de Jeny est triste. Mes lèvres épuisées. Quelques baisers. Nous nous renouvelons les promesses. “Pom rak chun” lui dis-je encore. Sa main est chaude.
18H46. Jeny a essuyé ses yeux et s'engouffre dans le dédale. Le premier contôleur est tout sourire. Puis elle disparaît. Je ne la revois plus.
Je retiens ma peine. Mes pas sont lourds, incertains, ma pensée obscurcie, je quitte l'aérogare. Lentement. A la caisse, une vacancière pousse un cri: elle doit s'acquitter de 60€ de stationnement...
Les cieux se sont obscurcis.
J'avais promis à Jeny d'assister à son décollage. Je me dirige vers le belvédère de Blotzheim où beaucoup passent outre l'interdiction de circuler en voiture. Nous sommes une vingtaine, des pique-niqueurs, des proches de passagers comme moi, des connaisseurs de l'aéronautiaue, comme … Paulo, qui à ma surprise, est venu pour le 777 cargo coréen (et pour mon amour).
easyJet distille ses vols et met de l'orange dans le gris foncé. Des gouttes tombent.
20H. Le bimoteur à hélices d'Austrian s'avance. Il glisse dans le sens opposé. Il m'envole ma Jeny.
La pluie tombe.

19 août 2013