24 novembre 2018

LA MAT EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE




La route de Saint-Morand, je l'ai trop souvent prise, notamment en 1985, 1986 et 2014, années qui ont vu partir à cet endroit ma grand-mère, mon grand-père et papa. C'était chaque fois en fin d'année. J'appréhende cette période qui envoie un vent d'hiver sur les arbres, ce souffle de mort. Pourtant il fait beau ce samedi 24 novembre. Et presque doux. Des conditions idéales pour marcher.
Je marche vers mon hôpital de proximité. Je dois habiter à environ un kilomètre. Au loin, un puissant klaxon semble annoncer une opération escargot. Quand j'arrive sur les lieux, le bruit se rapproche. Trois tracteurs routiers apportent leur infernal soutien aux hospitaliers, tant pis pour les patients qui en prennent un peu pour leurs  oreilles. 







Sur le parvis de Saint-Morand, des centaines de personnes sont rassemblées autour des représentants de l'intersyndicale. On reconnaît nombre d'élus locaux et quelques parlementaires. Pas de blouse hospitalière, mais des t-shirts blancs. Les villages s'annoncent : Aspach, Carspach, Koestlach... Un demi-millier de personnes témoigne ici de son attachement à la maternité une fois de plus menacée. Jean-Luc Reitzer est là qui en tant que député-maire hier avait dû batailler pour la sauver. Mais c'est son successeur à la mairie Nicolas Jander qui parlera, succinctement, après la porte-parole des syndicats au nom des personnels du GHRMSA, cet ogre de santé appelé à absorber le service altkirchois mais aussi celui de Thann. Dans la vallée de la Thur simultanément, deux fois plus de monde est réuni pour les mêmes raisons. Fermer les maternités des deux encore sous-préfectures éloignera les parturientes de la salle d'accouchement. Un danger pour les mamans en devenir et leur enfant à naître. Sauf que la logique comptable prime depuis longtemps. Cette loi implacable qui méconnaît les réalités du terrain et du territoire.











Les discours sont brefs. Mais clairs. A présent, un cortège se forme qui va accomplir une boucle de quelques centaines de mètres en direction du rond-point de Leclerc. Le syndicat représentatif ouvre et ferme la marche. Au niveau de l'hypermarché la jonction se fait avec les gilets jaunes venus à sa rencontre. Les citoyens en lutte applaudissent les défenseurs de l'hosto qui auraient pu être plus nombreux pour un arrondissement de 70.000 patients potentiels. 
De jeunes mamans et des femmes enceintes sont de la sortie colorée par les bannières des centrales.
Quand la manifestation se disperse, les tracteurs camions font braire leurs avertisseurs.
Ça me rappelle le râle du vieil homme décédé dans cet hôpital qui me remit sur jambes.


















#sauverlamaternitéd'Altkirch

22 novembre 2018

LE MACHINISME AGRICOLE TRACTE LA STE-CATHERINE





La Sainte-Catherine, c'est un peu notre Fête nationale à Altkirch. Le jour le plus long quoique déjà très loin du solstice d'été, qui déplace le Grand Sundgau dans la petite sous-préfecture. La démonstration se passe de blindés destructeurs, nous avons les puissants tracteurs agricoles. 
La Sainte-Catherine est depuis un demi-millénaire une foire paysanne, bien que les vendeurs se soient éparpillés dans l'offre. Ils ont de la gueule, ces monstres du labour aux carrosseries rutilantes sur la place Jourdain. Devant et autour de la halle au blé. Je ne suis pas agriculteur mais c'est ma terre et je suis fier d'être sundgauvien. Nous sommes souvent moqués, réduits à des indiens dans leur réserve verte par les métropoles d'Alsace. Mais nous savons d'où nous venons et sûrement où nous allons. Nous cultivons les valeurs transmises par nos ancêtres. 





Quand je parcours l'une des plus grandes foires agricoles du Grand Est, je retrouve un monde d'avant, que les citadins ne connaissent pas, eux qui courent sans pouvoir me précéder au calendrier. A la campagne, on vit la saison qui passe.

Altkirch se remplit d'une foule composée de Terrifortains, de Sundgauviens, de Centralsaciens, de Rhénans. Mais je croise peu de visages familiers de ma ville. Il est connu que mes concitoyens boudent les événements locaux. Pourtant les associations du cru s'impliquent, comme le VC Altkirch et sa guinguette. Justement, la Sainte-Catherine est un lieu de rencontres, d'échanges et de retrouvailles. Les Gilets jaunes ont mis leur mouvement en sourdine le temps de la journée, ce qui n'empêche pas les syndicats vieillissants de recruter. La CGT voisine avec la CFTC. 





Cette année, le soleil est de retour, mais les températures sont nettement en-deçà de l'exceptionnelle douceur de novembre 2017. Pourtant, ce n'est pas la cohue ce début d'après-midi. La Sainte-Catherine, tout institution qu'elle soit, a perdu de son audience. Je me demande où la presse locale cherche 15 à 20.000 visiteurs...Bon, les journalistes ont l'habitude de gonfler les chiffres. Je fréquente la foire depuis la poussette sûrement. Le nombre d'exposants a fondu. La manifestation ressemble au continent de glace qui rétrécit au fil du temps. Et ces espaces réservés aux secours, ces blocs de béton anti-intrusion, ces contrôles Vigipirate...Rien de tout cela naguère, des policiers municipaux empathiques, des gendarmes de proximité...




Beaucoup de choses ont changé. Mais il reste ce plaisir éphémère de parler à quelqu'un. Tiens, je n'ai croisé personne qui marchait comme un robot à smartphone. J'ai même vu des gens souriantes. J'ai bu les souvenirs du vieux vendeur de bonnes chaussures qui a fait 160 bornes depuis Hochfelden, comme chaque année depuis des décennies. J'ai interrogé la marchande de marrons d'Angoulême, une Parisienne fidèle aussi, à l'enseigne Miiaam. J'ai gobé les arguments du roi de la chaussette de chantier "fabriquée à Troyes"...Et j'ai souri à l'artisane du pâté lorrain qui a traversé les Vosges pour nous régaler.






Je suis retourné à Mulhouse. En rentrant vers 19H15, les derniers stands étaient démontés. Les restaurateurs rapides finissaient leur service. Il est révolu aussi le temps où la Sainte-Catherine se prolongeait dans les bistrots.
Et celui où mon regretté papa servait la soupe de lentilles au public.