8 septembre 2017

LE DERNIER SOUFFLE DE PIERRE

Pierre Rapp pêcheur d'hommes et pêcheur de poissonsHindlingen septembre 1977







" Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église" (Matthieu 16:18). Il était l’Église d'Altkirch pendant quatre bonnes décennies. Pierre Rapp a été rappelé à Dieu le 6 septembre, à 87 ans. Comme ses doux parents, il a eu la grâce d'une longue vie. Pierre arriva à Altkirch en 1968 ; il ne pourra fêter le jubilé de son installation dans la capitale du Sundgau, dont il fut citoyen d'honneur depuis peu. 

Pierre a été mon curé de toujours, malgré son légitime retrait ces derniers temps. Il a été celui de ma grand-mère Maria, qui appréciait ses interprétations. Il  savait la musique et le chant. C'est lui qui accompagna sur le seuil de la maison du Père mes grands-parents maternels, nous réconfortant de ses mots justes. C'est lui qui m'emmena d'abord au renouvellement des vœux de baptême. Je m'étais donné la varicelle  pour me soustraire à la retraite auparavant ; Pierre me fit livrer une croix de bronze, que je retrouve à l'instant devant mes yeux. Elle fait partie de mon quotidien depuis si longtemps et là, je la vois... Ce jour de juin 1979, il se passa quelque chose de fort et d'indescriptible en moi. La cire brûlante de la bougie sur ma main, les frissons d'une émotion. Pierre m'avait donné l'accolade pendant l'office. C'était le souffle de la Pentecôte, qui a fait de moi un chrétien fidèle mais faible comme le sont la plupart des hommes. Avec Pierre, nous avions toujours plaisir à nous voir, à échanger rapidement.
Ma vie professionnelle commença quelques années après la communion tout à côté du presbytère. Pierre devint ainsi mon voisin de travail. Il aura dû ramasser quelques vinyles dans son potager... Tout religieux qu'il était, il ne s'interdisait pas d'écouter la radio, la mienne en particulier. J'avais en lui un auditeur de proximité immédiate  et assidu qui me complimentait. En retour, je le félicitais pour ses homélies, claires et structurées. 


Le temps a passé. Immuablement, je revoyais notre curé doyen devant la grande croix du cimetière, le jour de la Toussaint. J'avais le sentiment qu'il n'avait guère changé en traversant les décennies.  Le 11 septembre 2017,
Pierre fera le dernier voyage depuis Notre-Dame de l'Assomption qui domine Altkirch, dans son église qu'il a tant servie.
Depuis son départ à la retraite officielle, trois curés se sont succédé. Or sa longévité, son charisme, sa voix grave et posée le rendraient irremplaçable. 

La dernière Toussaint de Pierre Rapp. Altkirch 2016.

Les murs de ma prime entreprise ont été rasés, le presbytère est un manoir froid et Pierre est convoqué par son saint patron. Mais les pierres de Notre-Dame se souviendront. Longtemps.

Au revoir Monsieur le Curé.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire