7 décembre 2017

FRANCIS ECK, PEINTRE NAUFRAGE D'IRMA


Le Sundgauvien de Saint-Martin revient de loin.
Mais son travail s'est assombri.



Francis et Sylviane devant une toile récente

Saint-Louis s'est parée de ses habits de Noël. La patinoire de plein air anime le parvis de l'hôtel de ville. A l'intérieur de ce dernier, on installe, on rectifie, on règle l'éclairage.
Le forum du bâtiment municipal offre son espace le temps d'une décade au peintre antillais Francis Eck. Promesse de teintes calorifiques quand dehors le mercure est hivernal.
Pourtant l'artiste exilé au soleil des Caraïbes depuis plus de trente ans a plutôt le cœur grenadine. Il se déclare encore "sonné" par Irma, l'ouragan dévastateur et tueur de la rentrée de septembre. 




Natif de Dannemarie (Haut-Rhin), Francis Eck coulait des jours heureux sur son île. Aujourd'hui, Saint-Martin ressemble à un "village de western dont il ne resterait que les murs". Sa maison heureusement a résisté au souffle apocalyptique, malgré quelques dégâts. Par contre, l'artiste a perdu une cinquantaine de toiles qui décoraient un hôtel de luxe. Après, il a fallu prévenir les pillages et les violences. Mais dans son quartier, les riverains se sont organisés et ont mis la main aux armes, en attendant que les forces de sécurité républicaines rétablissent l'ordre. Francis a été impressionné par le contingent envoyé par Paris.

Il a aussi assisté au départ vers des cieux plus cléments de compatriotes, des milliers de volontaires. Saint-Martin se vide, mais il est toujours des gens sans toit. 
Désormais sans touristes, l'île sinistrée ne fait plus d'affaires.
Francis doit donc chercher l'acheteur ailleurs, pour vivre.
Un ami collectionneur ludovicien lui permet aujourd'hui de profiter du forum de l'hôtel de ville dans une période de forte affluence et de consommation. "Un petit miracle".






Pour cette exposition temporaire, la première en métropole depuis Irma, Francis Eck a puisé en partie dans le stock constitué chez sa maman dans le Sundgau. Il se désole d'avoir dû laisser un grand format aux Etats-Unis. Pour Saint-Louis, c'est une trentaine d'huiles de périodes différentes, des marines vives d'il y a quinze ans à celles assombries d'aujourd'hui.
Le peintre ne s'explique pas vraiment le recours au noir désormais. Peut-être parce qu'il vieillit, concède-t-il. Pourtant, l'ouragan lui est venu tel un fantôme, une masse blanche...





Francis Eck au forum de l'hôtel de ville de Saint-Louis jusqu'au 16 décembre.  

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5 décembre 2017

REPETTO : LA NOUVELLE DANSE DE JEAN-MARC GAUCHER






Il n'aime pas les chefs. Il adore les marques.
Jean-Marc Gaucher est l'heureux propriétaire et patron de Repetto, le chausseur de luxe parisien qui s'est implanté cette année dans le centre historique de Mulhouse. Le réseau Repetto compte aujourd'hui 150 points de vente dans le monde dont 22 boutiques et 27 shopping shops en France.


Rose Repetto crée son atelier de chaussons de danse à deux pointes  de l'Opéra de Paris en 1947, à la demande de son fils danseur. En 1956, l'artisan réalise les ballerines Cendrillon pour Brigitte Bardot, immortalisées dans "Et Dieu créa la femme". Très vite, le commerce de la rue de la Paix devient le passage obligé des étoiles du monde entier. En 1967, la maison délocalise la production en Dordogne, à Saint-Médard-d'Excideuil, où les petites mains perpétuent la technique du cousu-retourné. Dans ce Périgord au vert, des centaines de milliers de paires de chaussons sont produites aujourd'hui.

Pourtant, Repetto aurait pu disparaître. En juin 1999, l'entreprise accuse un déficit abyssal pour quelques millions de chiffre d'affaires. Jean-Marc Gaucher, un businessman parisien, la rachète à une banque. Il en fera une industrie très rentable.

C'est dans sa cosy boutique de la rue des Boulangers à Mulhouse que l'entrepreneur autodidacte revient sur sa propre histoire. Jean-Marc  commence dans l'électro-mécanique, en apprentissage, à la fin des années 60, avant de prendre son envol de l'autre côté de la Manche. Au Royaume-Uni, il s'ouvre à de nombreuses expériences, entre fermier et serveur. Mais le fil rouge de son chemin de vie sera la course à pied. La pratique de cette discipline lui fera exporter des chaussures vers son pays natal.
On retrouvera notre homme ensuite dans l'audiovisuel. Au son une grande partie de sa carrière professionnelle. Mais Reebok le rappelle. L'équipementier sportif de Bolton lui confiera sa maison France.
1999 marque une nouvelle étape. L'opportunité Repetto, "marque connue de toutes les filles qui pratiquent la danse" selon Jean-Marc. Pourtant inconnue hors de France malgré les célébrités : BB donc, mais aussi Gainsbourg, Zizi Jeanmaire (belle-fille de Rose la fondatrice), plus tard Mathieu Chedid et Stromae... L'homme d'affaires est convaincu qu'il est plus facile de reprendre une marque que d'en créer une. En 2017, Repetto emploie quelque 300 personnes dans l'Hexagone, 1500 dans le monde. Son unité de production périgordine contribue au made in France et la volonté est ferme de sauvegarder le savoir-faire et l'excellence. Repetto est spécialisée  dans les pointes sur mesure. Elle équipe nombre de compagnies. Outre les articles de chorégraphie, elle se diversifie dans la chaussure et la maroquinerie, voire la parfumerie. Dans le voisinage de l'outil de production de St-Médard, la maison de luxe a ouvert son centre de formation voilà quelques années.
Depuis dix ans enfin, Jean-Marc Gaucher veille sur sa fondation "Danse avec la vie", qui soutient les écoles, particulièrement de Cuba, un des pays les plus féconds en danseurs.







L'heure tourne, dommage d'interrompre cet échange si enrichissant avec cet étonnant entrepreneur qui figure parmi les plus grandes fortunes de France mais tourné vers la jeunesse. S'il a choisi Mulhouse pour sa prime implantation en Alsace, c'est parce que la première ville du Haut-Rhin est plutôt jeune. C'est bon pour les affaires, car les nouvelles générations indiquent le vent. Jean-Marc Gaucher sait d'où il vient. Et avec qui il fait route.