31 janvier 2020

DU VINYLE AU NUMÉRIQUE




J'ai coutume de dire que je n'ai pas choisi la radio. C'est elle qui m'a choisi. Et retenu.
Je suis né, j'ai grandi, je vis toujours à Altkirch. Dans les années 1980, je venais de passer le bac, j'ai accompli dans la foulée le service national -il faut toujours commencer par les tâches les plus difficiles- et je ne savais pas où aller. J'ai toujours été comme ça, sans plan de carrière, juste avancer. Cap tout droit, on finit par arriver à un port. J'avais bientôt 20 ans dans cette capitale du Sundgau alors dynamique avec ses entreprises industrielles dont beaucoup devaient bientôt disparaître, Jédelé dans l'électricité, Siat dans le textile, Minerva dans la chaussure... Altkirch et son régiment de hussards dissous quelques années plus tard.

Depuis 1981, la France était dirigée par une majorité socialiste avec un apport communiste. C'était la France de François Mitterrand. Et de Jack Lang qui nous a donné la Fête de la Musique entre autres. 1981, une date marquante dans le monde des médias et d'abord la radio.
C'est ce qu'on appelait la libéralisation des ondes.
La loi autorisait en date du 9 novembre 1981 à émettre sur la bande FM.
C'était la fin du monopole de l'Etat. La fin du brouillage systématique des radios pirates par la TDF, la télédiffusion française. Un moment historique pour les ex-pirates des ondes qui pouvaient sortir de la clandestinité, comme la tout première, Radio Campus Lille créée en 1969, Radio Ivre ou encore NRJ, rappelle Sophie Delpont sur France Culture.
D'autres naissent. C'est le cas de Radio Nova et de la sulfureuse Carbone 14.
Dans l'effervescence de la libéralisation, près de 2000 radios sont recensées à peine un an après la loi. La plupart ont disparu quelques années plus tard se souvient ma consœur.

En Alsace, grâce ou à cause de Fessenheim, est apparue RVF, Radio Verte Fessenheim. Une radio comptant parmi les pirates et active dès le moment où le site rhénan devenait radioactif. Le militant et écrivain Jocelyn Peyret nous a laissé un ouvrage sur 40 ans de luttes dans le Dreyeckland et l'histoire de radio Dreyeckland. Mais revenons aux années 80 dans le Sundgau, terre de fondateurs de radio.
Fin 1984 naissait Radio Portesud, dont le slogan était « la bonne latitude ».
Dans ce nom se devinait Sundgau. C'était la radio du Sud de l'Alsace.




La première et dernière radio FM du Sundgau. Or en ce temps-là, Mulhouse profitait pleinement de l'ouverture des ondes, avec pas moins de dix radios émettant depuis son ban. Radio Bollwerk (88.2 Mhz), Radio Amitié (90.2Mhz), Fréquence Mulhouse (100.5 Mhz), Radio Dreyeckland (101 Mhz), Radio Visages (101.6 Mhz), Radio Cité (101.9 Mhz), Mulhouse Radio Muses (102.4 Mhz), Radio Star (103.3 Mhz), Radio Mulhouse Centre (103.7 Mhz), Stéréo 32 (104 Mhz), Radio Bienvenue (105.5 Mhz).  La plupart de ces antennes avaient des audiences réduites voire confidentielles, seule Radio Star perçait et affichait des résultats d'écoute à faire pâlir ce qu'on appelait les radios périphériques. La radio de Jacky Atlan allait encore prendre de l'ampleur et émettre sur une grande partie de l'Alsace, depuis Mulhouse, Colmar et Sélestat. C'était la star de nos radios. Celle où j'allais faire mes armes.

Novembre 1984, Altkirch. Radio Portesud diffuse ses premières émissions depuis un local aménagé dans les murs occupés jusqu'à peu par les sœurs gardes-malades. Les Altkirchois d'un certain âge se souviendront peut-être de sœur Marie-Odile et de sa 2 cv jaune pâle.
Une association porte la radio. La Ville d'Altkirch est impliquée. Dans l'organigramme, le secrétaire général de la mairie qui a fini son parcours en DGS de la collectivité, l'attaché culturel de la commune et un privé, un artisan photographe. Ce dernier est le directeur de la maison. C'est en mai 1985 que ma route croise celle de Portesud.
J'habite à quelques centaines de mètres de la radio. Je suis alors d'une grande timidité, je n'aurais jamais franchi le seuil de ma propre initiative, quand bien même l'existence d'une radio locale près de chez moi avait de quoi faire rêver. Depuis ma préadolescence, j'écoute la radio, je me souviens d'André Torrent sur RTL. Et voilà qu'à l'aube de mes 20 ans, il m'est donné d'entrer au 3, rue de la Cure. La petite radio recrute un rédacteur.


