27 décembre 2017

UN SAMEDI DE L'AVENT A FREIBURG




Samedi 9 décembre. Un voyage de presse individuel sur la thématique du marché de Noël à Freiburg. Ce sera une belle journée hivernale. Une pellicule blanche s'est posée sur la région, qui ne résistera pas aux températures diurnes. Je prends le train en gare d'Altkirch, puis le TER transfrontalier de Mulhouse qui poursuivra jusqu'à la cité badoise, via Müllheim. Nous longeons PSA site de Mulhouse et la bande rhénane avec un arrêt à Bantzenheim. Des panaches blancs strient le ciel, s'élevant des établissements Seveso. 








Freiburg paraît, mais aucune trace de neige.
A 9H30, je me présente, ponctuel, à l'office de tourisme situé à quelques minutes de la gare centrale. Une jeune femme blonde vient à ma rencontre. C'est Julia, guide-conférencière, qui me fera la visite du centre historique et m'accordera sa compagnie pendant trois heures. Fribourg, m'annonce-t-elle, est la ville la plus chaude et la plus ensoleillée d'Allemagne. Ce matin, j'ai pourtant froid aux mains, sollicitées pour prendre des notes. En 2020, Freiburg célébrera ses 900 ans, elle qui fut fondée par un Zähringer. La ville aura aussi évolué quatre siècles dans le giron de l'Autriche.

Nous aurons à peine fait quelques pas quand Julia me rappelle la vocation universitaire de la cité. 216 étudiants à la naissance de l'université en 1457, 35.000 aujourd'hui. 
Toujours au voisinage du Rathaus où le maire est depuis plus de 15 ans l'écologiste Dieter Salomon, une demeure attire l'attention: la Haus zum Walfisch, qu'occupa Erasme un temps. L'humaniste ne se plaisait pas ici, éloigné du Rhin et pas en phase avec le code de bonne conduite à table...



Le pavé est omniprésent. Ce sont les Rheinkiesel qui font la singularité du pavage. Mais ce sont les Bächle qui font la signature de la ville médiévale, ruisseaux canalisés alimentés par le Dreisam. Un réseau d'une quinzaine de kilomètres, pare-feu dans sa conception, source de curiosité pour les touristes et bien évidemment d'anecdotes et de causeries. 
Quiconque tombe par inadvertance dans le Bächle doit épouser une Fribourgeoise...
Nous débouchons Kaiser-Joseph-Strasse, l'artère commerçante principale de la ville, une des plus prospères du pays. Le Bertoldsbrunnen fait point central, les flux s'y croisent.







Nous voilà aux abords de la cathédrale. La tour a encore sa collerette de chantier, bientôt démontée. Il se dit que Notre-Dame de Fribourg a la plus belle tour de la chrétienté entre Strasbourg et Bâle. Elle culmine à 116 mètres, 40 de moins que Cologne. Voilà un édifice achevé en 1536 dont les évolutions sont perceptibles dans l'architecture mais que les bombardements de 1944 ont épargné. La quasi-totalité des vitraux date du Moyen Âge, qui figurent les corporations, quand les piliers portent les apôtres. Le Münster abrite encore une croix de 1100.
Comme d'autres villes, Freiburg avait subi l'enfer du bombing des alliés. Elle fut détruite à 80%. Mais le nombre de victimes, 3.000, aurait pu être pire, racontent les anciens, n'étaient les animaux, au comportement alarmiste, dont un canard. Nous ne visitons pas le monument, où un concert est donné. 






Julia me fait traverser le marché quotidien, après avoir trouvé un peu de douceurs dans une pâtisserie. Elle me fait remarquer les Stefans Käsekuchen, cheesecakes de renom made in Freiburg. Elle me présente encore à un marchand alsacien, dont l'arrogance me poursuit encore. Heureusement, l'heure vient du déjeuner, que nous prenons dans un chaleureux établissement, à l'atmosphère winstub. C'est ici que s'arrête hélas mon voyage avec Julia, qu'un groupe anglophone attend. 



Je vais poursuivre seul, fendre la cohorte qui emplit les allées du Weihnachtsmarkt, me faire titiller la narine à l'arôme des schupfnudeln, me laissant porter par ce flot de visiteurs parmi lesquels de nombreux Français, sacrifiant au passage à un vœu venu de loin : acquérir une pendule à coucou. Le vendeur connaît bien l'Hérault, où il a ses quartiers. Je refais le parcours de Julia, qui m'avait montré la Konviktstrasse dans un quartier naguère indigent donnant sur la route du sel. Réhabilitée, la rue aux glycines rayonne. Comme le ciel de Freiburg, que je vais quitter pour regagner dans la nuit mon Alsace tout proche. 








 

27 DECEMBRE



C’était le 27 décembre. Tu avais définitivement clos tes paupières à quelques heures de Noël. Tu n’auras pas remarqué sans doute combien le ciel était lumineux, toi qui allais être appelé à la Lumière éternelle. Ce 27 décembre donc, c’étaient tes funérailles. En raison des Fêtes, peu de gens savaient, mais l’église de Friesen était pleine.
Il avait neigé le matin. Sur le seuil de la maison du Père, les éléments se manifestaient encore, giboulées et vent.

Trois ans ont passé. En allant chez maman le soir, je me revois marcher sur le chemin de l’hôpital proche. Maman inconsolable comme quelqu’un qui a perdu l’amour de sa vie. Quand tu es parti, j’ai perdu quelque chose d’indicible, je me suis senti comme un navigateur sans boussole. Peut-être ai-je perdu cette part d’enfant qui me collait trop à la peau. Je suis devenu un peu plus vieux probablement, adulte en somme. 





Pourtant, quand je me vois sourire, c’est ton image qui m’apparaît. En passant par la gare de Mulhouse, je ne manque jamais de jeter un regard vers ton ancienne maison professionnelle, dans cet environnement familier où les cheminots ont disparu. Il n’est plus que des agents d’une entreprise mal aimée des Français. Beaucoup de tes copains ont pris le dernier train à leur tour. Et le monde a continué de changer.
Dans ton petit étang, l’eau vive coule toujours. Un noyer croît même sur la digue…

Mais c’est dans ma cuisine que je te retrouve, dans les fumets, les découpes de poissons et d’abord dans tes ustensiles qui auront préparé tant de festins. Depuis ton départ, je suis un peu plus cuisinier et pâtissier… La Brigantine, c’était    aussi ta table, papa.