3 août 2017

TAGOLSHEIM : DISPARITION DE RICHARD BOETSCH


"Somme toute, il pleut toujours." En regagnant mon travail, j'ai repensé à cette phrase que tu avais émise un après-midi maussade, avec le ton d'un homme tranquille.
Ce matin, je me suis pris une rincée, comme si les larmes du ciel s'abattaient sur mon matin dans la nuit.
Tu n'es plus. Et les nuages pleurent.
Chaque jour, je passe quatre fois en moyenne à proximité de ton village. J'ai inévitablement pensé à toi ces derniers mois, mais je n'ai pas pris le temps de faire un crochet par chez toi.
Tout consacré à ma tâche depuis très longtemps, j'ai oublié de vivre sans doute. Les entrepreneurs sont réputés avoir la tête dans le guidon. Tu en étais, forçat de l'artisanat quand je me considère comme entrepreneur de l'information. Nos routes étaient parallèles, nous étions trop investis dans l'exigence de rendre le meilleur service au plus grand nombre.
Je suis souvent rappelé à la nécessité de se poser, faire un break. Ce n'est ni ma nature, ni ma volonté. Cette conduite insensée m'a poussé à la faute. Celle de ne plus te voir.
J'ai raté le train cette fois. Une fois de plus sans doute.
Voici : je te demande publiquement pardon Richard.
Nous étions des amis de trente ans environ, nous nous voyions peu, mais nous avions plaisir à échanger.
Je t'ai connu ouvrier communal et bûcheron, tu es devenu un chef d'entreprise connu et reconnu. Tu as construit une famille et un patrimoine par ton labeur, infatigable travailleur.
Tu n'avais pas suivi les cursus de l'élite, mais ton verbe était clair et ton analyse pertinente.
Tu incarnais la sagesse, la force paisible. Je ne t'ai pas vu en colère.
Les derniers mois de ta vie écourtée auront été un calvaire.
Tu as été libéré enfin et tu reposeras dans ton jardin, la forêt.
L'homme est un arbre qui doit retourner à la terre.
Je n'ai pas pris le temps de te dire adieu, Richard, c'est bien ma peine. Mais quand le thuriféraire sera passé, sois assuré que ton souvenir ne s'éteindra pas dans ma mémoire. Et que je veillerai sur l'enfant que tu m'as confié en qualité de parrain.
Va, la route du Ciel t'est ouverte.

Salut Richard.


Photo Sanicurage Tagolsheim.

L'ADIEU A RICHARD BOETSCH




C'est à St-Martin d'Illfurth qu'ont été célébrées cet après-midi tes funérailles, cher Richard. Ce monument historique qui de l'intérieur fait cathédrale moderne, tant les volumes paraissent importants. Cette église que nous affectionnons particulièrement, où ton épouse et toi m'aviez fait l'honneur de partager des événements heureux, où déjà j'ai partagé aussi votre douleur. Au cœur battant du bourg que tu connaissais mieux que quiconque, nous nous sommes réunis en grand nombre, emplissant l'édifice. C'est à ce moment que tu aurais pu mesurer qu'effectivement "tu étais quelqu'un", toi le modeste travailleur devenu entrepreneur. Tu aurais sans doute été gêné de te savoir à l'origine malgré toi de cette pléthorique assistance, à son tour dans la souffrance.
Il m'a semblé reconnaître les sanglots de ta bien-aimée. Tu laisses orphelins trois filles et des collaborateurs qui n'ont pas manqué de rappeler combien tu étais un employeur modèle. Tu manqueras à beaucoup.
Mais ni les larmes du violon, ni les pleurs de ceux qui t'aiment, ne resteront vaines.
Puisqu' Il t'a rappelé, nous te confions au Père, qui sait l’œuvre de ta vie et l'étendue de ton cœur.

Quand je croiserai le rutilant camion orange et vert, c'est toi que je verrai au volant.
Adieu Richard. 

Vendredi 28 juillet 2017


Photo Ádám Kossuth