3 novembre 2016

L'HONNEUR DE FERRETTE A LA FRANCE FRATERNELLE

 Visite préfectorale au centre d'accueil du Haut Sundgau quelques jours après l'arrivée d'ex-Calaisiens.
 

Depuis le début de l'année, la petite ville de Ferrette et ses quelques centaines d'habitants hébergent sur une friche militaire des hôtes qui ont parcouru des milliers de kilomètres à leurs risques et périls.
Au pire des conditions hivernales, le Jura alsacien avait vu débarquer en tenue légère ses premiers migrants. Récemment, la caserne désaffectée Moreigne a reçu des ex-occupants de la "Jungle" de Calais.


Ce 3 novembre, la responsable du site géré par l'Adoma annonce 43 inscrits. La population accueillie varie au gré des arrivées et des départs. Une famille de 8 personnes vient de partir à Mulhouse. La capacité d'hébergement est de 80 places.
Laurent Touvet, le nouveau préfet du Haut-Rhin, a fait le déplacement à l'extrémité sud de son département, pour "manifester son soutien à toutes les personnes qui œuvrent à la tradition d'accueil de la France", élus, bénévoles, travailleurs sociaux... Toutes ces bonnes volontés facilitant les démarches de ces éloignés dans leur demande d'asile.
Chaque histoire personnelle sera étudiée, explique le représentant du gouvernement français à une poignée de migrants heureux qu'un haut fonctionnaire vienne à eux. Le préfet est accompagné de la sous-préfète d'arrondissement et du maire François Cohendet notamment. Un traducteur -interprète franco-syrien n'est pas de trop pour échanger avec des Soudanais pris dans le Calaisis et ne parlant pas encore le français. Voilà le b.a.-ba des nouveaux Ferrettiens. Apprendre sans délai la langue du pays d'accueil, condition sine qua non d'une vie durable en France. Le préfet, sur un ton chaleureux, explique tout cela dans ses échanges avec ces hommes et ces femmes sagement assis.
- Êtes-vous heureux ici ? demande Laurent Touvet. Oui, semble-t-il. Les exilés qui ont fui la guerre ou les persécutions ont trouvé dans ce coin de petite montagne un toit et un habitat chauffé, mais surtout la paix et l'écoute. A Calais, ils partageaient une tente à 4 et devaient rester groupés pour se rassurer.
Un des migrants a la casquette vissée à l'envers. Il travaillait le bois en Afghanistan. "Des menuiseries embauchent", tente le maire. Un compatriote était urgentiste.
Évidemment, la France ne peut accueillir tous les déplacés, rappelle le préfet. Mais quelques dizaines de personnes dans un département de quelque 800.000 habitants sera supportable.
Aux Français méfiants et hostiles, on opposera qu'il y a toujours plus malheureux qu'eux.
A présent, on demande à ces hôtes qui ont été sacrément courageux jusqu'alors et qui ont pris des coups en Italie de mettre leur énergie nouvelle dans leur intégration.

La visite du préfet aura duré une heure environ. Laurent Touvet a félicité la Ville de Ferrette et son maire d'avoir répondu à l'appel de l'Etat. Ils honorent la France dans ses valeurs universelles.
Il repart avec l'image de visages sereins et souriants.






Sourire à la vie quand on a tout laissé derrière soi.

1 novembre 2016

TOUSSAINT ALTKIRCHOISE

Le ciel est lumineux, l'air printanier. Une douce paix. Des feuilles se détachent dans leur habit ocre. C'est la Toussaint. Depuis mon plus jeune âge, je me rends au cimetière d'Altkirch, ma ville de toujours.



14H30. Au pied de la grande croix face à la cité, quelques dizaines de fidèles se sont rassemblés pour la prière du jour. Des têtes familières, à l'emplacement habituel, comme si l'image était figée depuis des années. Au centre, l'ancien curé doyen Pierre Rapp, qui semble traverser les décennies sans prendre une ride. Même gestuelle, même expression du visage, voix intacte. Un don de Dieu. Le moment est à peine perturbé par le passage de visiteurs remuant les cailloux et, là-haut, un petit avion. Des voisins échangent des banalités.

Après ce temps de recueillement et de communion, commence la pérégrination mémorielle. D'abord les sépultures familiales. Papa repose parmi ses copains pêcheurs André et Seppi qui l'ont longuement précédé. Il partage depuis Noël 2014 la tombe de grand-père Paul, son mentor halieutique, rappelé il y a trente ans. Des insectes butinent encore.

Sur les hauteurs repose grand-mère Maria qui est allée rejoindre les siens en 1985. Les chrysanthèmes ensoleillent un peu plus la couche granitique.

Chemin faisant, les rencontres se succèdent. La Toussaint me donne l'occasion, une fois l'an, de revoir les Altkirchois, réputés discrets dans leur fief. Ainsi Marie-Antoinette que la neuvième décennie passée a diminuée, mais qui veut m'inviter à déjeuner pour papoter... Et Germaine, qui à peine plus vieille  déclare qu'à cet âge, une année supplémentaire enfonce un peu plus le clou... J'ai à ce moment une pensée pour mes amies nonagénaires comme elles qui se meurent contre leur gré à la maison de retraite. Et je souris en voyant la stèle du grand Charles, qui s'est bien amusé à tirer sa révérence à tout juste cent ans...

Dans les allées qui brûlent sous le soleil en août, maintenant que les conifères ont été coupés, les noms éclairent des visages dans ma mémoire. Parfois, les portraits facilitent le souvenir. Jean-André semble heureux, lui qui habillait les défunts pour le dernier voyage. Joël, qui serait quinqua comme moi, affiche le même regard malicieux depuis plus de vingt-cinq ans. Eugène, l'ami de mon père, sourit mêmement.
Une foule de gens plus ou moins chers qui ont croisé ma route ou fait un bout avec moi.
Des personnalités se signalent dans ce champ de repos. Par leur caveau, par leurs décorations. Mais devant l'Eternel, la valeur du cœur primera toute légion d'honneur de la République française.


Deux tours d'horloge plus tard, je m'en retourne. L'horticulteur range ses bruyères. Autrefois, ils étaient plusieurs plus un marchand de marrons.
La Toussaint ne remplit plus le cimetière. On a oublié de se souvenir.













1er novembre 2016