12 août 2021

TCHAO DROUOT



C'est une belle journée d'été, mais les cris d'enfants se sont éteints. 
Aucun adolescent ne tape le ballon sur le terrain de foot. Les volets sont fermés, les fenêtres murées ou condamnées par des plaques métalliques. Le Nouveau Drouot est exsangue. Amputé, défiguré. 
A l'entrée de Mulhouse, il avait été érigé pour les familles ouvrières dans les années 50. Voilà bientôt 3 ans, sa population apprenait la sentence. Il sera démoli. En 2014, il fut retenu parmi 200 quartiers prioritaires de la ville (QPV) et devait bénéficier à ce titre du nouveau programme de renouvellement urbain (NPRU). Il fallait alors choisir entre détruire et réhabiliter. Un peu moins de 300 familles habitaient le Nouveau Drouot. Désormais elles sont encore quelques unes comme en témoignent le linge au balcon et les voitures en stationnement. Il faut partir, car les pelles ont déjà emporté deux barres rue de la Navigation. 





Pas un chat. Aucune présence visible dans cette cité devenue hostile avec ses graffiti "anti-tout" pour citer un Mulhousien croisé en dehors du périmètre. Une affiche déchirée signale une "exploration ornitho-urbanistique" autour des nids. 

Même les oiseaux semblent avoir cherché un autre cocon. Même le panneau indiquant le programme de démolition a été partiellement brûlé. Les tentatives artistiques pour égayer les derniers jours n'ont pas été épargnées non plus.
Pourtant, là-bas, un fourgon se met en route. Et au milieu de ce no man's land deux agents de la régie de quartier s'affairent. La place est presque nette sous les slogans haineux tracés sur les murs. 











A proximité du quartier, un vieux monsieur tempête contre la déchéance de ce coin de Mulhouse. Demain, le Nouveau Drouot sera de l'histoire ancienne.






11 août 2021

UNE NUIT AU FIRMAMENT D'OLIVIER NASTI

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Il est des séjours qu'on n'oublie pas. Après une semaine de travail en partie dans la fièvre du Tour Alsace, l'heure arrive de la déconnexion. Dimanche soir de juillet, arrivée au "Chambard", la maison multi-étoilée d'Olivier Nasti. Le parking de l'hôtel est complet, mais Patricia se fait un devoir de me libérer sa place. Derrière la baie vitrée, la brigade est aux ordres du MOF que je retrouve enfin dans un contexte festif, lui qui m'avait confessé pour la radio ses émotions et ses espoirs au plus fort de la Covid an I. Ce soir, nous dînons à La Table d'Olivier Nasti.




20H30. On nous installe dans les fauteuils circulaires de la salle à manger aux tons chaleureux et apaisants. Poutres apparentes et vieilles pierres. Eclairage feutré sur les tables rondes immaculées. Nos flûtes ressemblent à un couple d'artistes en scène. 



Auparavant nous nous sommes libérés de l'accessoire de distanciation à l'élégant porte-masques qui nous est réservé. Essentiellement des couples ce soir.


Comme Olivier Nasti, j'ai l'habitude de dresser la table à l'approche des plats. La sobriété pour sublimer l'assiette, dont le contenu fait spectacle. Le pain attendra aussi son heure. Je ne souhaite pas en savoir plus sur le voyage, pour me laisser surprendre. Le chef nous a préparé un mix de ses menus L'Histoire et L'Expression. Il commence par les bouchées de cette Alsace qu'il veut "contemporaine et savoureuse" à prendre dans un ordre défini. La chapelure verte du cromesquis d'escargot et la tarte flambée (flammée ?)  revisitée inaugurent avec panache le récital culinaire. Olivier a choisi les nectars idoines dont ce riesling 2011 de la Mosel. 








Les plats s'enchaînent pour le plaisir des yeux et du palais. L'anguille "au vert" légèrement fumée et laquée aux agrumes ; le foie gras d'oie d'Alsace en neige, crème de berawecka et tomme des montagnes ; l'œuf onctueux au fil de la saison et livèche, le céleri perpétuel ; la féra du Léman pêchée par Eric Jacquier au carvi des prés...Avant la viande. A ce moment apparaît le pain-kougelhopf posé sur un moule plein destiné à la spécialité alsacienne et en complément, trois beurres.


C'est la découverte du shabu-shabu, variante japonaise de la fondue chinoise, le bouillon cuisant ici du chevreuil d'été. La voie est ouverte à la noisette de chevreuil encore, bourgeons de sapin et airelles sauvages, kasknepfle comme nos grands-mères. Un couteau de chasse est disposé pour couper le morceau. On se souvient qu'Olivier est un chef cynégétique.






Le festival s'achève sur fromages et desserts. Divine crème glacée au miel des ruches du Chambard et crispy caramel ! L'œuvre de Gasco Jordan est de ces créations dont on se souvient toute sa vie...





Trois heures auront passé tandis que la salle se vide et que je considère la lampe à huile et la tenue de service du personnel féminin, inspirée d'une robe de la maîtresse de maison. La nuit est belle à Kaysersberg, dans cette maison où l'écriture culinaire d'Olivier est constellée, qu'importe le nombre de macarons du guide rouge, dont la réception étale un siècle d'éditions. Olivier Nasti appartient aux meilleurs du meilleur. KB aux grandes tables du monde.




  


 

Hôtel Spa Le Chambard*****

La Table d'Olivier Nasti**

La Winstub 

www.lechambard.fr