C'est l'ANPE, Pôle Emploi aujourd'hui, qui m'envoie. Il semble que je sache écrire et m'exprimer. De la même manière j'avais été repéré lors du service national pour intégrer un secrétariat. L'entretien de recrutement est opéré par un grand gaillard à peine plus âgé que moi, 23 ans, une tête d'acteur, l'oreille percée. Frédéric Rivière. Il en impose. Il est plus grand, plus mûr que moi. J'ignore comment ce Parisien qui débutera réellement sa carrière deux ans plus tard à Radio Caraïbes a atterri dans la campagne sundgauvienne. Nous ne nous côtoierons pas longtemps, car Frédéric m'annoncera bientôt son départ. Entre-temps, il m'aura rapidement mis à l'antenne. Ma prime intervention de ma vie journalistique devait être un résumé de faits sportifs. J'ai dû avoir le trac la première fois, parler en public, dans l'inconnu, à des centaines d'auditeurs, des milliers je ne sais. Puis je me suis habitué à « causer dans le micro », autodidacte du média décentralisé. C'est ainsi que je construis ma vie, la vie étant la meilleure et inépuisable école. D'ailleurs l'école de la République qui m'a emmené jusqu'au bac littéraire a souvent douté de moi. Nous sommes quittes, je ne crois plus en elle.
Frédéric Rivière m'impressionnait donc. Il avait une voix, un style. Depuis 1992, mon premier recruteur est dans la grande maison Radio France, Internationale. A Portesud, il était salarié, un luxe pour une radio qui prenait son envol. J'ai été embauché sous contrat aidé, TUC, travailleur d'utilité collective, comme beaucoup de mes collègues. Un contrat renouvelable. Dans le même temps, j'allais me remettre aux études, par correspondance, et préparer un BTS publicité. Mais on ne court pas deux lièvres. Les ondes de la radio devaient primer le travail étudiant, quoique passionnant aussi.
Après le premier trimestre en 2e année, j'ai décroché. Ma formation initiale s'est arrêtée à Bac + 1.



Mai 1985. Le printemps dans sa splendeur, les parfums, le chant des oiseaux à l'aurore. Ma première mission consistait à rédiger les bulletins du matin. J'ouvrais déjà la maison et m'installais dans le studio de production pour appeler un numéro. C'était l'AFP Audio. Je recopiais ce qu'une voix avait enregistré au téléphone pendant quelques minutes dans un local sentant le tabac froid. Ils fumaient quasiment tous. C'était le plaisir de saluer la porteuse de journaux, la première source d'information du jour. France Info n'était pas encore née, on écoutait Radio France Alsace pour prendre des nouvelles de la région. En attendant les ordinateurs, on se servait du Minitel, qui avait été lancé en 1980.
Le studio à la table ronde était séparé de la régie par une vitre. L'équipe de la radio locale était très variée, entre les rares salariés, les employés sous contrat aidé, les bénévoles. Une famille hétéroclite dans l'air du temps avec même des adeptes du punk. Déjà les générations se croisaient, mais on ne se prenait pas au sérieux, même si chacun donnait le meilleur d'une aventure collective à construire. Je ne savais pas où j'allais. A 20 ans, on se laisse porter.
J'ai passé deux ans ainsi à me former sur le tas, avant d'être capté par Radio Star à Mulhouse. 1987 et 1988 m'ont vu présenter des journaux rue d'Illzach, parmi les animateurs – vedettes de la bande FM. Jacky Atlan m'avait même confié mon propre micro. J'entrais dans le Mulhouse du trio Klifa – Bockel – Freulet. Quand en mai de cette année 88 Portesud me rappela pour me proposer mon premier contrat CDI. Ça ne se refuse pas à 22 ans et 6 mois. Ma période Star aura été courte mais formatrice.




