16 novembre 2018

TWIL, L'APPLI DU VIN QU'ON AIME






Eguisheim le jour de mon anniversaire. Rue du Riesling, ça ne s'invente pas dans un village viticole. Le domaine Albert Hertz reçoit la presse autour de son nouveau partenaire économique TWIL. Le soleil caresse les ors des vignes qui entourent la vieille bâtisse.
Maison familiale fondée il y a 175 ans, Albert Hertz exploite une dizaine d'hectares en bordure des remparts de la cité de saint Léon IX, le pape alsacien. C'est le pays des Eguisheim, Eichberg, Pfersigberg et Zinnkoepflé. Le domaine est entré dans la viticulture authentique et durable dans les années 1980. Il produit des vins sans intrants ni sulfites, secs, minéraux et goûteux. 
Avant de confier les rênes de l'entreprise au jeune Frédéric, le vigneron biodynamique certifié s'est aussi positionné sur le commerce moderne. En 2016, la maison Hertz a croisé la route d'un nouveau-né  aux salons de Paris puis de Düsseldorf, TWIL. Acronyme de "The Wine I love", cette jeune pousse de la Wine Tech française est une chance pour le petit producteur de Colmar Agglomération.
Créateur de TWIL, Erwann de Barry a lui aussi un pied dans le vignoble, dans le sud. Sa start-up se propose d'ouvrir les petits domaines au commerce en ligne, à travers une application éponyme.




Pour "twiler", on prend son smartphone après avoir installé l'appli et on photographie l'étiquette d'une bouteille de vin. Si le cru est référencé, le contact s'établit avec son producteur. Derrière chaque vigneron se profile une histoire. TWIL vous la raconte et vous donne l'occasion de passer commande auprès de l'intéressé. Hertz a intégré une communauté d'environ 2000 entreprises utilisant le service.
TWIL intéresse particulièrement  les 25 - 45 ans, friands d'achats en ligne et chasseurs de découvertes. A Frédéric de leur donner envie de rester.




13 novembre 2018

BELFORT - MULHOUSE



C'est un soir comme un autre. Je fends le centre-ville pour gagner la gare.  J'ai moins de dix minutes mais une trottinette qui m'a souvent évité de me retrouver en rade sur le quai. Depuis vingt-cinq ans je suis un travailleur pendulaire sur cette ligne Mulhouse - Belfort.
A l'époque la Région Alsace venait d'être autorité organisatrice des transports voyageurs sur son territoire et les enclaves de l'entité SNCF relevant de Strasbourg. L'étoile bleue à la pointe jaune a fait place depuis à un grand machin sur la signalétique des rames.  


Les années 90 donc. Papa avait encore la décennie à finir avant de souffler. Il prenait le même train que moi pour se rendre au travail à Mulhouse. Mais nous n'arrivions pas en même temps à la gare assoupie et encore habitée. Nous nous retrouvions en salle d'attente, dont le silence pouvait être brisé par le cheminot annonçant l'arrivée du premier omnibus. Walheim, Tagolsheim, Illfurth, Zillisheim, Flaxlanden, Hasenrain, terminus Mulhouse. 16 kilomètres ferroviaires parcourus en une vingtaine de minutes. C'était le temps des rames inox, trains de banlieue parisienne réaffectés en province. Un intérieur crème strié brillant, des banquettes orange, des vitres à manivelle, une chaleur enveloppante l'hiver, des rideaux secoués l'été. Une odeur de salle de classe. Et la paix. Quand la rame était à l'arrêt, on n'entendait que le grésillement de l'éclairage. Pas un bruit. Il est vrai que nous n'étions pas nombreux et que nous mettions ce court voyage à profit pour finir notre nuit de sommeil. A l'exception de papa, toujours en mouvement. A Illfurth, il saluait un ancien camarade de rail, Franz, qui dans sa retraite continuait de se lever tôt et rendait le salut depuis son jardin. Un contrôleur venait nous faire la conversation. C'était le temps de cet ouvrier frontalier bougon en semaine mais toujours de bonne humeur le vendredi et de l'employé de banque fantasque et copain du whisky.

Depuis 18 ans,  je vais seul à Mulhouse. Papa a fait valoir ses droits à la retraite avant le millénaire, il n'a plus remis les pieds dans l'établissement dont il avait la charge. Le banquier s'est retiré aussi. 
Tous deux ont quitté le monde définitivement ces dernières années. Quant au travailleur frontalier, il a dû se refaire professionnellement dans son Alsace.
Mon amplitude horaire a été étendue. De fait, je ne prends plus le premier train mais le car TER de 05H10. Un véhicule gris qui emmène une dizaine de voyageurs en moyenne, des actifs en route pour embaucher. Chacun retrouve systématiquement sa place, quasiment au fond pour moi. Derrière le conducteur pour la seule dame.

Le soir quand je rentre, me voilà dans un Bombardier. Un autorail grande capacité dont le confort n'a rien à envier à une deuxième classe de TGV. Au temps de papa, on reprenait la rame inox, parfois une  voiture à l'équipement sommaire ; on aurait disposé des bancs, cela n'aurait rien changé. J'aimais m'asseoir en queue de train. Je ne ressentirai plus la caisse sautillant sur les bogies...
Je n'entends plus les abonnés qui se racontaient leur journée de travail. Beaucoup ont disparu de la circulation, comme les agents de contrôle. Fini le contrôleur souriant. Quand il en vient, une à deux fois par mois aujourd'hui, ils forment un binôme de répression. On ne justifie aucune situation irrégulière, on paie. Moins de contrôles, ce sont plus de fraudes. Plus d'incivilités. D'où la présence aléatoire de la police ferroviaire. De gros bras en treillis bleu.
Le train du soir est à l'image du métro, un convoi de solitaires individualistes rivés à leur mobile, oreilles bouchées, regard absent, mains entravées par leur bidule. Personne ne parle.
Ce soir, j'ai laissé mon téléphone dans mon sac et j'ai fermé les yeux en pensant à papa. Je n'ai pas entendu le train glisser sur les rails. A Illfurth, la maison de Franz est en vente.