3 décembre 2020

ECOMUSEE D'HIVER COVID

 



Pour les Fêtes, l'Ecomusée d'Alsace nous avait habitués à finir l'année comme il fait défiler le temps au rythme des saisons et fidèle aux traditions de nos aïeux. Nous nous passerons des marchés de Noël en ville et renouerons avec ce que nous connaissions il y a plus de trente ans, la surenchère d'illuminations en plus. 

A l'Ecomusée, je me souviens des guirlandes monocolores comme il en existait dans nos communes. Mais le village-musée d'Ungersheim ne fêtera pas Noël cette année. Il serait resté dans son habit d'automne, n'étaient deux sapins dont un décoré devant la boutique du potier. C'est par un après-midi gris de décembre que je me présente au portail des Loges. 




J'ai rendez-vous avec Debby, l'accorte chargée de communication du musée vivant. Je voulais m'imprégner de l'atmosphère d'un haut lieu touristique fermé. Nous passerons une petite heure ensemble, dans ce village terriblement silencieux, quand habituellement les touristes flânent sur les places et dans les rues. Pas âme qui vive apparemment. Si, le bureau du directeur est occupé. Mais nous ne croiserons personne, à l'exception du charpentier à l'écart, taillant un morceau de bois à l'aide d'outils anciens. Un parc de jeux est en cours d'aménagement. Les vaches vosgiennes nous considèrent à proximité.



Plus loin, une voiture stationne. Une autre encore. Le village n'est pas tout à fait vide. Les bénévoles sont privés de leur environnement, les salariés en activité partielle. Mais l'Ecomusée vit. Au reconfinement, le cheptel porcin s'est de nouveau enrichi d'une huitaine de têtes. Les moutons bêlent, les paons font quelques pas, le bouc se surpasse pour se faire désirer de la femelle. Les animaux sont nourris par les agriculteurs du site. 




Bien avant la période de restrictions en vigueur depuis la fin d'octobre, l'Ecomusée avait renoncé à sa saison hivernale. Bonne pioche. Le village, qui a depuis peu ses panneaux d'entrée et de sortie d'agglomération, aura été fréquenté quatre mois seulement cette année. 

En l'arpentant cet après-midi de décembre, je me dis que les vieilles pierres et les vénérables colombages se sont assoupis pour un long hiver, comme ceux de nos grands-parents.




 




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24 novembre 2020

NOUS N'IRONS PLUS A LA STE-CATHERINE

 


« Weder a Kàthrina umma », encore une Ste-Catherine de passée, disaient mes grands-parents. Elle n’existe plus, notre Ste-Catherine. Bien sûr, la Ville d’Altkirch me répondra qu’elle est reportée en raison de la Covid-19. Mais depuis quelques années déjà, elle n’était plus pour ce qui me concerne. Après les attentats de 2015, la plus grande manifestation commerciale de l’année dans ma ville a été davantage sécurisée, avec des véhicules positionnés aux entrées, le contrôle des visiteurs (et des passants), un accès élargi aux secours et moins, beaucoup moins d’exposants. Je suis altkirchois depuis toujours, je suis bien placé, géographiquement aussi, pour raconter ce que j’avais qualifié de « Fête nationale » locale, voire sundgauvienne.



La foire Ste-Catherine a plus de cinq cents ans. Quand j’étais enfant, je l’attendais avec impatience. Je me sentais rassuré dans ma chambre la veille, m’endormant avec le bruit extérieur. Les premiers marchands prenaient place dans le froid automnal. Les machines agricoles avaient été installées place Jourdain. Dans mon quartier, les concessionnaires avaient aligné leurs voitures. Je récupérais les documents ensuite, car à mon âge, les garçons s’intéressaient à l’automobile. Nous savions les marques et les modèles.
Il faisait encore nuit le jour venu quand les agents municipaux dirigeaient les exposants.
Altkirch s’éveillait. Je n’ai pas souvenir d’un temps exécrable pour cette manifestation déplaçant la foule dans la haute ville. Je me suis souvent demandé
d’ailleurs comment les pompiers seraient intervenus en cas d’événement majeur. 



La Ste-Catherine, c’était le jour des retrouvailles. Le monde paysan sud-alsacien parmi les citadins ruraux. Autrefois, les bestiaux étaient de sortie aussi, comme le rappelle la fresque humoristique derrière la sous-préfecture. Les agriculteurs avaient enfin un temps pour souffler, échanger autour de leur année, envisager un investissement autour d’un vin chaud.

Au fil des décennies, les tracteurs sont devenus des mastodontes du labour. En ville, on montre aujourd’hui son SUV, ici on pose devant les machines XXL. La foire, c’était un carrefour d’affaires hétéroclite, du camelot au confiseur, du technicien de chambre d’agriculture au syndicaliste, du vendeur de pull à la mode à l’association investie dans la restauration rapide.


C’était, au détour d’une rue, le sourire d’une fille perdue de vue comme la salutation quelconque d’une connaissance. Ma grand-mère, puis mon grand-père, plus récemment mon père étaient dans leurs derniers jours quand revenait la Ste-Catherine. Papa y avait nourri des milliers de convives à la halle au blé. A la maison aussi, il est de tradition de partager la soupe de lentilles à la saucisse de Montbéliard. On allait faire son marché le matin, on rentrait déjeuner, on refaisait le tour.



Quand le jour s’éteignait s’allumaient les guirlandes des stands. Il nous est arrivé de fournir l’électricité à un commerçant ambulant. Le soir, nous savourions les mannala et les têtes de choco (la dénomination du XXIe siècle), heureux et fatigués de cette longue journée de navigation
à vue dans une mer humaine.





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