Au début de ma carrière journalistique, j'ai été servi en événements majeurs. Sitôt opérationnel à Portesud en 1985, j'avais à traiter dans le voisinage l'effondrement d'une maison, fort heureusement sans victime.
1986 démarrait par la mort de Balavoine et Sabine dans le Paris-Dakar et la désintégration de la navette Challenger. Tchernobyl au printemps, Tchernobâle à la Toussaint. 1988 l'écrasement de l'Airbus au meeting de Habsheim. Janvier 92 la catastrophe du Mont Ste-Odile... Sans oublier la première Guerre du Golfe en 90-91.
Mes premières interviews n'ont pas été banales non plus. Le maire d'Altkirch Jean-Luc Reitzer et le sous-préfet d'arrondissement. Je disposais alors d'une sorte de Nagra, enregistreurs à bandes.
Le programme de Portesud était généraliste. Beaucoup de musique, des émissions thématiques, alimentées par des vinyles entreposés dans un cagibi au fond du couloir, 33, 45 et maxi 45T. Certains animateurs apportaient leurs albums, comme le regretté Eric Fromm pour K-Country.
Le technicien, réalisateur dans le jargon actuel, était maître de la diffusion. Il pouvait arriver qu'un disque s'envole dans le jardin voisin du curé.

Beaucoup de radios locales ont fleuri dans les années 80. Peu ont perduré. Économiquement, l'équilibre financier était difficile. Pour soutenir Portesud, un 45T fut édité à partir de l’œuvre de l'animateur – vedette du matin Tony Marullo. 45 francs, quasiment quatre fois le prix d'un 45T standard. A charge pour le personnel de le vendre. Ma radio vivait d'abord des recettes publicitaires. En quelques années, elle avait trouvé son auditoire, arrosant la région depuis le Molkenrain dans les Vosges haut-rhinoises. Avant la fin de la décennie, Portesud avait aussi son antenne belfortaine. Et puis cette Guerre du Golfe, dont les effets ont fini par affecter les affaires.

En 1986, un nouveau directeur fut recruté. Agnain Martin. Un enfant du Sundgau qui venait du monde de la musique. En dehors de la parenthèse Radio Star, il n'a cessé d'être mon patron depuis. D'une radio locale cet entrepreneur avisé allait ériger un groupe de communication.
Au début des années 90 du fait d'un marché publicitaire limité, Portesud finit par se délocaliser vers la grande ville Mulhouse. Au détour d'un échange informel avec un journaliste de
L'Alsace, j'avais évoqué ce probable déménagement que mon confrère s'est empressé de publier le lendemain. Cela m'a appris deux choses : l'attachement de la population à son antenne de proximité et surtout qu'il faut faire attention à ce qu'on raconte à la presse, quelle que soit la circonstance. 1991. Portesud s'installe rue Henriette, dans le plateau piétonnier de Mulhouse. La radio au rez-de-chaussée, les bureaux au-dessus. C'est dans l'air du temps : la multiplication des radios locales, ce sont autant de fréquences à convoiter. Les groupes grignotent. Portesud Belfort va être repeinte en M40. En septembre 1995, la grande sœur mulhousienne prend le pavillon de RTL. Tout va très vite. M40, RTL1 puis RTL2. L'ancienne radio altkirchoise rejoint le réseau soft-rock qui évoluera en pop-rock. J'ai la chance d'être gardé.
C'est le moment aussi de passer à l'informatique pour l'enregistrement des journaux. Ce sont mes collègues qui me forment.
En 2020, RTL2 fête discrètement son 25e anniversaire. J'ai le privilège rare d'avoir cheminé avec elle pendant un quart de siècle.
Les années 1990 voient un autre événement majeur dans mon entreprise. L'arrivée de Dreyeckland. L'ex-Radio Verte Fessenheim a essaimé mais ses antennes sont en difficulté financière. Agnain Martin va remettre la pionnière à flot en la professionnalisant. Du réseau Dreyeckland, il restera en Alsace en outre l'équipe de Colmar. Dreyeckland est aujourd'hui DKL Dreyeckland et dans un avenir proche DKL.

Comme Mulhouse, l’antenne belfortaine de Portesud avait adhéré au groupe RTL. Et en 1996, j’ai été chargé de créer l’information locale sur RTL2 Belfort, en complément de RTL2 Mulhouse. Je commençais ma journée à Mulhouse puis je prenais l’express pour filer dans la cité au lion et finir ma journée où je l’avais entamée. La double antenne, un nouveau challenge, sportif et sûrement épuisant sur la durée, que j’ai cessé brutalement en novembre 1998.
En pleine semaine, je passais sur Dreyeckland tout en gardant RTL2 Mulhouse. Depuis plus de vingt ans, je travaille toujours pour deux radios, privées, une locale, une régionale. Pour deux groupes différents, M6 et Tertio.
Dans le paysage radiophonique alsacien, les voix journalistiques nous sont souvent familières. Patrick Genthon, Olivier Vogel, Aurélien Gasser, Guy Thomann, David Madinier pour ne citer qu’eux… Je les connais de longue date. Avec le temps, les technologies ont évolué et vite, de même que les formats. A mes débuts, les émissions en direct diffusaient de la musique sur vinyle et les messages publicitaires sur K7 audio. La nuit, des bandes tournaient avec un programme enregistré. Aujourd’hui, tout est informatisé, l’animateur gardant la main pour poser sa voix ou modifier au besoin.
Avec les moyens de communication modernes et les réseaux sociaux, les cercles se sont agrandis. La radio locale des années 80 avait une audience restreinte à sa création. Aujourd'hui Internet donne une portée internationale.
Mais c'est toujours la magie de la voix sans l'image, même si la vidéo s'invite dans les émissions.


