1 février 2018

MON COEUR PLEURE MARIE




Les jours passent, des visages s'effacent. J'ai été happé ce matin par un petit pavé nécrologique qui m'a ému. Je ne reverrai plus Marie. Voilà quelques semaines, j'appris qu'elle avait été admise en institution à la suite peut-être d'une blessure handicapante. Je passe souvent devant sa jolie petite maison de ville, enserrée entre deux immeubles. Je ne manque pas d'y jeter un regard, même si je ne me souviens pas d'avoir vu Marie à la fenêtre.
Nous étions presque voisins. Une centaine de mètres peut-être nous séparaient, dans cette rue des Boulangers où elle demeurait la mémoire vivante, à 93 ans. Pourtant Marie n'a pas toujours été altkirchoise. Mais elle aura fait partie de mon paysage pendant un demi-siècle, bien que je ne sache pas grand-chose d'elle.
Elle était la simplicité, la  gentillesse, le labeur. Une de ces femmes du temps jadis, tout à leur ouvrage, au service des autres. Trois ans après papa, elle s'en est allée à son tour. Ces deux-là formaient un binôme incroyable en cuisine, aussi productifs à deux qu'une brigade industrielle. Une génération les séparait, mais tout les unissait quand il s'agissait de nourrir les paroissiens de Notre-Dame. Marie portait les marques d'une vie de travail, mais son visage parlait de Dieu, fidèle croyante. On rapporte aussi qu'elle excellait en pâtisserie de maison.
Je l'ai souvent croisée avec sa vieille bicyclette. Elle me lançait alors un "Bouchour Pascal". Elle avait ce côté campagnard qui mettait de l'authenticité dans une rue en perte d'identité.

J'aurais tellement aimé qu'elle me parlât encore de la Libération. Elle avait enduré la fin de guerre à Sélestat. De nombreux combattants avaient perdu la vie dans l'hiver russe de l'Illwald en janvier 45. Marie avait leur âge, vingt ans. 
Elle vient de s'endormir dans la douceur de l'hiver, le 30 janvier.  
Ma rue des Boulangers a perdu "s'Kipp Marie".

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