22 juillet 2017

STRASBOURG SANS MOBILE



 
Photo Adàm Kossuth


Je ne cesse d'exhorter à la déconnexion. Sur la route de Mulhouse, je me rends à l'évidence : j'ai laissé mon téléphone en charge à la maison ! Ça n'arrive quasiment jamais. Cette fois, on y est, alors que je dois me rendre à Strasbourg. J'ai quitté Altkirch à 12H01, après avoir échangé avec un voisin sur le délirant mur peint au milieu de notre rue. Je suis en gare de Mulhouse à 12H30. Il me reste un bon quart d'heure pour échafauder la solution à mon oubli de mobile. Comment joindre Eloi que je dois récupérer dans l'après-midi ? 
Pas de téléphone, mais pas de montre non plus. Plus d'internet. Il va falloir trouver un plan pour honorer mon rendez-vous. Vers 13H40, me voilà dans la capitale du Grand Est. La proximité de la gare explique sans doute la présence à l'entrée de la rue Kuss d'une carte. Deux Allemandes recherchent la rue du Cochon de lait  - tiens, je ne savais même pas qu'elle existe. A deux pas de la cathédrale. 
Je repère enfin la rue de Bouxwiller, rattachée au boulevard Wilson. Une dizaine de minutes à pied, moins peut-être, de la gare centrale. C'est le quartier du rectorat, calme forcément ce samedi d'été. 
Il est quatorze heures. Je suis ponctuel. A la fin de ma rencontre, je sollicite un téléphone. Bien sûr, je ne me souviens plus des numéros, à l'exception de celui de maman, qui centralise toujours les demandes. Fort heureusement, maman décroche. Elle s'apprêtait à sortir. Entre-temps, Eloi aura multiplié les appels, sans nouvelles de ma part. Laconiquement, j'indique 16H40 en gare de Strasbourg. J'ai désormais une heure trente avant le train du retour.
Je savoure l'instant tout de même.
Flâner dans le centre-ville libéré de mobile, comment imaginer ? 

Dans le grand magasin, une vendeuse me donne l'heure. Les horodateurs se révèlent utiles aussi, quand les horloges des bâtiments publics sont devenues muettes. 
Je croise des gens qui la main rivée au mobile, qui hypnotisées par leur écran. Dans cette foule connectée, je marche seul mais libre. Coupé des miens certes, mais coupé du monde. Une parenthèse bienfaisante qui me conduira sous la grande verrière vers 16H30. Un temps d'appréhension. Eloi a - t - il eu le message ? Deux minutes plus tard, sa longiligne silhouette m'apparaît.
Nous voilà trois sur le chemin du retour. Impossible pourtant d'engager une phrase avec ma voisine de gauche, égoïstement branchée sur sa musique. Eloi  s'est installé en face, qui ne quitte pas son téléphone non plus. 
Dans ce monde de sourds, je n'entends que le souffle du train. La vieille dame, là-bas, sourit toujours.

22 juillet 2017 PK

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