Je fais donc de la radio sans discontinuer depuis 1985. Michel Drucker prétendait que les trois premières décennies étaient les plus difficiles.
Je ne sais pas. Pas encore. Avec les années, l'expérience et les apprentissages permettent de gagner en temps et en efficacité. Mais la mission n'a pas changé. Sélectionner les faits marquants de l'actualité en phase avec notre format et les relayer pour le plus grand nombre.
La tâche s'annonce pourtant plus délicate. Il nous est dit aujourd'hui que
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uatre Français sur dix se détournent désormais de l’information. Depuis le lancement en 1987 du Baromètre de confiance dans les médias réalisé par Kantar (ex TNS Sofres) pour La Croix, jamais autant de personnes interrogées (41 % ; + 8 points sur un an) n’avaient assumé le fait de s’intéresser « assez » faiblement (28 %, + 4) ou « très » faiblement (13 %, + 4) aux nouvelles.
Heureusement, la radio demeure le média le plus fiable aux yeux des Français, pour un sur deux en fait. Dans ce monde omniconnecté, nos contemporains aspirent à plus de lenteur, du recul face aux événements. A des sujets qui les préoccupent mais ne les noient pas.

J'ai la chance et le bonheur de travailler en province, dans des supports de proximité.
J'espère chaque jour qu'un temps me sera prêté pour faire d'une rencontre ordinaire un souvenir extraordinaire.








29 janvier 2020

MON MAIRE CE HEROS


En mars, c'est le printemps électoral. Nous serons appelés à renouveler nos conseils municipaux. En trois décennies et demie, j'ai pu croiser et côtoyer de nombreux maires, à commencer par le mien Jean-Luc Reitzer remplacé depuis par Nicolas Jander.

Depuis dix ans, nous animons avec Pierre Maurer l'émission
"Bonjour M. le Maire / Mme le Maire" sur DKL (Dreyeckland).
Nous apprécions particulièrement ces entretiens en tête-à-tête avec l'élu préféré des Français. Nous avons souvent rencontré des maires au plus près de leurs administrés, loin des stratégies d'états-majors nationaux. Des hommes et des femmes normaux, juste investis d'un mandat d'intérêt général qu'ils accomplissent passionnément.
Un certain nombre de ces élus de proximité ne se représente plus.

Je rouvre ici l'album de mes rencontres couvrant l'année 2019 et janvier 2020.


Philippe Huber, MUESPACH
Au train vapeur

Joseph GOESTER, ZILLISHEIM

Un entretien canon



Hubert NEMETT, RIEDISHEIM

Les peintures



Ici Petit - Paris 



Jamais en REST pour sauver l'hôpital




Michel KLINGER, STOSSWIHR
Marié du Frankental


Claude GEIGER, FRIESEN
Entrepreneur 


Chrysanthe CAMILO, WALHEIM
Ses pâtisseries 




Christian SUTTER, ILLFURTH
Le souvenir de Pierre Weisenhorn




Arlette BRADAT, WECKOLSHEIM 
une experte rare



En attendant le prochain Tour Alsace 



Le président de la Com Com près du canal


Bernard SACQUEPEE, WICKERSCHWIHR
Un Ricard avant la fête de la pomme de terre




Armand REINHARD, HIRSINGUE
Le vélo 


Paul MUMBACH, DANNEMARIE
sur LIGNE68 TV
Une silhouette familière




Jean-Marie ZOELLE, SAINT-LOUIS
Avant un tour de patinoire



Nicolas JANDER, ALTKIRCH
sur LIGNE68 TV 

le successeur qui ira loin



Jean-Louis CHRIST, RIBEAUVILLE 
Le ménétrier premier magistrat


Michel HUSSER, GUEBERSCHWIHR
Heureux dans sa mairie provisoire




Antoine HOME, WITTENHEIM (avec Livia Londero adjointe)
Sur un air d'Italie