4 novembre 2020

HOPITAL DE MULHOUSE : LA LONGUE CAMPAGNE D'HIVER CONTRE LA COVID

 


Dans son bureau, il esquisse un large sourire sur le portrait à l’huile qui lui ressemble. Il est avenant, le Dr Debieuvre qui nous reçoit ce 4 novembre, alors que le paquebot Emile-Muller commence à affronter la houle d’automne de la Covid-19. « On est en retard d’une dizaine de jours par rapport à Strasbourg et à d’autres régions », observe le chef de la pneumologie. « On a pris cher la première vague, on n’a pas vu arriver la deuxième et ça monte progressivement », explique-t-il. Le sursis que le Haut-Rhin connaît encore a permis à l’hôpital de s’organiser. Depuis deux semaines, des unités Covid ont été activées dans les services médecine interne, pneumologie et gériatrie. D’autres suivront. Le praticien s’interroge sur le retard du département dans l’aggravation de la situation. Une population traumatisée qui se protège davantage ? Des personnes âgées qui sortent moins… Les aînés sont les plus exposés, mais dans son service, le Dr Debieuvre compte deux trentenaires et un quadragénaire. En réa, il y a des jeunes. « Des patients à surveiller comme le lait sur le feu ». Comme ses pairs, le médecin a appris du printemps. La prise en charge est différente aujourd’hui, la gestion plus efficace. Moins d’intubations, ce sont aussi moins de complications, mais Didier Debieuvre veut rester humble face à ce virus respiratoire auquel on ne peut toujours opposer aucun traitement véritable. S’il semble serein dans l’entretien, le chef de service n’en craint pas moins de revivre l’épreuve de mars/avril, avec une pénurie de soignants dont beaucoup restent marqués. La fin de semaine s’annonce déterminante, selon lui, avec la bascule dans le programme Covid.
S’agissant des effets du confinement, rien à attendre avant deux à trois semaines.





Accueil toujours chaleureux plus bas, en réanimation, mais l’inquiétude est manifeste chez le Dr Kuteifan, en charge de la réa médicale. L’automne est une période d’activité intense habituellement avec l’humidité, mais voilà par surcroît cette Covid… « Le rouleau compresseur avance, tout doucement. »
Un à deux patients par jour. Ils sont dix dans le service et cinq en réa chirurgicale.Les épidémiologistes avaient vu juste, le pic est à envisager vers le 15 novembre, commente le médecin. On commence à déprogrammer.
Chez lui aussi, les effectifs sont en tension et l’épidémie a provoqué arrêts de travail, démissions et démotivation. Il manque 10 % des personnels et les renforts du premier trimestre ne sont plus là. Khaldoul Kuteifan a surtout besoin d’infirmières de réanimation, un métier qui ne s’apprend que sur le tas mais dans lequel on ne s’éternise pas. Dont le statut demande toujours à être valorisé.




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En avril, le GHRMSA s’était donné une unité de de ressources et de soutien aux personnels épuisés par les ravages de l’épidémie. Soignants et accompagnants quand la mort frappa. 300 m² ont été mis à leur disposition dans l’ancienne pédiatrie, où des soins ont été prodigués par des kinés, psychologues, ostéopathes, réflexologues etc. L’initiative a été primée et soutenue par la Fondation de France. L’unité a été réactivée.


Enfin, le GHRMSA a lancé un appel pour recruter infirmières et aides-soignantes. Les candidatures sont prises sur le site du groupe hospitalier.

1 novembre 2020

TOUSSAINT MASQUEE

 



"Je ne suis jamais resté si tard au cimetière" me glisse le vieil homme, presque un voisin, surpris que la nuit s'empare de la ville si vite. Il est environ 17H30. Le jour a décliné en effet et je me suis retrouvé sans doute seul dans la partie haute voilà quelques minutes. Sur l'ensemble du site, nous ne sommes plus que quelques uns. Une heure auparavant, quelques dizaines.
Ce n'est plus la foule à la Toussaint depuis longtemps, même si les tombes sont fleuries. Pourtant cette atmosphère de crépuscule ne m'est pas déplaisante, dans la paix des sépultures à peine dérangée par le murmure de la cimenterie et quelques véhicules qui passent. Les lumignons scintillent ça et là. Le ciel est très nuageux, mais  la douceur nous étreint.


                                                Stèle altkirchoise 


J'ai eu la grâce de croiser, comme l'an dernier, ma vieille amie Marie-Antoinette, au bras de sa fille. Elle a presque 97 ans. Si sa mobilité décroît, sa  mémoire n'a pas défailli. "Le journaliste" m'a-t-elle lancé. A peine plus loin repose depuis trois ans notre regrettée Eléonore, qui aux côtés de son époux, illumine sa tombe de son sourire. Dans la partie basse du cimetière, j'ai découvert aujourd'hui un monument où dorment des militaires, dont l'officier Pierre Goisset, tombé à Altkirch le 7 août 1914.

Quelques jours après le caporal Peugeot, premier mort français de la Grande Guerre, abattu à Joncherey.

Dans la pénombre, j'ai fini par retrouver enfin la tombe de mon camarade Joël, enlevé en 1986. A cet instant, des oiseaux chantent. Cette année il faut porter le masque aux abords et au cimetière. Un homme fumait la pipe à travers ce cache-visage.




C'est la Toussaint. Je me souviens que nous célébrons tous ceux et celles qui nous ont précédés dans la mort. Les saints sont vivants. Avec nos masques, les  visages désorientés, angoissés, voire désespérés que nous pourrions leur présenter, c'est à se demander où sont les morts.