18 mars 2020

LA DERNIÈRE PAGE DE BERNARD FISCHBACH



Bernard à La Brigantine en 2005


Quand tu venais me rendre visite à la radio, tu connaissais le chemin, passant le filtre de l'accueil. Un pas décidé, la poignée de main ferme, un sourire complice. Bernard Fischbach. Je ne t'avais pas revu ces dernières années, toi qui étais entré régulièrement dans ma vie journalistique. 

Mulhouse est mon territoire professionnel depuis la fin des années 1980. C'est à ce moment-là que nous avions fait connaissance. Toi le grand reporter des DNA, moi le débutant promu à Radio Star. Dès lors, je t'ai toujours connu ainsi. Un air de Jacques Lanzmann comme toi écrivain, les cheveux gris un brin rebelles et cette moustache de gaulois. Surtout cet œil vif, clair, inquisiteur et malicieux à la fois. Et l'indispensable foulard noué autour du cou. Je ne t'ai pas connu avec la cravate. Ça n'aurait pas collé. La ponctualité était ton obsession. Toujours rivé sur ta montre, tu ne supportais pas d'attendre. La patience est pourtant nécessaire dans notre métier. Tu étais pressé. Bien plus tard, dans ta retraite de localier, tu fonçais toujours comme si le monde devait s'arrêter demain. Quand tu surgissais à la rédaction, tu ouvrais ta serviette pour en sortir ton dernier livre souvent dédicacé par avance. Si les gens ont oublié B.F., les libraires et les lecteurs d'alsatiques se souviennent de Bernard Fischbach.

Je peux confesser ici que tu es l'auteur que j'ai le plus lu. C'est que tu étais prolifique. Sitôt un livre publié, sitôt un autre en route. Passionné d'Histoire et d'histoires criminelles, tu auras apporté de précieux éclairages sur des faits et des hommes qui nous sont liés. Avec Oradour, l'extermination tu as expliqué cette terrible page qui des décennies durant a terni les relations entre l'Alsace et le Limousin. Tu as évoqué encore le RAD, malgré eux, dont les livres d'histoire ne parlent pas. Avec Les révoltés d'Ottendorf, c'était le roman historique illustré par un autre Bernard, Latuner. Mulhouse t'a inspiré. Tu nous as ouvert à Mulhouse d'antan, Au temps du tram et du trolley à Mulhouse (avec Jacques Kirchmeyer), Mulhouse d'hier à aujourd'hui (avec Micheline Lang-Reitz)...Avec Waldteufel, autre musique. Un beau livre – CD dédié au Strauss français, de Strasbourg.

Je t'aurais imaginé inspecteur de police. Tu as baigné dans le polar. Banc public, Merlin l'exécuteur, Monsieur Crime Parfait, Jetza...Je dévorais tes intrigues bien ficelées dans lesquelles tu convoquais les animaux. Tu as parfois écrit à quatre mains, mais je m'étais habitué à ta plume et à tes personnages féminins. Tu as collaboré avec plusieurs maisons, dont Le Bastberg, qui t'avais confié la collection des Polars régionaux. Avec Le passe-muraille du Mont Ste-Odile, tu perçais cette incroyable et médiatique affaire de vols de livres précieux au sanctuaire.

J'ai eu le plaisir de t'accueillir à ma table. Je me souviens d'un déjeuner animé au cours duquel je t'avais proposé la compagnie de vieilles amies qui t'avaient irrité en se souvenant du maréchal Pétain. J'ai eu le bonheur de partager un dîner chez toi, où contre toute attente je retrouvais un officier de ma préparation militaire...
En fermant le bouquin, tu es allé rejoindre ton vieux collègue Daniel Walther parti deux ans avant toi. Quand je passe à Brunstatt, je lorgne souvent sur la colline où tu avais élu domicile. Quand j'y repasserai, je le ferai derechef, un de tes mots – signatures.
Adieu Bernard.



Bernard Fischbach s'est éteint le 17 mars 2020 à 81 ans.

26 février 2020

LA MAHLSUPPA EN ATTENDANT LA FASNACHT




Topinambours, panais, crosnes, rutabagas...Les légumes anciens reviennent avec leurs saveurs particulières. Je me suis dit que comme le vintage était moderne, pourquoi ne pas fouiller dans ma mémoire pour puiser une recette de grand-mère Maria...
Ça faisait longtemps que je n'avais pas eu de mahlsuppa, la soupe à la farine rôtie. Il est vrai que mamama s'en est allée il y a plus de trente ans, emportant avec elle ses plats inoubliables. Mais nous avons tous eu ou avons encore une mamie cuisinant comme un chef.

La mahlsuppa de mon aïeule était couleur marron. Ce soir, après une longue préparation mentale, je me suis décidé à en faire une à mon tour, la première de ma vie culinaire. Elle ouvrira une longue série j'espère, tant les variantes sont nombreuses.
Carnaval approchant à grands pas, je me suis intéressé à la version bâloise. Car la Basler Mählsuppe se sert pendant la Fasnacht, les trois plus beaux jours des Bâlois, bien qu'elle se consomme toute l'année. Pourtant, si les Romains la préparaient déjà, on disait jadis que la soupe de farine était un plat de pauvre. Qu'importe. Il ne tient qu'à nous de l'enrichir d'un légume, d'une herbe, d'une épice. Personnellement, j'ai ajouté un peu de muscade ce soir. Mais je n'ai pas forcé sur la cuisson de la farine, pour ne pas la brûler, ce que les puristes me reprocheront peut-être. Ah, autrefois, on disait aussi qu'une fille était prête au mariage si elle savait réaliser une Mählsuppe... On passe en cuisine ?




Pour régaler quatre convives, il vous faut :

5 cuillères à soupe de farine (blé,seigle ou maïs)
60 g de beurre
1 oignon
1 litre de bouillon de viande
sel, poivre
Une cuillère de vin rouge
100 g de gruyère râpé

Progression
Dans une casserole, faire brunir la farine, couleur noisette.
Ajouter le beurre et l'oignon émincé, faire revenir.

Mouiller au bouillon froid, porter à ébullition, laisser mijoter une vingtaine de minutes.
Rectifier.
Verser le vin et mélanger.
Avant de servir, parsemer la soupe de gruyère.


Et, en période de carnaval, décorer la table de serpentins.





                                                                                DR