Vous connaissez les points d'apport du Relais Est, sur les parkings commerciaux ou le long des routes, que vous alimentez peut-être. Ils reçoivent vêtements propres et secs, chaussures liées par paires, linge de maison, petite maroquinerie, à déposer dans des sacs fermés. Car derrière ces dépôts, des mains sont chargées de faire le tri. Et des citoyens peu scrupuleux, heureusement rares, confondent collecteurs solidaires et bennes à ordures ménagères. Parfois, on fait aussi d'étonnantes trouvailles comme cet alsatique de 1888 sur Mulhouse ou ce téléphone à touches qui fera le bonheur d'un collectionneur.
C'est le moment d'entrer dans le monde méconnu du réemploi textile, à l'occasion des 30 ans du Relais Est. Nous sommes dans une zone d'activités de Wittenheim, sur un site d'un hectare et demi, dont 6.000 m2 de bâtiments. C'est en 1984 qu'a démarré le premier Relais, dans le Nord-Pas-de-Calais. Membres du mouvement Emmaüs, le fondateur, les établissements sont indépendants. Celui de l'agglomération mulhousienne est le seul à tout accomplir dans son territoire, l'Alsace. Entreprise à but socio-économique, le Relais Est est installé dans le Bassin potassique depuis 2001 après son lancement à Mulhouse. Dix ans plus tard, il prenait le statut de coopérative. Ses salariés en sont les patrons. Ils sont aujourd'hui 200, dont 40% en insertion.
En quittant les bureaux, nous considérons une surface regorgeant de vêtements. Au fond, des opératrices retiennent ou éliminent ce que les sacs plastiques révèlent. Une culotte usagée défile sur le tapis devant un jean de belle allure. Ce qui est traité ici a été récupéré dans les 1650 bornes réparties en Alsace et dans le Nord Franche-Comté. Plus de 7000 tonnes sont triées annuellement à Wittenheim. L'été a été particulièrement copieux, sans doute parce que les foyers font le ménage dans leur penderie… Si les pièces de fourrure n'ont plus d'avenir en France, les petites mains peuvent tomber sur d'autres vêtements intéressants mais abîmés. Deux nouvelles blanchisseuses ont été acquises pour les raviver. Au besoin, une couturière fera le nécessaire, comme sur cet ensemble Louis Vuitton. Des créatrices sont sollicitées par ailleurs pour des effets à surcycler et produire à partir d'échantillons. Au Relais, nous croisons encore le cordonnier. Il retape de belles chaussures et la maroquinerie dans son petit atelier.
Au Relais Est, 58% de la marchandise collectée est réemployée. Elle sera ventilée à l'export et dans la douzaine de boutiques solidaires du réseau régional et pour ce qui s'apparente au vintage, cela finira sur les portants des boutiques dédiées à l'enseigne Le Léopard de Strasbourg et Mulhouse. Sans oublier la boutique en ligne (labelfripe.fr et leleopard.fr). Sans ces friperies, le modèle économique de l'entreprise ne fonctionnerait pas.
Et plus on réemploie, plus on crée de l'emploi, affirme le Relais, qui écoule par ailleurs 30% de la collecte en recyclage, les chiffons et produits industriels. 10% iront dans la valorisation énergétique.
Par les temps qui courent, le Relais Est fait une offre aux étudiants en boutique, une nouveauté bienvenue quand beaucoup ne parviennent pas à se vêtir. Dans un monde qui change, le réemploi a de l'avenir. Question d'éthique, de budget. Ou simplement de petit plaisir.